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"Aime et fais ce que tu veux" : la logique des corps

Par Vierasouto


08 - 12
2013
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PITCH.
En Pologne de nos jours, un jeune prêtre charismatique est affecté dans une paroisse rurale accueillant des jeunes adultes ancien délinquants. Mais, habité par une vraie foi,
son attirance pour l'un des garçons transforme son séjour en chemin de croix...



NOTES.

C'est un film physique autant que charnel, un film où les corps se touchent dès la première image et c'est cette logique des corps qui va être la logique du film. Adam, un prêtre trentenaire, s'occupe d'adolescents et jeunes adultes en difficultés sortis de maison de correction ;  les premières images montrent des ados qui grimpent sur le corps d'Adam pour jouer dans une grande effervescence mais la scène se passe dans un cimétière plein d'herbes folles. Ensuite, une scène récurrente dans une lumière bleutée, Adam courant à perdre haleine, courir, faire baisser la pression, se calmer. Un jour qu'un des ados tombe dans les pommes, le seul qui propose de prêter son pullover pour lui maintenir la tête, c'est
Lukasz, un jeune homme très beau et bouclé avec des faux airs du Christ. De ce jour, Adam est amoureux et se fait violence pour nier son attirance pour Lukasz. Quand débarque Adrian, surnommé Blondie, d'une beauté aryenne, aussi dur et pervers que Lukasz est doux et fidèle en amitié bien que  ce dernier ne soit pas sans posséder un passé lourd, ayant mis le feu à une grange familiale dans son adolescence. Ostensiblement gay, Adrian va provoquer les autres avec violence, ses camarades, le père Adam, mettant le feu aux poudres.
C'est un film aussi sur la solitude extrême du prêtre, physique et morale, les petits rituels dans son logement, ces gens qui frappent à sa porte, tous pour lui demander un service, lui qui ne peut chercher d'aide auprès de personne sauf de Dieu (scène où il téléphone par Skype à sa soeur qui, soit est absente, soit se préoccupe plus qu'il ait bu que de ses problèmes existentiels). Un prêtre, un homme "comme les autres", situation aggravée de nos jours par les habits (l"habit fait le moine", comme on dit, et ce n'est pas faux, dans une certaine mesure) : si autrefois, le prêtre affichait sa différence par le port permanent de la soutane noire, il ne revêt plus guère la soutane que pour les offices, le reste du temps habillé en jean et sweat-shirt comme ses élèves, pour ne pas dire dévêtu, torse nu, en maillot de bain, mais demeurant figé vis à vis de l'Eglise dans ses voeux de chasteté.

ET AUSSI...

Au début, on a du mal à entrer dans ce film âpre, un film d'hommes avec une seule femme, Ewa (Adam et Eve), jeune femme périssant d'ennui dans la région, qui s'offre sans succès à Adam. Les corps nus, les corps qui se déshabillent, les corps qui se touchent, on viendrait presque à saturation si un drame beaucoup plus intérieur ne se tramait insidieusement à travers les lignes. Rongé par la culpabilité d'être attiré par Lukasz, Adam tente en vain de lutter contre cet amour naissant. Son séjour dans cette paroisse rurale qu'il voulait redynamiser, devient alors un chemin de croix. Mais il existe quelques zones d'ombre, le père Adam, charismatique, sympathique, admiré de tous, a déjà été muté d'une paroisse de Varsovie pour cette paroisse perdue dans la campagne, on l'apprend par Ewa...
Le parti pris de se focaliser presque exclusivement sur les joies et souffrances des corps pour arriver à celles de l'âme était périlleux mais ça fonctionne, la réalisatrice arrive à transmettre à l'écran l'énergie purement physique qui se suffirait à elle-même pour expliquer
par les corps la naissance des tentations (voire des sentiments) que l'esprit, lui, tentait de refouler. Je me souviens d'une phrase que François Truffaut disait à propos d'un film ("2 Anglaises et le continent", je crois) qu'il voulait faire un film physique sur l'amour et pas un film sur l'amour physique. Ici, c'est exactement de cela qu'il s'agit!
La fin du film qui aurait pu être très belle (Lukasz mettant le feu à un café après le départ d'Adam, courant le rejoindre... toujours cette course mais cette fois-ci pour assumer pas pour nier), dommage que la réalisatrice ait éprouvé le besoin d'une fin bis explicative, "points sur les i"... 
PS. "Aime et fais ce que tu veux" est une phrase de Saint Augustin.

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Mots-clés : avant-Premières, cinéactuel, cinéma polonais, , Malgoska Szumowska

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