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« La Cuisine au temps de Gustave Courbet »

Publié le 18 novembre 2013 par Savatier

« La Cuisine au temps de Gustave Courbet »Le XIXe siècle s’inscrit, dans l’histoire de la table, comme une étape charnière, qui vit naître le restaurant tel que nous le connaissons aujourd’hui. Cette nouvelle approche culinaire consacra pour longtemps Paris capitale de la gastronomie ; elle mettait en lumière une haute cuisine, sophistiquée, raffinée, complexe que l’on pourrait, in fine, qualifier de « parisienne ». Aucune place, en effet, n’était réservée dans les établissements les plus réputés, dont les chefs avaient, pour la plupart servi les élites de l’Ancien régime, à la cuisine régionale, jugée trop rustique - c’est à peine si Les Trois Frères Provençaux osaient encore afficher la bouillabaisse à leur carte sous le Second Empire...

Pour redécouvrir cette cuisine provinciale, populaire, attachée aux produits des terroirs et façonnée au rythme des saisons, il fallait, comme Alexandre Dumas en était coutumier, se rendre sur place et, le plus souvent, la déguster chez l’habitant. Dans cet esprit, La Cuisine au temps de Gustave Courbet (CPE Editions, 119 pages, 14,90 €) propose au lecteur d’aujourd’hui un intéressant panorama de ce que fut au XIXe siècle - et de ce qu’est toujours - la table franc-comtoise, à travers près de cent recettes gourmandes collationnées par Fanny Rose, faciles à réaliser, parfois curieuses ou inattendues (comme la tarte au vin), mais très représentatives de cette région au climat parfois rude, à la nature riche, fidèlement rendue dans ses toiles par Gustave Courbet.

Dans sa préface, en introduction à un texte de Charles Beauquier (1833-1916), l’éditeur précise, s’agissant de l’artiste : « On possède très peu, pour ne pas dire aucune, informations sur ses goûts culinaires, mais quelques séries de toiles font espérer que la convivialité d’un repas en famille ou entre amis ne lui était pas étrangère. » C’est évidemment un peu court... Car les témoignages abondent, chez les amis du maître-peintre d’Ornans, qui le représentent attablé, notamment dans des brasseries, dévorant avec un appétit d’ogre, buvant de grandes quantités de bière ou de vin, chantant joyeusement. Sa célèbre toile, Un Après-dîner à Ornans, qui lui valut une médaille au Salon de 1849, avec ses reliefs de repas abandonnés sur la nappe, en atteste tout autant, au même titre que Le Repas de chasse (1858) rappelle qu’il était grand amateur de gibiers.

« La Cuisine au temps de Gustave Courbet »
Quant à l’étude de sa correspondance, publiée en 1996 par Petra ten-Doesschate Chu, elle nous renseigne encore davantage : dans sa première lettre connue, adressée à ses parents à l’automne 1837 (il avait 18 ans), Courbet détaille le menu du Collège royal de Besançon où il est interne ; dans la suivante, il se plaint : « La nourriture me dégoûte tellement que je ne puis rien manger. » Sur la fin de sa vie, écrivant au peintre Whistler auquel il rappelait leur séjour commun à Trouville de 1865, il évoquait encore : « des saladiers de crevettes au beurre frais sans compter les côtelettes au déjeuner. »

Viscéralement attaché à sa terre franc-comtoise (au point d’avoir choisi, après son injuste condamnation dans l’affaire de la colonne Vendôme, de s’exiler dans la Suisse frontalière plutôt qu’en Belgique ou en Angleterre comme la plupart des réprouvés d’alors), Gustave Courbet en appréciait la cuisine simple, mais généreuse, roborative, goûteuse, tout comme il en aimait les vins qu’il commandait par tonneaux entiers à des vignerons locaux.

Sans doute les plats typiques réunis dans La Cuisine au temps de Gustave Courbet durent figurer à son menu, dans la maison familiale d’Ornans, à la ferme de Flagey ou chez ses amis comtois, comme le coq au Savagnin, le poulet au Vin Jaune, le michon au comté, le poulet aux morilles, le ragoût de châtaignes et, bien entendu, les truites de la Loue (atteignant souvent des tailles monstrueuses, précisait-il) qu’il aimait pêcher et dont il peignit plusieurs spécimens à la fin de sa vie.

Illustration : Gustave Courbet, L'Après-dîner à Ornans, 1849, Musée de Lille.


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