Drague 2.0 : une semaine pour adopter un mec
" L'homme est un animal social. " Aristote
Tout commence autour d'un verre de vin blanc. Ma copine Marina me raconte son dernier rencard : Louis, un prof de tennis de 29 ans qui compensait sa disparité capillaire par ses talents en pâtisserie. Une perle rare selon elle, rencontrée au détour d'un clic sur Adopteunmec.com. Selon elle toujours, ce supermarché du love en ligne est un passage obligé pour qui serait en quête de l'amour. En plus, pour une fois, ce sont les femmes qui ont le pouvoir. Vraiment ?
C'est donc intriguée mais décidée, que je rentre chez moi avec une seule idée en tête : m'inscrire sur Adopte, histoire de voir ceux qui se trouvent sur les étagères de l'hypermarché des rencontres.
Jour 1 : l'inscriptionUn brin éméchée, je me connecte donc sur le site. Après avoir parcouru les ventes flash Dandy Chic et BCBG, je décide de sauter le pas et de me créer un profil. Classique et facile, l'inscription ne dure pas plus de cinq minutes. Ensuite vient le moment de remplir sa page de profil. Là non plus rien de bien compliqué. Pseudo, mensurations, caractéristiques physiques et autres descriptions, des données traditionnelles pour un site de rencontres. Très vite pourtant, les champs à remplir flirtent avec l'indécence. Style de sous-vêtements, préférences sous la couette et autres données personnelles que je préfère garder pour moi. Surtout que bon, ce n'est pas dit que mon boss ne soit pas sur le site.
Hop, en deux-trois clics, me voilà donc lancée dans les allées du supermarché des rencontres. En quelques minutes, mon profil est visité par plus d'une dizaine d'hommes de tous âges. Je découvre avec stupéfaction que ces visites me rapportent des points. Pour quoi faire, je ne sais pas, mais tant que je gagne... Je flâne sur les profils de mes visiteurs, quand je reçois mon tout premier charme : un sorte de poke de l'amour qui permet, s'il est accepté, de discuter avec le charmeur en question. Bon, j'accepte, pour voir. Mais après deux-trois messages échangés, la discussion tourne déjà en rond, et je décide d'aller me coucher.
Jour 2 : les premiers pasAu réveil, mon score s'élève déjà à 3225 points. A croire que les utilisateurs sont avides de chair fraîche. J'accepte timidement quelques uns des 17 charmes reçus dans la nuit. Chacun de mes prétendants débordent d'inventivité pour entamer la conversation. Bon ok, peut-être pas tous. Yvan, 27 ans, courtier en assurance dans le 91 a l'air d'avoir du mal avec le concept des questions ouvertes, et après deux-trois " et toi ? " lâchés par faiblesse, je suis contrainte de mettre fin à tout ça. D'autres à l'instar de Jérôme, 31 ans, chef de projet marketing dans un grand groupe, ont beaucoup plus de facilités.
Par peur de me faire griller par un de mes collègues d'open space, je préfère transférer cette nouvelle distraction sur mon téléphone : plus discret. Mis à part les pushs qui font vibrer ma poche de veste toute la journée, et le sourire niais qui me barre le visage dès que j'entrevois un nouveau message dudit Jérôme apparaître. Mon regard sur le site commence tout juste a changer, quand la réalité me rattrape. Alors que je file dîner avec Marina pour lui raconter mes premiers pas sur Adopte, Jérôme me propose de le rejoindre après. Et si j'hésitais à savoir à quoi il faisait allusion, il met rapidement fin à mes tergiversations en m'envoyant un lien vers JackieEtMichelTv. Ahem.
Jour 3 : l'apprentissageDéçue par cette première rencontre, Marina me conseille de faire plus attention aux charmes que j'accepte.
