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[Critique] LE HOBBIT : LA DÉSOLATION DE SMAUG

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] LE HOBBIT : LA DÉSOLATION DE SMAUG

Titre original : The Hobbit : The Desolation of Smaug

Note:

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Origine : États-Unis/Nouvelle-Zélande
Réalisateur : Peter Jackson
Distribution : Martin Freeman, Richard Armitage, Benedict Cumberbatch, Ian McKellen, Orlando Bloom, Evangeline Lilly, Aidan Turner, Luke Evans, Lee Pace, Graham McTavish, Stephen Fry, Dean O’Gorman, James Nesbitt, Conan Stevens, Sylvester McCoy, Ken Stott, Mikael Persbrandt, William Kircher, Peter Hambleton, Mark Hadlow…
Genre : Aventure/Fantastique/Suite/Saga/Adaptation
Date de sortie : 11 décembre 2013

Le Pitch :
Suite du périple de Bilbon le hobbit et de la compagnie des nains d’Erebor… Aidés de Gandalf le magicien, les aventuriers arrivent désormais aux portes de la forêt noire de Mirkwood, pourchassés par Azog le profanateur et ses terrifiants orques. Au loin se dresse la montagne à l’intérieur de laquelle Smaug le dragon veille sur les richesses du peuple nain…

La Critique :
Après un an d’attente, voici enfin venue l’heure de Smaug, le terrifiant dragon tapi sous la montagne. Pas évident de patienter entre deux volets de la nouvelle trilogie de Peter Jackson, adaptée du roman de Tolkien, Bilbo le Hobbit. Cela dit, avec Jackson, la patience est largement récompensée comme le confirme (si besoin était) cette formidable Désolation de Smaug et son spectacle hallucinant de maîtrise…
Retour en Terre du Milieu où nous avions laissé Bilbon, Gandalf et les 13 nains d’Erebor, désireux de déloger le dragon Smaug de leur royaume, afin de récupérer le trône et les montagnes de richesses qui vont avec.

Bilbo le Hobbit de J.R.R. Tolkien, n’est pas un gros livre. Rien à voir avec Le Seigneur de Anneaux et ses trois tomes, justifiant largement une adaptation en trois parties. Rédigé par un Tolkien désireux de raconter une belle histoire à ses propres enfants, Le Hobbit est pourtant lui aussi devenu une trilogie au cinéma, quand Peter Jackson décida de s’y coller, après la défection de Guillermo del Toro. Un choix qui, si il pouvait paraître incongru sur le papier, se justifie dès le premier épisode à l’écran. Non content de raconter la quête de Bilbon et des nains, Jackson profite de son retour en Terre du Milieu pour visiter la mythologie de Tolkien en allant piocher à droite et à gauche afin d’illustrer les zones d’ombre du livre, tout en brodant à certains moments, en faisant notamment intervenir de nouveaux personnages. C’est dans sa capacité à justement prendre quelques libertés concernant un récit légendaire, et donc de risquer de froisser les fans les plus hardcore du livre, que Jackson prouve qu’il est bel et bien l’homme de la situation. Rompu à un univers qu’il a exploré avec Le Seigneur des Anneaux, Peter Jackson sait précisément ce qu’il fait et si il sait s’éloigner du sentier tracé par Tolkien, ce n’est que pour mieux le servir et ainsi habiller de la plus belle et pertinente des façons son illustration cinématographique. Et des changements justement, La Désolation de Smaug en compte davantage qu’Un Voyage Inattendu. Principalement car ce second volet fait intervenir deux personnages absents du livre. Un des deux étant carrément inventé de toutes pièces.
Ce n’est un secret pour personne, Legolas revient au charbon, accompagné de Tauriel, une elfe sortie de l’imagination de Peter Jackson et de sa scénariste Philippa Boyens. Une elfe qui cristallise une large part des craintes concernant ce nouveau film, tant elle semblait matérialiser l’assurance d’un cinéaste que certains ne manqueront peut-être pas de taxer d’hérétique.
Cependant, quoi qu’on en pense, le résultat à l’écran balaye les doutes. Portant sur ses épaules la lourde charge de justifier la présence à l’écran de l’elfe Tauriel, Evangeline Lilly, la Kate de la série Lost, rassure. Et ce quasiment dès sa première scène, les armes en main. Née pour incarner une elfe, la sublime actrice canadienne a non seulement le physique de l’emploi, mais aussi le charisme idéal pour personnifier une héroïne remarquablement greffée au récit d’origine. Associée à Legolas, lui aussi parachuté au sein d’une histoire qui n’est normalement pas la sienne, Tauriel se glisse avec aisance dans l’aventure sans que ses actes n’en dénaturent l’essence. En bref, les arcs narratifs qu’elle contribue à développer et qui ne sont pas dans le livre (ou alors à peine évoqués) se posent comme indispensables à la progression dramatique. On ne parle même pas de l’extraordinaire apport spectaculaire des deux elfes, lors de séquences attendues, comme l’évasion dans les tonneaux, véritablement moment d’anthologie virtuose.

Pas de craintes au niveau de Tauriel donc. Tauriel qui fait partie d’une démarche naturelle et avisée de la part d’un réalisateur cohérent. Forcément, avec ses 350 pages (à peu près), Bilbo le Hobbit demandait quelques aménagements et jamais les choix de Jackson ne vont à l’encontre des intentions de Tolkien. Comme si l’auteur avait tout du long susurré à l’oreille du cinéaste pour lui donner des conseils sur la direction à prendre. Mesuré, Jackson ne va pas trop loin et ne cesse de briller par une volonté d’inscrire son nouveau film dans un ensemble bien plus grand sans céder aux canons en vigueur. Un exemple simple : créée pour apporter une touche de féminité à une histoire très masculine, Tauriel n’est pas simplement présente à des fins romantiques. Ce qui, vous en conviendrez, semblait d’un premier abord évident. Appréciable.

