Magazine Journal intime

Où il est question d’un bain

Par Vivresansargent

09/11/2013

 Je quitte Vicq sur Breuil et le bar abandonné que l’adjoint au maire a gentiment mis à ma disposition pour la nuit. Il fait noir et froid. Je marche et me fraie un chemin dans la forêt de vent qui manque à chaque instant de m’arracher la casquette que j’ai visée sur le crâne.

Après seulement cinq kilomètres parcourus, je traverse Magnac bourg. Je suis attiré par un petit bar qui me paraît bien sympa. Jamais je ne m’arrête si vite pour faire une pause. Je salue gaiement le patron. Il voit la coquille saint Jacques accrochée à mon cou : « Un pèlerin ! Moi aussi j’ai fait Compostelle ! » S’en suit une conversation nourrie et chargée de sourires et de connivences. Jean-Laurent aimerait bien créer un blog mais doute et hésite. Je me bats pour le motiver et le rassurer. J’espère avoir trouvé les mots pour qu’il se lance un jour. Toujours est-il qu’il m’offre mon café et qu’il m’en propose même un autre que je refuse. Au moment de partir, il m’indique le meilleur chemin pour arriver à Salon la Tour, mon étape du jour. Il me dit de prendre la direction du château de la Grènerie. Je range cette information dans un coin de ma tête et on se salue chaleureusement. Je reprends la route.

Après trois heures de marche, j’aperçois un panneau indiquant le château. La route pénètre dans la forêt et la direction semble opposée à celle que je suis. Une seconde j’hésite puis décide de faire confiance à Jean Laurent. Je m’engage sur le chemin. Après un moment, j’entends une voiture qui s’approche dans mon dos. Je lui fais signe de s’arrêter. Sans même un écart, la voiture me dépasse faisant voler, à son passage, mille feuilles mortes. Ok. Je continue. Un instant plus tard, une autre voiture approche. J’invite, dans un signe universel, le véhicule à s’arrêter. Mon invitation est accepté. La vitre du conducteur se baisse et je demande :

« - Bonjour m’sieur dame ! Est-ce que je suis sur la bonne route pour Salon la Tour ?

-Oui, parfaitement me réponds la dame derrière son volant. Vous continuez tout droit et prenez la première à droite.

-Super !

-Vous voulez que l’on vous dépose ?

-C’est très gentil madame mais je suis un pèlerin sur les chemins de Saint Jacques de…

-Ah, un pèlerin ! Moi qui en rêve ! »

Une petite conversation improvisée s’en suit. Mille questions me sont posées. Parmi elles, celle-ci :

« -Vous dormez où le soir ?

-Et bien, dans les mairies, dans des auberges et parfois chez des gens qui m’accueillent bien gentiment. » Elle regarde son mari et spontanément :

« -Vous voulez dormir à la maison ce soir ?

-Écoutez, j’accepte avec plaisir votre invitation ! »

Incroyable ! Merveilleux ! Encore une fois la vie m’offre gentiment ce que je lui est simplement demandé ! Si je ne m’étais pas arrêté dans le bar de Jean-Laurent ce matin, je n’aurais pas pris cette route et donc pas rencontré Guy et Françoise. Pour moi c’est si clair que j’en suis tout enivré ! Je ne suis pas seul. Les inspirations et intuitions me sont soufflées à l’oreille. J’ai cette sensation merveilleuse d’être chaque jour plus sensible et plus à l’écoute de mon instinct, de mes intuitions. Je sens une acuité de plus en plus fine naître en moi. Comme un sixième sens. Quand ce sixième sens apparaît dans la vie, il prend peu à peu toute la place. En effet, quand comme moi, on n’est convaincu que rien n’est laissé au hasard, chaque rencontre, chaque situation devient un événement qui, selon notre libre arbitre et nos choix, nous mènera dans telle ou telle direction. Chaque rencontre, chaque événement peut ainsi apporter sont lot de bénédiction ou de souffrance. Que cette situation soit agréable ou désagréable, elle peut nous aider. C’est bien quand un homme en a assez de souffrir qu’il décide de faire autrement. La souffrance est donc le seul moyen d’être heureux. La souffrance est une bénédiction, un cadeau. Fuir les souffrances est inutile et contre productif car le problème qui cause cette souffrance ne cessera de se présenter à nous tant que l’on aura pas décidé d’affronter, enfin, le problème pour finalement trouver la solution pour le résoudre. Une solution existe pour tous les problèmes. En fait, la vérité, c’est qu’il n’y a aucun problème…

La vie devient un véritable terrain de jeu vidéo. Il y a plusieurs niveaux, plusieurs plateaux avec des obstacles plus ou moins difficiles à franchir, des points bonus à trouver derrière un arbre ou dans une grotte et un monstre à affronter à la fin du niveau pour pouvoir passer au niveau supérieur. Et plus on progresse dans le jeu plus l’on devient fort. Moi qui suis convaincu de l’éternité de nos âmes et de la pluralité de nos vies humaine, je peux continuer à faire ce parallèle entre la vie et un jeu vidéo. Dans un cas comme dans l’autre, on peut toujours recommencer et tenter notre chance jusqu’à trouver le moyen de vaincre le monstre de la fin du niveau et ainsi continuer jusqu’au monstre final, le plus difficile à faire tomber. Une fois ce monstre à terre, après moult tentatives, moult vies, la victoire finale, la fin du combat, la joie qu’offre la paix. Et, à ce moment là, on s’empresse d’aller voir son petit frère dans sa chambre et, fier comme un coq, de lui dire : « -C’est bon, j’ai fini le jeu ! J’ai trouvé la clé pour battre le monstre final ! Tu veux savoir ! »

J‘ai beaucoup de chance d’avoir rencontré ce couple fort sympathique. J’ai passé une soirée formidable chez mes hôtes. Encore d’autres belles âmes. Nous avons ouvert nos cœurs et beaucoup échangé. Les rencontres de ce type sont merveilleuses car comme l’on sait que l’on ne se reverra pas, il n’y a pas de tactique, de stratégie, ni de peur. Chacun se livre, s’offre. C’est ainsi que des conversations deviennent de véritables échanges.

J’ai mangé comme un roi. Si le président, lui même était venu à ma place, il n’aurait pas été mieux reçu. J’ai même pris un bain dans une baignoire d’un autre temps, un luxe inouï pour un pèlerin. Un bain brûlant. Merveilleux.

J’ai oublié de faire une photo de ce couple vivant ensemble depuis 37 ans. Par contre, je n’ai pas oublié de noter leur adresse pour leur envoyer une carte postale de Saint Jacques de Compostelle.

Un immense merci à Guy et Françoise.


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