" Déjà, tu regardes bien toutes les photos. S'il n'en a qu'une, et qu'il porte des lunettes de soleil, tu zappes. S'il se prend tout seul devant son miroir avec sa chemise ouverte, tu zappes. Ensuite, tu lis son profil. S'il y a des fautes d'orthographe, tu zappes. Tu lis bien sa description, et ses goûts musicaux et autres. S'il remplit tout, sauf les livres, tu zappes. S'il met " fibre paternelle ", c'est soit un mytho, soit un taré, tu zappes. S'il te charme plusieurs fois de suite, c'est un sociopathe, tu zappes. Et dernière chose, tu vérifies aussi son nombre de points. S'il en a trop, tu zappes... " Ah oui quand même... C'est vrai qu'en y repensant, Jérôme avait l'air bien à l'aise avec ses 245 800 pts.
Jour 4 : le regain d'espoirBon, après un premier saut raté dans le bain de la drague 2.0, je repars du bon pied ! Le mot d'ordre : être plus sélective. Me voici donc en train de détailler chaque profil. Fastidieux et un brin superficiel, mais si ça peut écarter les futurs Jérôme... Bonus en prime, le déchiffrage des différents profils me déclenchent plusieurs fous rires.
Pendant la pause déjeuner, décidée à ne plus me laisser bernée, je donne leur chance à Hugo, Martin et Antoine. Trois mecs qui paraissent bien sous tous rapports, à la lecture de leur profil tout du moins. Les premiers échanges me redonnent de l'espoir. Hugo, 27 ans est éleveur de girafes dans le Berry. Soit. A côté de ça, il est gentil et fait très bien semblant de s'intéresser à moi. Tellement d'ailleurs qu'au bout de plusieurs messages, il me repose les mêmes questions. Mon deuxième prétendant du jour, Martin, table tout sur l'expression écrite, tandis qu'Antoine joue la carte du timide, là un peu par hasard. Charmant.
Jour 5 : le laisser-allerLe jour suivant, je poursuis mon apprentissage. Passé les premières questions traditionnelles (travail, relation recherchée, etc), je me laisse aller à entreprendre une vraie discussion avec mes prétendants de la veille, et les chanceux du jour. Je manque par deux fois de me tromper d'interlocuteur, m'obligeant par la suite à rester concentrée sur un nombre réduits de protagonistes. Hugo, qui n'a pas saisi l'allusion de la veille, continue de m'envoyer toutes les deux heures " tu passes une bonne journée ? ", pendant qu'Antoine, toujours un peu réservé, me demande de télécharger une appli pour continuer à discuter hors du site.
Jour 6 : la désillusionVoilà près de deux jours que je discute avec Martin et Antoine. Je montre leurs profils à Marina qui les trouve tout à fait attrayants. Sauf que, dans la soirée, mon petit monde s'écroule. Martin, qui s'était lancé dans une conversation épistolaire des plus poétiques (ok, pas tant que ça), me confesse qu'il a une passion pour les sous-vêtements féminins. Une passion dévorante. Pas le temps de répondre que déjà, il me détaille sa propre collection de porte-jarretelles et autres corsets. Je suis abasourdie. Ni plus ni moins. Ne sachant que faire, je tente de mettre un terme à la conversation.
Un peu perdue, je me tourne vers le timide Antoine qui me demande s'il peut me poser une question indiscrète. Un peu perplexe, j'acquiesce et manque de faire tomber mon téléphone en voyant apparaître la fatidique question : " quelles sont tes mensurations ? ".
Jour 7 : le renoncementAu final, je n'ai répondu ni à l'un, ni à l'autre. D'abord révoltée, puis inquiète, j'ai passé une bonne heure à me demander si c'était moi qui avait un problème ou si la drague 2.0 n'avait finalement plus rien de la " drague ". Ne sachant que faire, je m'en suis remise à Marina, qui avait finalement largué son prof de tennis après avoir découvert qu'il jouait sur plusieurs terrains.
" Au final, tu ne trouves peut-être pas l'amour sur Internet, mais c'est un booster d'égo surpuissant, qui te libère un peu plus pour tes prochaines vraies rencontres ". Si elle le dit...
Emmanuelle Ringot Pour des raisons évidentes, les noms des protagonistes ont été modifiés.Retrouvez tous les articles d'Emmanuelle sur Footaises et sur sa page Facebook.