Magazine Beaux Arts

Le minimalisme

Publié le 09 décembre 2013 par Jigece

Aujourd’hui, j’ai envie d’aborder le minimalisme, ce qui va me permettre de parler d’artistes que j’adore, comme Donald Judd, Frank Stella ou François Morellet.
Interprété comme une réaction au débordement subjectif de l’expressionnisme abstrait et à la figuration du pop art, l’art minimal s’inspire du célèbre principe de l’architecte Mies van der Rohe « Less is more » (Moins c’est plus), des œuvres de Malevitch, et reconnaît le peintre abstrait Ad Reinhardt comme l’un de ses pionniers, avec Frank Stella.
Pour les minimalistes il n’y a rien d’autre à voir que ce que l’on voit. Le « ressenti » est interdit. Ce courant regroupe des artistes tels que Donald Judd, Carl Andre, ainsi que Robert Morris et Sol LeWitt qui vont s’en détacher rapidement.
Si la sobriété extrême est bien l’une des qualités communes à l’œuvre de ces artistes, elle ne constitue pas, selon eux, un but en elle-même. L’insistance sur cette caractéristique, qui présente leurs œuvres sous l’angle de la pauvreté, leur paraît un jugement réducteur au point qu’ils rejetteront l’appellation de « minimalisme » ou d’« art minimal ». En fait, seule la représentation de l’œuvre est minimale. Ce n’est pas un art de la réduction, mais plutôt une nouvelle expérience artistique débarrassée de tout effet illusionniste.
Le minimalisme définit une forme d’art qui se caractérise par un travail dans les trois dimensions qui ne se réduit ni à la peinture ni à la sculpture. Les œuvres ressemblent à des sculptures mais sont plus proches de la peinture. Elles sont appelées seulement « objets spécifiques » par Donald Judd dans son texte manifeste de 1965. Le travail et la réflexion des minimalistes portent avant tout sur la perception des objets et leur rapport à l’espace. Leurs œuvres sont des révélateurs de l’espace environnant qu’elles incluent comme un élément déterminant.
Ainsi, si Robert Morris ou Carl Andre réalisent des pièces qui matérialisent cet espace, c’est en le teintant de lumière que Dan Flavin lui procure une consistance à travers les ombres « lumineuses » portées par ses néons sur les murs. Ne faisant qu’un avec l’espace, ces œuvres insistent sur la globalité des perceptions.
Le minimalisme a profondément marqué l’évolution de l’art contemporain. Incarnant la tendance américaine dominante à la fin des années 1960, il a suscité de nombreuses réactions.
Ainsi, dès sa naissance, le mouvement Arte Povera — qui se fonde sur la conscience politique de l’artiste et une idée de la « pauvreté » de l’art dans le sens d’une précarité nécessaire — s’est opposé directement à la sophistication volontairement froide et neutre du minimalisme qui ne prend parti sur rien excepté sur son « idée ».
Mais le minimalisme est aussi à l’origine d’une part importante de la sculpture contemporaine et de l’art conceptuel – lequel prolonge le souci d’économie de moyens jusqu’à privilégier l’idée sur la réalisation. Seule l’idée compte, le reste n’a pas d’importance, d’où la relation étroite entre art minimaliste et art conceptuel, un pont entre deux écoles en fait très liées par le principe que « l’idée est œuvre d’art ». Nous sommes donc dans une promotion du « figuré » sur le « figurant » au sens sémiologique du terme.

