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Gravity

Publié le 21 novembre 2013 par Olivier Walmacq

Deux astronautes cherchent à survivre dans l'Espace après l'explosion de leur station...

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La critique au dessus du monde de Borat

Quand un cinéaste épouse Hollywood pour faire du grand cinéma dans notre actuelle industrie, il y a de quoi avoir peur tant les contraintes des studios s'avèrent souvent désastreuses. Avec Gravity, Alfonso Cuaron en a épousé quelques unes, notamment le fait de devoir avoir des stars pour héros. Au départ, Robert Downey Jr et Angelina Jolie, Natalie Portman ou Scarlett Johansson; le duo est finalement devenu Sandra Bullock et George Clooney après plusieurs mois de stand by. Après cela, c'était parti pour quatre ans de travail. D'abord prévu pour fin 2012, la Warner n'a pas hésité à le repousser d'un an pour permettre au réalisateur des Fils de l'Homme de le fignoler encore un peu. Alors non, Gravity n'est pas le chef d'oeuvre ultime. Oui, il s'impose comme le digne successeur de 2001 (et ce même si j'adore Sunshine de Danny Boyle) sans le dépasser toutefois. Déjà d'un point de vue technique, Gravity s'impose comme un des blockbusters les mieux mis en scène. Cuaron n'a rien laissé au hasard, préférant un montage aérien presque digne de la simulation à des champs-contrechamp par milliers ou plans multiples pour une même scène. On peut même parler de blockbuster expérimental, tant Cuaron ose tout. Autant dire que bons nombres de réalisateurs hollywoodiens (je pense à Michael Bay comme à Roland Emmerich) peuvent se rhabiller sur ce point.

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Le fameux plan-séquence de vingt minutes constituant l'ouverture apparaît dans un premier lieu comme un plan fixe. La caméra ne bouge pas et nous laisse contempler la Terre dans toute sa beauté. Puis une navette s'approche à la droite de l'écran mais la caméra, au lieu de nous amener vers la navette, reste immobile et la laisse venir vers nous. Le temps que la navette se stabilise dans le champ, la caméra bouge enfin pour suivre un Clooney en jetpack. La caméra suit alors Clooney de manière aérienne et surtout sans que l'image ne tangue à la manière des montagnes-russes. On voit alors Clooney en plein délire spatiale, nous parlant de ses histoires de conquêtes souvent en rapport avec des points particuliers (un coup, il parle de Mardi Gras!). Si la prestation de l'acteur n'est pas exceptionnelle, il a au moins le mérite d'être une bouffée d'air frais dans un film plus d'une fois asphixiant. Plus d'une fois, il réussi à bonifier l'atmosphère alors que l'heure est grave. Néanmoins, quand son personnage est dans une situation difficile, il sait rester sérieux. Le temps de quelques secondes, Cuaron arrête son plan-séquence pour enchaîner sur un autre sans que cela ne gène le spectateur (et même ceux qui l'ont remarqué).

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On connaît désormais les deux personnages principaux incarnés par Clooney et Bullock et on sait leurs rôles (lui est un vétéran, elle fait sa première mission). Pas besoin de dévoiler quinze tonnes d'informations, ce qui est souvent symptomatique du cinéma récent (en gros, les scénaristes se sentent obligés de tout expliquer alors qu'il suffit d'un générique pour montrer un univers, à l'image de Watchmen de Zack Snyder). Cuaron peut faire sauter la navette et la moitié de son équipage avec une furiosité incroyable. Nous assistons en direct à une déflagration d'objets provenant d'une station voisine s'écrasant sur la navette de la NASA. Un plan-séquence ébouriffant où la conversion 3D (le film n'a pu être tourné en native, compte tenu de la lourdeur des caméras, mais même sans ça on croirait que c'est de la native au vue du temps de travail dessus) permet de s'en prendre plein la figure avec une Sandra Bullock dérivant dans l'espace avec une rare violence. Une violence qui apparaîtra constamment, Cuaron usant d'un masochisme avec son héroïne absolument redoutable (un peu comme Lara Croft dans le récent reboot vidéoludique de Tomb Raider). Cela passe par la dérivation en solitaire, l'explosion de station de manière multiple et même de délires mélancoliques. 

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Dans ce sens, le mal de l'Espace est plutôt bien traité, le personnage de Bullock commençant sérieusement à se demander si elle réussira à se sauver d'une situation aussi chaotique. Car l'air de rien un astronaute, même avec un certain entraînement dans une situation de crise (et notamment de savoir étudier un manuel dans une capsule), n'est autre qu'une poussière dans le cosmos. Pour se sauver, il ne pourra pas appeler police secours et devra se débrouiller seul face à un infrastructure éloignée et pas forcément communicante (la NASA). Le réalisateur des Fils de l'Homme se veut donc plus que crédible dans son traitement, jouant très bien suur l'invulnérabilité de ses protagonistes. Ils peuvent mourir à tout instant, ce ne sont pas des super-héros. Surtout, le réalisateur montre une étrange dualité chez son héroïne: c'est une femme n'ayant plus rien à perdre, mais s'attachant durablement à la vie. Une dualité plutôt intéressante et qui apparaît tout au long du récit et notamment dans une séquence de rêve significative. Outre l'implication du spectateur de manière émotionnelle dans les aventures désastreuses de son héroïne, le réalisateur crée un lot de séquences tout simplement impressionnantes.

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Outre les plans-séquences qui en imposent par une maîtrise irréprochable (cette figure de style cinématographique est rare dans un blockbuster alors autant en profiter quand on en voit de beaux, qui plus est sur grand écran), le réalisateur opte pour plusieurs plans spécifiques. Les panoramas pour commencer et notamment pour faire admirer la Terre de loin ou la destruction d'une station sous nos yeux. Il opte aussi pour des plans à la Panic Room, donc de faux plans-séquences où le réalisateur passe de l'extérieur à l'intérieur du casque de Bullock comme si de rien n'était. Sauf qu'au contraire du film de David Fincher, on est face à l'actrice et non dans un lieu en particulier. Un bel exercice de style en somme. Le réalisateur opte également pour des plans à la première personne et se révèle aussi impeccable que ceux du récent Maniac. En plus de l'angoisse qu'il procure par moments, Cuaron réalise deux plans un peu dégueulasses mais terriblement crédibles compte tenu des circonstances et ce malgré un PG-13 bien présent. Décidemment, certains blockbusters de l'année ont mis cette classification à rude épreuve. Quant à Sandra Bullock, elle signe probablement la plus belle prestation de sa carrière. Elle émeut, elle est impliquée corps et âme dans l'opération, on sent qu'à l'image de son héroïne elle a hâte d'en finir avec cette expérience folle. Il y aura probablement un avant et un après Gravity dans sa carrière, en tous cas je l'espère parce que ses comédies et policiers à deux francs... La bande-originale de Steven Price va très bien avec l'action du film sachant être terriblement posé quand le calme est plat comme assourdissante quand tout explose.

Une maîtrise totale de la réalisation face à un déluge émotionnel et sensoriel. A un tel degré de réalisme, on en reste pantoi.

Note: 18.5/20


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