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[critique] Les Sorcières De Zugarramurdi : fantasticorrifique

Par Vance @Great_Wenceslas

La dernière « folie » - comme indiqué sur l'affiche - d'Alex De La Iglesia n'est autre qu'une sorte de comédie horrifique fantastique. Mais derrière cette façade se cache un film plus profond qu'il n'y paraît, aux multiples interprétations. Passée la très désagréable - et fausse - impression de film misogyne, Les Sorcières De Zugarramurdi s'avère par instant absolument brillant dans sa représentation des relations homme/femme.

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Quand on regarde Les Sorcières De Zugarramurdi, la première réflexion qui nous vient en tête est la suivante : Alex De La Iglesia se sert de son film pour régler ses comptes avec son ex-femme, et la gent féminine plus généralement. Pourtant, force est de constater que les apparences (à l'image des trois sorcières du film) sont parfois trompeuses. Non, le long-métrage de De La Iglesia n'est pas misogyne, ce serait même tout le contraire.

Derrière cette histoire horrifico-fantastique dans laquelle des hommes sont malmenés par des femmes-sorcières, se cache un portrait vraiment peu flatteur dans les rapports qu'entretiennent les deux sexes. Il est facile d'en déduire que le réalisateur se moque - voire insulte carrément - les femmes, mais beaucoup moins de comprendre en quoi les hommes sont eux aussi - si ce n'est plus - visés.

Les femmes sont ainsi décrites comme étant manipulatrices, caractérielles, inconstantes, violentes, dominantes. Et celles qui ne sont pas représentées comme des sorcières (mais qui finissent par le devenir) montrent déjà des signes d'une forme de déviance (la présentation de l'ex-femme du « héros » par exemple). Elles sont clairement identifiées comme la source de tous les maux qu'éprouvent les hommes, élaborant leurs plans machiavéliques lors de réunions top secrètes et sectaires, vénérant une déesse païenne, matérialisation de leur propre féminité, la Vénus de Willendorf, symbolisant ainsi le rejet total de tout élément masculin.

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Face à elles, un petit groupe d'hommes va tenter de leur résister. Il serait facile de prendre ces anti-héros en sympathie, puisqu'ils subissent les pires tortures. On pourrait penser que le réalisateur s'identifie au personnage principal, divorcé, galérant pour subvenir aux besoins de son enfant. On imagine qu'il y a de l'auto-analyse dans le film, d'autant que le réalisateur se sert d'un élément assez lourd de sens (le sac rempli de bagues) pour symboliser la désillusion de son précédent mariage. Mais ce n'est pas un film revanchard et prompt aux bassesses purement égoïstes, puisque touchant à un sujet beaucoup plus vaste et universel. Il faut voir les hommes de ce film comme les instigateurs du comportement des femmes. Ils sont lâches, stupides, égocentriques, puérils, faibles.

Alex De La Iglesia choisit de nous faire comprendre sa vision des relations homme/femme en nous rappelant que tout le monde est concerné : les personnes âgées étant aussi hystériques que les plus jeunes, avec cette vieille femme marchant au plafond ou ce gamin tenant un flingue dans chaque main. Ce délire ambiant permet de faire passer beaucoup d'idées, et l'humour acerbe transmet le message en douceur.

Car ne vous y trompez pas, le réalisateur sait toujours soigner ses films. Ici, l'aspect fantastique n'est pas un simple faire valoir à un sujet plus ambitieux. Il est réellement traité avec intelligence et le film peut être vu comme une très bonne comédie horrifique. On rit souvent et on ressent une certaine tension lors des affrontements de ces faibles personnages face à ces sorcières terrifiantes. Malheureusement, si de nombreuses scènes sont absolument géniales et inventives, d'autres ralentissent considérablement le long-métrage. Le début est par exemple brillant, avec ce braquage mettant en scène Jésus, Bob l'Eponge, un soldat en plastique, Minnie et l'Homme invisible, aussi amusant qu'absurde, tandis que la longue course poursuite en voiture qui le suit est assez redondante, notamment à cause d'une surabondance de dialogues pas franchement utiles. Les séquences d'actions sont plutôt bien mises en scènes, mais leur longueur rebutera au bout d'un moment. Tout le film est ainsi régi par un rythme en dent de scie.

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Le spectacle est néanmoins de qualité, la réalisation est intelligente (quel générique de début !), l'interprétation sans faille, et l'humour fonctionne à chaque fois. On regrette que la date de sortie soit si peu propice à aller voir ce genre de film, il aurait tellement été plus judicieux de le sortir en automne. Le film est suffisamment décalé et intelligent pour satisfaire son public.

Ma note (sur 5) :

3


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Titre original

Las Brujas De Zugarramurdi

Mise en scène 

Alex De La Iglesia

Date de sortie France 

08 janvier 2014

Scénario 

Alex De La Iglesia & Jorge Guerricaechevarria

Distribution 

Carmen Maura, Hugo Silva, Gabriel Delgado & Carolina Bang 

Musique

Joan Valent

Photographie

Kiko De La Rica

Support 

35 mm / 111 min

Synopsis : Trois braqueurs d'un magasin d'or de la Puerta del Sol à Madrid, en fuite vers la frontière française, vont se réfugier par erreur dans la ville de Zugarramurdi, haut lieu de la sorcellerie, à la veille d'une très importante réunion de milliers de sorcières...


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