Donald Judd

Donald Judd
Lorsqu’il s’aperçoit qu’il ne pourra jamais faire des tableaux qui ne représenteraient qu’une surface signifiante, sans profondeur, à moins d’en passer par la peinture monochrome, Donald Judd choisit de s’intéresser à l’élaboration d’œuvres qui ne seraient ni de la peinture ni de la sculpture : des volumes géométriques en trois dimensions, aux couleurs industrielles, des « objets spécifiques » (titre de son essai fondateur de 1965), entités tautologiquement réduites à la matière et au volume pur, qui ne proposent ni temps ni espace au-delà d’eux-mêmes, et dans lesquelles il n’est plus question de modelage, de taille ou d’élagage qui ont trop d’effets anthropomorphiques.
Dans son texte Specific Objects (De quelques objets spécifiques), Donald Judd écrit: « Les trois dimensions sont l’espace réel. Cela élimine le problème de l’illusionnisme et de l’espace littéral, de l’espace qui entoure ou est contenu dans les signes et les couleurs – ce qui veut dire qu’on est débarrassé de l’un des vestiges les plus marquants, et les plus critiquables, légués par l’art européen ». Dans un entretien avec Lucy Lippard, il indique également : « La qualité essentielle des formes géométriques vient de ce qu’elles ne sont pas organiques, à la différence de toute autre forme dite artistique ».
Souvent, l’œuvre est constituée de volumes qui s’agencent selon des progressions mathématiques au code parfaitement impartial lui permettant d’échapper à l’expressif. La suite de Fibonacci que l’artiste nous invite à suivre au niveau des espaces vides comme des espaces pleins, nous amène à balayer l’œuvre du regard : de gauche à droite et de droite à gauche, dans une lecture totalement dirigée qui impose de ne pas s’attacher à un centre ou à une zone particulière de l’ensemble. L’œuvre est un tout.
Devant une autre série d’œuvres : ses Stacks composés de parallélépipèdes accrochés régulièrement en hauteur sur un mur, l’espace entre chaque module est égal à sa propre épaisseur et leur nombre (de 6 à 10) dépend de la hauteur du mur, ce qui intègre l’œuvre à chaque nouvelle exposition, dans la réalité de son lieu.
En position critique par rapport à l’objet/tableau accroché à une cimaise, l’œuvre est placée en saillie sur le mur et dans son développement, se joue des catégories peinture/sculpture, plans/volumes, vide/plein, verticalité/horizontalité. Le fait que la « pile » ait l’air d’une colonne sans socle lui donne aussi un statut particulier dans l’histoire de l’art sculptural. Le regard qu’on lui porte s’effectue dans un aller et retour du sol au plafond et nous amène à constater les effets pervers – mais réels ici – de la perspective puisque tous les éléments parallélépipédiques, bien qu’ils soient parfaitement identiques, sont en réalité perçus comme s’ils avaient des formes différentes.
Donald Judd est très attentif à la présentation de ses œuvres car il les considère comme des fragments de l’ensemble dans lequel elles sont disposées. Pour cela, il fait l’acquisition, en 1968, d’un immeuble de cinq étages à New York (au 101 Spring Street) et, en 1973, de bâtiments à Marfa (Texas) qui lui permettent une expérimentation in situ de ses œuvres. D’artiste, Donald Judd devient ainsi l’architecte, le designer, l’organisateur d’un environnement avec lequel il confronte ses œuvres afin d’en vérifier la pertinence. Dans son testament, Judd a d’ailleurs indiqué que « les œuvres d’art que je possède à la date de mon décès et qui sont installées à New York ou à Marfa seront préservées in situ. »
Né à Excelsior Springs (Missouri) le 3 juin 1928, Donald Judd est mort à New York le 12 février 1994.

1962_Donald Judd_Untitled
1963_Donald Judd_Untitled
1963_Donald Judd_Untitled
1964_Donal Judd_Untitled
1964_Donald Judd_Untitled, July 6, 1964
1965_Donal Judd_Untitled (DSS 65)
1965_Donald Judd_Untitled
1966_Donald Judd_Untitled
1967_Donald Judd_Turquoise enamel
1967_Donald Judd_Untitled
1967_Donald Judd_Untitled
1968_Donal Judd_Untitled (DSS 120), detail
1968_Donald Judd_Untitled
1968_Donald Judd_Untitled
1968_Donald Judd_Untitled
1969_Donal Judd_Untitled (DSS 179)
1970_Donald Judd_Untitled
1971_Donald Judd_Untitled
1971_Donald Judd_Untitled
1972-69_Donald Judd_Untitled (Progression)
1972_101 Spring Street, New York, Exterior
1973_Donald Judd_Minimal Myth
1973_Donald Judd_Untitled
1973_Donald Judd_Untitled
1974_Donald Judd_Untitled
1975_Donald Judd_Untitled
1976_Donald Judd_Untitled
1977_Donald Judd_Untitled (77-23 Bernstein)
1977_Donald Judd_Untitled
1978_Donal Judd_Untitled (Bernstein 78-69)
1978_Donald Judd_Untitled
1980_Donald Judd_Untitled, Tate
1981_Donald Judd_Untitled
1983_Donald Judd_Meter Boxes
1984-80_Donal Judd_Concrete Boxes in Marfa
1984_Donald Judd_Untitled
1984_Donald Judd_Untitled
1985_Donald Judd_Untitled (85-20)
1985_Donald Judd_Untitled (85-23 Lehni)
1985_Donald Judd_Untitled
1987_Donald Judd_Untitled (87-40 Menziken)
1987_Donald Judd_Untitled (Swiss box progression)
1988_Donald Judd_Untitled (88-27)
1988_Donald Judd_Untitled (88-28 A-B Menziken)
1988_Donald Judd_Untitled
1989_Donald Judd_Untitled (89-3 Menziken)
1989_Donald Judd_Untitled (89-30)
1989_Donald Judd_Untitled (Lascaux 89-59)
1990_Donal Judd_Untitled (Bernstein 90-11), detail
1990_Donald Judd_Untitled (90-14 Bernstein)
1990_Donald Judd_Untitled, Tate
1991-90_Donald Judd_Untitled
1991_Donald Judd_Untitled (91-2 Bernstein)
1992_Donald Judd_Desk set
1993_Donald Judd_Untitled

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jigece 192 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines