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La Grande Guerre face à sa commémoration

Par Mbertrand @MIKL_Bertrand

Dans le cadre des Rendez-vous de l'Histoire 2013, les commémorations à venir de la Première Guerre mondiale ont été largement présentées, commentées et analysées.

En sa qualité de président du comité scientifique du Centenaire de la Grande Guerre, Antoine Prost a notamment proposé une communication permettant de faire le point sur les commémorations à venir. L'occasion pour nous aussi d'inaugurer  sur ce site une nouvelle catégorie intitulée "Mémoire et Première Guerre mondiale" visant à recueillir et analyser cet évènement commémoratif particulier.

La Grande Guerre face à sa commémoration

Selon Antoine Prost, la commémoration va être de grande ampleur : 1246 projets commémoratifs ont été proposés au comité scientifique du Centenaire. Ces projets permettent d'anticiper le récit de la Première Guerre mondiale qui va être déroulé pendant plusieurs années :

  1. Une commémoration à l'échelle nationale (métropolitaine et outre-maritime) et non pas seulement centrée sur les lieux de mémoires traditionnels.   
  2. Une commémoration qui touche toute la société. Antoine Prost se dit stupéfait de constater "un si grand nombre d'entrepreneurs de mémoire".
  3. Des activités mémorielles très diversifiées : expositions, conférences, films documentaires, parcours touristiques, spectacles, etc.
  4.  Une commémoration très ancrée dans les territoires : Lyon pendant la Grande Guerre, Dijon pendant la Grande Guerre... qu'Antoine Prost interpréte comme un intérêt particulier pour l'histoire des hommes plutôt que l'histoire évènementielle, politique et diplomatique. L'importance de la place des lettres de Poilus dans ces commémorations confirme une telle analyse. 
  5. L'échelle locale n'occulte pas cependant la dimension internationale du conflit. Beaucoup de communes ont décidé de mobiliser les jumelages avec d'autres villes d'Europe et du monde pour mettre en perspective l'expérience de guerre au-delà des frontières.
  6. Une commémoration centrée autour du deuil, et notamment des monuments aux morts qui sont rénovés, actualisés et recensés.
La Grande Guerre face à sa commémoration

Antoine Prost souligne aussi les limites de ce récit et les angles morts qu'il perçoit dans l'écriture mémorielle de l'histoire de la Première Guerre mondiale qui s'annonce :

  1. Ces commémorations donnent une image passive de la société française en laissant de côté l'effort de guerre, notamment du mouvement ouvrier.
  2. Aucune commémoration ne propose pour le moment de projet à l'échelle mondiale. Antoine Prost en profite cependant pour nous signaler que les intentions du Président de la République à ce sujet ne sont pas encore connues.
  3. La dimension franco-allemande des commémorations risque de laisser dans l'ombre une grande partie des autres acteurs du conflit (Canadiens, Américains, Indiens...)
  4. L'intégration de certains acteurs s'avère compliquée en raison de l'histoire de l'Europe au XXe siècle : quelle place accorder aux nations issues de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie qui n'ont pas participé en tant qu'entité reconnue à la Première Guerre mondiale ?
  5. Une conception linéaire entre la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale semble s'imposer bien qu'elle ne se vérifie pas dans l'historiographie actuelle et qu'elle sous-estime les responsabilités du nazisme.
  6. La dimension politique du conflit est minimisée par l'actuelle orientation territorialisée des commémorations et l'accent porté sur l'expérience humaine de la guerre plutôt que sur le rôle de l’État et des armées, voire le rapport entre les deux.

Antoine Prost reste cependant silencieux sur les commémorations qui seront proposées par l’État et n'évoque pas dans cette communications les projets portés par les autres pays du monde.


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