Je crois, oui. En tant que lecteurs, nous accomplissons un acte aberrant. Aberrant et indispensable pour nous, parce que c’est ça qui nous aide à vivre. Mais 90 % de l’humanité n’accomplissent pas cet acte et le considèrent, précisément, comme aberrant. Et surtout dans les quantités où on le fait, c’est-à-dire que, aux degrés de lecture où nous sommes, je pense qu’il y a une espèce de concurrence entre nous et la vie. On a décidé, les grands lecteurs – et ne parlons pas du fait que certains de ces lecteurs deviennent écrivains, ce qui est un degré supplémentaire –, de créer une concurrence à la vie, une vie qui est plus parfaite, plus concentrée, plus condensée, meilleure, et c’est une forme d’aberration. Au fond, on devrait nous fusiller ! [Là, il a ri.] On accomplit quelque chose de tellement séparé du mouvement normal de la vie où les gens sont chefs d’entreprise, conquérants, chefs militaires, je ne sais pas. Le simple fait est un retrait de la vie. Si les autres faisaient attention, ils verraient bien qu’on est concurrents de la vie et ils ne seraient pas très contents. Mais nous ne le répéterons pas…Alors, folle et à fusiller, chère cousine que j'embrasse? Ton cousin.
