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L’hétérosexualité vulgaire chez le Pausanias de Platon

Publié le 02 décembre 2013 par Tchekfou @Vivien_hoch

Ouverture du cycle « eros et thanatos : les grandes décisions civilisationnelles »  sur Itinerarium. Pour contribuer à ce cycle, n’hésitez pas à nous solliciter sur le formulaire de contact. 

Eros et thanatos : les deux grands existentiaux, sur lesquels se cristallisent toutes les tensions, et tous les grands projets de civilisation. Pas étonnant que le socialisme « progressiste », aujourd’hui totalement dominant, soit absorbé par ces questions (homosexualité, trans-genre, avortement, contraception, euthanasie). Itinerarium ouvre le cycle d’étude sur ces grandes questions. À commencer par Platon, ci-dessous, et le fameux discours de Pausanias dans le Banquet, sur l’«hétérosexualité vulgaire » et l’amour homosexuel comme hauteur spirituelle.

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Pausanias, qui passe après Phèdre dans le « tour de table » du Banquet, annonce d’emblée qu’il y a deux amours différents, contrairement à ses prédécesseurs. Mais il y en a un vulgaire, bas, terrestre et sexuel ; et un autre qui est édifiant, haut, noble, divin. Alors que le premier est plutôt hétérosexuel, le second est plutôt exclusivement masculin…

L’Aphrodite terrestre et l’Aphrodite céleste.

Donc Amour est double chez Pausanias. C’est le postulat essentiel qu’il annonce tout au début de son discours : « tout le monde sait bien qu’il n’y a pas d’Eros sans Aphrodite. » Or il y a deux Aphrodite : une Aphrodite terrestre (ou « vulgaire ») et une Aphrodite céleste. Et il fait reposer cette affirmation sur la double tradition Homérique (Iliade, V, 370-371) et Hésiodique (Théogonie 178-188). Deux Aphrodites différentes pour un même Amour ? Cela provoque deux Amour différents, que Pausanias va analyser l’un après l’autre, en commençant par celui qui s’attache à l’Aphrodite vulgaire.

L’Amour qui s’attache à l’Aphrodite vulgaire a trois caractéristiques : il est hétérosexuel ; il accorde une grande importance au corps (au détriment de l’âme) ; il s’attache plus à la réalisation qu’à l’intention. L’Amour qui s’attache à l’Aphrodite céleste a présente trois caractéristiques opposées : il est exclusivement masculin, il ne s’intéresse qu’à l’âme et recherche plus la beauté de l’intention que la réalisation même de l’élan amoureux. De plus, il n’a pas de mère et est beaucoup plus ancien.

L’Aphrodite vulgaire est née d’un principe mâle (Zeus) et d’un principe femelle (Dionè).

Dans l’esprit de Platon, Pausanias représente l’interprétation inconsciente et implicite que le peuple Grec fait des récits mythologiques traditionnels. L’Aphrodite vulgaire est née d’un principe mâle (Zeus) et d’un principe femelle (Dionè). Or l’attribution d’une mère sous-entend, pour le Grec savant des choses religieuses, qu’il y a engendrement, mais aussi commerce avec la matière. Voilà pourquoi cet Amour s’attache au corps, car il a un principe féminin, donc d’engendrement des corps. Mais Pausanias considère que cet Amour peut nuire à la contemplation de la vraie beauté, celle que l’on perçoit par l’esprit, celle qui s’attache à l’Aphrodite céleste ; cet amour « céleste » est pur et n’a plus de contact avec la corruption du monde. C’est pourquoi, en tant qu’il n’est pas question d’engendrement sensible, cet amour est masculin.

Les règles éthiques de l’amour 

De cette double définition de l’Amour, Pausanias cherche à tirer des effets pratiques, c’est-à-dire des règles éthiques. D’où un passage chez les coutumes voisines (barbares, Béotiens, Sparte, etc.…), puis une analyse des règles athéniennes ; les premières étant trop absolues dans leurs principes, les secondes étant « beaucoup plus belles » (182d). Les règles athéniennes découlent des raisonnements suivant: il faut aimer un jeune garçon parce qu’on a découvert en lui des traces d’intelligence. Seulement, l’amour n’est pas toujours réciproque.

« aimer sans recevoir de l’amour en retour, c’est mourir : l’aimé est alors coupable d’homicide. »

Et aimer sans recevoir de l’amour en retour, c’est mourir : l’aimé est alors coupable d’homicide. C’est pour cela que ces règles doivent être respectées : il n’est pas honteux de céder aux avances de l’amant, l’amant doit être encouragé dans sa démarche, et l’amant peut adopter des comportements extravagants. Pausanias insiste sur ce dernier point, car le comportement des amoureux est extrêmement important. C’est là que rentre en compte sa conception de la morale : l’intention de faire bien compte plus que le résultat lui-même (conception de la morale que l’on retrouvera chez Emmanuel Kant).

L’Amour céleste rend tous les actes amoureux beaux. Peu importe si l’amant cède ou non, s’il se fait tromper ou non, l’action en elle-même est belle, digne de louange, et vertueuse. De surcroît, les dieux sont miséricordieux envers les comportements amoureux (même « un serment amoureux n’est pas vraiment un serment aux yeux des dieux»). Quant au fait d’aimer ouvertement, cela est parfaitement compréhensible, car aimer n’est pas une action honteuse.

L’amour est-il éthique ? 

Comment réduire l’Amour à son utilité ? Comment donner des règles à l’Amour ? Quel amant se soucie du regard des autres ? L’amour est-il réductible à l’éthique ?


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