À l’heure des blockbusters dégueulant de dollars et d’effets-spéciaux parfois outranciers, présents uniquement dans le but d’en mettre plein les yeux, La Désolation de Smaug, à l’instar des précédents longs-métrages de la saga, privilégie l’histoire. Après l’exposition d’Un Voyage Inattendu, parfois jugé trop paisible par des spectateurs avides d’action, La Désolation de Smaug embrasse de plein fouet une partie du périple justement riche en péripéties. On sait désormais où on est et ou on va et tout s’emballe dans une danse rythmée de main de maître par un cinéaste toujours joyeusement débridé dans sa démarche ô combien généreuse. Les fans retrouveront les passages cultes du livre (l’étape chez Beorn, Mirkwood…), qui s’enchaînent furieusement dans une débauche canalisée ultra spectaculaire, démontrant l’exceptionnel savoir-faire de Peter Jackson. Pleine d’ampleur, sa réalisation est d’une lisibilité incroyable et d’une ambition folle. Rien ne sert de vouloir expliquer en quoi le film s’avère monumental sur le plan visuel mais croyez bien que c’est le cas. Et cela avant même que le dragon ne fasse son apparition. Quand il arrive, ce gros morceau attendu de tous depuis le lancement du tournage, met K.O. Dans un déluge de feu, au sein d’une montagne remplie de richesses qu’il garde jalousement, Smaug le Grand remplit largement sa part du contrat. Incarné, grâce à la magie de la performance capture par Benedict Cumberbatch (de la même façon qu’Andy Serkis est devenu Gollum), le dragon ne se contente pas de cracher le feu. Il parle. Perfide, la créature maléfique joue, siffle et renoue à lui seul avec l’essence d’un bestiaire légendaire d’un cinéma de genre dont les codes sont gravés dans la pierre. Jamais un dragon n’aura été si imposant à l’écran, si menaçant, si effrayant et si… vrai. Un méchant, un vrai. Complexe, cupide, cruel et imprévisible. Un tour de force technique hallucinant.
On pourrait aisément noircir une dizaine de pages pour louer les mérites de Smaug. Sa voix, son regard, le rendu de ses écailles et la puissance de son souffle brûlant… Pivot central de cette Désolation, le monstre tient ses promesses, et au-delà.

Le spectacle est total. Le Hobbit : La Désolation de Smaug repousse encore un peu plus loin les limites de ce qu’il est possible de montrer sur un écran de cinéma à l’heure actuelle. Peter Jackson est au-dessus. Largement. Une scène suffit à démontrer sa suprématie et son travail d’orfèvre de renvoyer au jardin d’enfants, les nombreux prétendants au trône qu’il occupe en collocation avec une poignée d’autres génies de sa trempe. Mais son talent de technicien n’est pas le seul qui justifie qu’on chante ses louanges. Jackson est aussi un auteur et un grand directeur d’acteur. Un film comme celui-là n’est pas uniquement bon dans sa capacité à donner vie à des mondes fantasmagoriques, mais aussi et surtout à le peupler de solides personnages et à ne jamais perdre du vue l’histoire. Jackson a bien compris que les effets-spéciaux doivent servir l’intrigue et ne jamais faire de l’ombre aux émotions. Ainsi, comme dans les précédents films, La Désolation de Smaug sait se montrer émouvant, palpitant et drôle. Toujours dans la mesure, le long-métrage réserve des plages plus paisibles, où les héros se posent et tissent en filigrane un canevas d’émotions utile à l’immersion. Les acteurs continuent en cela leur formidable boulot. Martin Freeman, malicieux mais aussi plus sombre et nuancé, fait plus que jamais un Bilbon formidable ; Richard Armitage est toujours aussi charismatique et imposant en Thorin, le roi déchu du peuple nain ; Ian McKellen EST Gandalf et les nouveaux venus, tel le magnétique Luke Evans, qui endosse le rôle de Bard, s’intègrent avec un naturel épatant (Beorn est surprenant…).

Conte à l’ancienne, complexe et dense, La Désolation de Smaug est un pur chef-d’œuvre inspiré. Peter Jackson maîtrise toujours cet équilibre savant qui lui permet de s’exprimer librement sans se laisser écraser par le poids d’une histoire matricielle. Il se met au service de Tolkien mais n’oublie pas de mettre son grain de sel qui permet à l’ensemble d’exploser dans un feu d’artifice visuel et émotionnel plein de lyrisme. Même si au fond, il est difficile de juger indépendamment un épisode, tant Le Hobbit ne pourra véritablement être apprécié que sous sa forme définitive, quand sortira le troisième épisode, à l’instar du Seigneur des Anneaux. Tout est étudié pour qu’au final, trois films n’en forment qu’un. Un an, c’est long. Tout spécialement quand on voit de la façon dont se termine La Désolation de Smaug. Jackson joue avec nos nerfs, mais telles sont les règles du jeu…

Encore une fois, le réalisateur néo-zélandais se pose comme l’un des maîtres de la relativité. Celle d’Albert Einstein. La Désolation de Smaug, alors qu’il dure 2h41, apparaît trop court, quand d’autres films, d’1h30 à peine semblent durer une éternité. À la fin, alors que débute le générique, on en redemande, avant de ramasser sa mâchoire, tombée au sol depuis déjà un petit moment, attendant non seulement la suite, mais aussi l’incontournable version longue qui devrait arriver quelques semaines avant la conclusion de ce voyage épique au souffle universel… et brûlant.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : Warner Bros. France


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