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L’étranger (revigorant pamphlet)

Par Borokoff

A propos de Nous irons vivre ailleurs de Nicolas Karolszyk ★★★☆☆

Christian Mupondo - Nous irons vivre ailleurs de Nicolas Karolszyk - Borokoff / Blog de critique cinéma

Christian Mupondo

Convaincu par le discours enthousiaste d’un chef d’entreprise, Zola (Christian Mupondo), un jeune Africain décide de fuir son pays en guerre pour venir tenter sa chance en Europe. Si le trajet en bateau vers la France s’avère éprouvant aussi bien physiquement que moralement, il n’est rien comparé aux galères que va connaitre le jeune homme une fois arrivé à Paris. Sans-papiers, traqué par la police, Zola vit un calvaire qui rendrait n’importe qui paranoïaque dans la même situation. Sa rencontre inespérée avec une femme lui donne soudain un espoir. Celui d’un salut possible…

Christian Mupondo - Nous irons vivre ailleurs de Nicolas Karolszyk - Borokoff / Blog de critique cinéma

Nicolas Karolszyk, 33 ans, définit lui-même son premier long-métrage de fiction comme un film « guérilla », un terme également utilisé, on s’en souvient, par Djinn Carrenard pour qualifier DonomaLe cinéma, un sport de combat ? Oui, si l’on en juge le (très) peu de moyens avec lequel Nous irons vivre ailleurs  a été réalisé, tout comme Donoma. C’est d’ailleurs après le tournage de Nous irons vivre ailleurs que la société La vingt-cinquième heure s’est intéressée au projet et a accepté de produire et de distribuer le film.

Contrairement à La pirogue, ce n’est pas tellement la traversée elle-même entre l’Afrique et l’Espagne qui intéresse Nicolas Karolszyk, mais la suite…

Christian Mupondo - Nous irons vivre ailleurs de Nicolas Karolszyk - Borokoff / Blog de critique cinéma

La suite et les conditions dégradantes, humiliantes dans lesquelles Zola doit survivre une fois arrivé à Paris, entre petits boulots mal payés (voire pas payés du tout) et peur constante de se faire alpaguer par la police.

En cela, on pourrait voir chez Nicolas Karolszyk une certaine filiation, du moins une parenté entre son cinéma un peu ‘ »écorché » et celui très politique d’Yves Boisset (L’attentatLe pantalon…)

Christian Mupondo - Nous irons vivre ailleurs de Nicolas Karolszyk - Borokoff / Blog de critique cinéma

Comme avec les films de Boisset, Nous irons vivre ailleurs est un film au style « à vif » et très direct. Une attaque frontale, à la manière d’un uppercut. Très engagé politiquement, comme un coup de poing sur la table, Nous irons vivre ailleurs est un cri de rage contre l’injustice, contre le traitement brutal des immigrés illégaux à leur arrivée en France.

Malgré sa gravité, malgré son ampleur et la réalité du problème, la traque dont font l’objet les sans-papiers à Paris est un sujet peu traité dans la fiction. Il concerne pourtant quelques 300 000 personnes en France dont près de la moitié sont issues d’Afrique.

Christian Mupondo - Nous irons vivre ailleurs de Nicolas Karolszyk - Borokoff / Blog de critique cinéma

Nous irons vivre ailleurs réserve des passages poignants (auxquels participent les compositions de José Soares et Christian Berg) même si le propos et la mise en scène manquent de finesse parfois et de nuances dans l’ensemble.

Outre l’originalité du sujet qu’il traite, l’intérêt intrinsèque de Nous irons vivre ailleurs tient dans sa manière de filmer, de faire vivre de l’intérieur la peur légitime et constante de Zola de se faire arrêter. Pour cela,  Nicolas Karolszyk peut compter sur un acteur inconnu (Christian Mupondo) au bataillon mais extraordinaire. La mise en scène parvient à rendre cette traque stressante pour le spectateur, comme s’il s’agissait d’un suspense cruel, cyniquement haletant, à l’image de cette épée de Damoclès qui pèse sur la tête d’un Zola dont le sort parait non pas joué d’avance mais plus qu’incertain malgré tous ses efforts pour s’en sortir.

Christian Mupondo - Nous irons vivre ailleurs de Nicolas Karolszyk - Borokoff / Blog de critique cinéma

De ce premier long-métrage, on retiendra, derrière ses maladresses, l’extraordinaire énergie de la mise en scène et la vie qui s’en dégagent. Une fois de plus, on se dit que ce sont les femmes qui sauveront le monde, et c’est un peu la morale de ce film qui bénéficie d’une très belle photographie au teint laiteux donné par l’usage d’un filtre blanc, notamment lors des passages en Afrique.

Saluons donc le courage et la détermination de son réalisateur et souhaitons lui bonne continuation. Son art de savoir provoquer le débat sur le sujet de l’immigration clandestine en France mais aussi sur notre manque d’ouverture (à l’autre) et notre individualisme en général, est sain. D’autant plus sain qu’il risque d’en échauffer voire d’en fâcher plus d’un, surtout en ces temps de crise, synonyme d’une montée du fascisme (n’en déplaise aux amateurs de quenelle et à son « génial » initiateur) en France aussi inquiétante que les scores sans doute du FN aux prochaines élections municipales de mars 2014. People are strange when you’re a stranger

http://www.youtube.com/watch?v=I_A2ru_ts7A

Film français de Nicolas Karolszyk avec Christian Mupondo, Léticia Belliccinni, Abou Ndende (01 h 15)

Scénario de Nicolas Karolszyk : 

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Mise en scène : 

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Acteurs : 

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Compositions de José Soares et Christian Berg : 

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