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Woda: l’éphémère est éternel

Publié le 06 décembre 2013 par Pantalaskas @chapeau_noir

En une seule nuit blanche de l'année 1926, dans sa petite chambre d'un hôtel romain, Michel Seuphor écrit une pièce de théâtre :  "L'éphémère est éternel". L'auteur ne sait pas encore que Mondrian lui fera la surprise d'en créer le décor. Il ne sait pas non plus que cette création légère comme une plume restera jusqu'à nos jours dans les mémoires.

Woda

Aujourd'hui, dans une galerie parisienne, l'éphémère montre un nouveau visage. Deux artistes, Gwenaelle Dautricourt et  Philippe Wojazer, se fondent sous le nom de Woda pour saisir l'insaisissable, fixer l'instant fugitif. Ce qui pouvait rester un jeu d'enfants, les bulles de savon de notre enfance, devient objet métaphorique.

Woda 2013

Woda 2013

Ces bulles, si difficilement captées après tant d'essais infructueux, si riches de reflets prisonniers dans ces cellules évanescentes, pourraient n'être qu'au service d'images admirables. Pourtant, il est impossible de s'en tenir à cette impression.
Philippe Wojazer photographe autodidacte depuis 1979 à l'AFP puis à l'agence Reuters, a suivi toutes les manifestations de l'activité humaine : mode, conflits, faits divers, sport, politique, spectacles . Une information chasse l'autre. A la poursuite des évènements, le photographe, pourtant enraciné dans le concret,  lutte contre le temps, contre l'oubli. L'information, volatile, s'évanouit à la manière de ces bulles fantasques. Lorsque Gwenaelle Dautricourt photographie la mode, le maquillage, quand elle tente de capter une certaine idée de la beauté, c'est à la poursuite d'un rêve toujours provisoire que ces photos renvoient.

Mettre en scène l' éphémère

Les photographies de Woda ne sont pas le résultat d'un instantané heureusement capté. Les lieux de leur apparition ont fait l'objet d'un choix précis qui ajoute à la densité du propos.

Woda Grand Palais Paris 2013

Woda Grand Palais Paris 2013

Mettre en scène l'éclosion momentanée de cette bulle soigneusement préparée dans l'architecture séculaire du Grand Palais accentue l'opposition  entre le fragile et le robuste, l'instable et le pérenne.
Dans ce lieu où s'inscrit l'aventure des hommes, cette apparition  donne la mesure de l'oubli. Le Grand Palais a tout connu. Magnifié par l'exposition universelle de 1900, transformé en hôpital militaire, il porte les souffrances des soldats de 1914, supporte les expositions de la propagande nazie. Bastion de la Résistance, la paix le transformera en lieu d'expositions, des salons automobiles jusqu'à l'art  contemporain. De toutes ces émotions et de ces émerveillements, de tous ces drames ou de ces joies que reste-t-il ?  Un vaisseau métallique presque indestructible dans lequel Woda met en scène, tel un feu follet, cet  idéal : le rêve toujours renouvelé de vivre, inventer, découvrir. Les bulles de Woda sont-elles plus fragiles que les aciers monumentaux d'un Richard Serra ?  Elles disparaissent dans l'instant mais renaissent au gré d'un courant d'air. Loin des cénotaphes vaniteux, les bulles de Woda nous rappellent avec légèreté que les hommes sont mortels et que l'éphémère est éternel.

Photos: Woda et Galerie Laure Roynette

WODA "Ephémère"

Du 28 novembre 2013 au 11 janvier 2014

Galerie Laure Roynette
20 rue de Thorigny
75003 Paris


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