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d'après Guy de Maupassant

Publié le 09 novembre 2013 par Dubruel
HAUTOT PERE ET FILS Ce dimanche-là, Hautot-père, Veuf depuis des années, Et son fils Robert Avaient invité Deux amis à une partie de chasse : Le percepteur, M. Bordas Et le notaire, maître Caron. Bordas demanda : -« Et le lièvre, Y en a-t-il du lièvre ? » -« Certes oui, dans les fonds. », Répondit Hautot-fils En chargeant son fusil. Sur le chemin, les cœurs Des chasseurs Battaient un peu. Leurs doigts nerveux Tâtaient les gâchettes. Hautot-père, en-tête Du triumvirat, Épaula et tira. Une perdrix s’écrasa Dans un fourré. Le veuf s’élança Pour chercher son gibier. Un second coup de feu éclata. Robert s’écria : -« Tu la trouves, papa ? » Hautot-père ne répondait pas. Le garde appela : « V’nez vé ! Y a un malheur d’arrivé !» Pour saisir la perdrix, Hautot, en se baissant, Avait lâché son fusil. Un coup était parti Et l’avait blessé Très grièvement. Les trois chasseurs se sont précipités : Hautot était couché sur le flanc, Couvert de sang. Ils le transportèrent dans son lit. Très affaibli, Le père Hautot appela son fils Et lui dit : -« Fils, mets-toi de ce côté Et viens m’écouter : Ça fait sept ans Qu’est morte ta maman. J’me voyais pas Rester veuf tout c’temps-là. Comme tu sais, L’homme n’est pas fait pour vivre seul. Alors, j’ai pris une petite à Rouen Elle s’appelle Élodie Darfeuil. Tu comprends ? Elle était pour moi Gentille, dévouée, très chère. Une vraie femme, quoi ! Tu saisis, mon gars? » -« Oui, père. » -« Alors, si j’m’en vas, Faut lui donner de l’argent. Tu comprends? » -« Oui, père » -« Sans le souvenir de ta mère, Je l’aurais épousée. Et j’avais pensé Que sur ma fin, Je t’aurais annoncé Cette chose-là. Enfin, Bon. Dès que j’serai parti. Va la voir. Elle demeure à Rouen 28 rue Legendre. Vas-y un jeudi. C’est ce jour-là qu’elle m’attend. Tu verras, Elle t’expliquera ; J’peux pas plus m’confier à toi. Allez ! Embrasse-moi. » Hautot mourut dans l’heure, Avec d’atroces douleurs. Le jeudi suivant, Robert attela Coco, Et partit pour Rouen au grand trot Il était désemparé à l’idée D’avoir à affronter L’amie de son père enseveli, Mais il pensait : ‘’J’ai promis.’’ Au domicile d’Élodie, Il sonna. La porte s’ouvrit Sur une jeune femme Brune aux reflets de flammes, Bien habillée, le teint frais. -« Monsieur, vous désirez ? » -« Je suis Hautot-fils » Surprise, elle fit : -« Monsieur Robert ? » -« Oui. Je viens de la part de mon père…» À cet instant, Robert vit un enfant Âgé de quatre ou cinq ans Jouant par terre devant le fourneau Où un plat restait au chaud. Il remarqua aussi trois couverts disposés Sur la table joliment dressée. -« Tenez, asseyez-vous là. » -« Comment vous raconter cela ? …Dimanche, hélas… Mon père s’est tué à la chasse. » Élodie aussitôt, Se mit à pleurer à gros sanglots. Robert reprit D’une voix adoucie : -« Nous arrangerons l’affaire tous deux Selon ses vœux. Écoutez-moi bien : Pour vous, il m’a laissé du bien. Vous n’avez rien à craindre Vous n’aurez pas à vous plaindre. » -« Oh ! si j’accepte, J’peux vous l’promettre, Ce sera pour le p’tit. J’vais mettre Les sous sur sa tête. » Robert, saisit alors le raisonnement : ‘’Il est donc à mon père, cet enfant !’’ Il regarda son frère avec émotion Puis reprit la conversation : -« Quand va-t-on en causer Car vu l’heure, j’dois vous laisser. » -« Oh ! Ne partez pas, Ne me laissez pas. Il est encore tôt. Oh ! qué malheur. Qué misère !  J’ai plus qu’mon petiot ! Parlez-moi encore de vot’ père. » Puis Élodie balbutia : -« Mon pauv’ petit gars, Te v’là orphelin présentement. » -« Moi aussi. », ajouta Robert tristement. Puis un instinct de la ménagère Se réveilla chez la jeune mère : -« Vous n’avez rien pris sans doute …Et cette longue route… Mangez donc avec nous deux.» -« Non, merci, j’suis trop soucieux. » Elle insista. Il céda -« Quand voulez-vous Qu’on parle entre nous… Jeudi prochain…? » -« Oui, ça m’va,… jeudi prochain. Vous déjeunerez ici, n’est-ce pas ?» -« Ça, le promettre, j’peux pas. » -« On cause mieux en mangeant. …On a plus de temps. » -« Eh bien, soit ! à jeudi midi. » Robert serra la main de la maman Et embrassa l’enfant. Elle lui avait plu Élodie. Il voulait faire les choses en grand : Donner une rente de mille francs. Puis l’idée de ce frère, Le fils de son père, Le tracassait Et en même temps lui plaisait. Le jeudi suivant, Rue Legendre, il déjeuna longuement. Élodie ne voulait pas tant d’argent. Puis, en souvenir, elle offrit à Robert La vieille pipe de son père Qu’elle avait soigneusement rangée. Hautot-fils remercia et prit congé. Élodie, restant face à lui, conclut : -« Alors, on s’verra jamais plus ? » -« Mais si, j’veux bien. » -« Alors jeudi qui vient, Ça vous irait ?  Et vous déjeunerez, N’est-ce pas ? » -« Oh ! Je r’fuse pas. » -« Entendu. Alors, à jeudi. » -« Avec plaisir. À jeudi, midi. »

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