Les gens sont attirés par le mystère et le sensationnel. Moi aussi.Mais à côté des reptiliens, des univers parallèles, du Loch Ness, des mangeurs de lumière, des petits gris, des complots en veux-tu-en-voila, des enfants dingos, des planètes invisibles, des effets kirlians, des chakras, des auras, des aiguilles dans les arpions et des boules de sucre, il y a ça :Comment une chose (ma tête) peut-elle être transparente ? Comment, à la place d'un objet, peut-il y a avoir cette absence, cette ouverture limpide, ce rien qui accueille tout ? Comment quelque chose peut-il s'absenter pour les autres choses ? Non comme un miroir, qui accueille sans conscience, mais comme vous et moi, comme cet espace, qui accueille en conscience ?A côté de ce miracle qui viole toutes les lois de l'univers et du bon sens, Lourdes est banale, Amarnath est surfaite, la Mecque est rebattue, le Wu Tai Shan est ennuyeux, Bodhgaya est triviale, le Kailash est insignifiant... On me dit que les pèlerinages connaissent un engouement sans précédent. Mais ça ! Ça ! Ca c'est le pèlerinage de tous les pèlerinages, le sanctuaire des sanctuaires.A propos de tout ce qui est surnaturel ou sacré, mon hypothèse est qu'il s'agit de manières d'exprimer cette merveille de la vision de soi : rien n'est changé - tout est changé. Comment le dire ? Comment le taire ? Voilà ce qui est mystique.
Les pouvoirs surnaturels, les miracles, les visions, ne sont que des tentatives (souvent malheureuses et incomprises) pour partager ce qui est le plus évident : cette immensité d'absence, ce désert de tout, cette sphère cristalline, lieu de nulle chose et banquet sans fin. Stupéfiant. Jouissif. Bouleversant. Vertigineux. L'alpha et l'oméga des pèlerinages, le pouvoir surnaturel toujours présent, le miracle absolu de la transparence !
Au fait. Ce dessin est d'Ernst Mach. Un physicien (mach 1, mach 2...), philosophe aussi. Comme tout physicien, comme tout humain qui se respecte. Le croquis se trouve à la page 16 de la traduction anglaise de sa Contribution à l'analyse des sensations. Il est reproduit par Karl Pearson dans le très influent Grammar of Science. C'est là que Douglas E. Harding l'a vu. Et c'est là qu'il a vu. Qu'il a vu que personne ne voit, comme, en ce moment, personne ne lit ces lignes. Une absence claire. Une clarté absente. Merveille des merveilles !