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Pasolini, l'école et la langue de la télévision

Par Fmariet

Pasolini, l'école et la langue de la télévisionPier Paulo Pasolini, La langue vulgaire (Volgar' eloqio), 1976, 2013 pour l'édition française (traduction de Felicetti Ricci), Editions La Lenteur, Paris, 58 p.
Pasolini, cinéaste, se revendiquant marxiste, pourfend la télévision et l'école à l'occasion d'une réflexion sur le statut des langues régionales d'Italie. Pasolini n'y va pas par quatre chemins : il faut abolir la télévision et l'école secondaire.
Cet ouvrage est la transcription d'une discussion avec des enseignants et des élèves, sur le thème de "Dialecte et école", qui eut lieu le 21 octobre 1975, quinze jours avant son assassinat. Avec la question du dialecte (est dialecte tout ce qui n'est pas langue nationale ?), on touche à celle de la culture populaire : n'est-elle qu'une culture de classes dominées, subalternes ? La culture populaire est-elle devenue la culture télévisuelle, celle des séries et du foot, du journal télévisé, des jeux et de la publicité, culture contre laquelle l'école est impuissante car à son idéal humaniste "s'oppose toute une vie, toute une existence, une famille, une télévision, un sport, le motocyclisme, le sport automobile" (p. 44). La question, qui n'est pas posée, n'est-elle pas aussi celle de la connivence de la culture scolaire et de la culture télévisuelle, là où il faudrait une divergence critique délibérée ?
L'intérêt de ce petit ouvrage est d'abord dans la méthode de pensée, une sorte de maïeutique pour aborder une question usée et hypersensible, pour échapper à la langue de bois. Comment s'évader des clichés que le discours politique accumule, accumulation qui fonctionne comme une censure ? Comment reconnaître l'impasse, au moins provisoire, d'une discussion aporétique, sans s'y décourager ?
Ensuite, énonçant la centralisation culturelle et linguistique comme un fascisme, Pasolini dénonce la télévision et le consumerisme, responsables d'un génocide culturel et linguistique en Italie, le citoyen devenant consommateur avant tout et abandonnant sa langue régionale.
L'école n'a-t-elle pas été "libératrice" avant que d'opprimer ? Comment dépasser, et vers quoi, "l'italien de la télévision" ? Quelle place pour les langues régionales, à la télévision et dans l'enseignement ? Jusqu'où retourner en arrière, que faut-il conserver ? Peut-on changer les pratiques langagières par décret ?
Les problèmes ouverts par ce livre restent entiers quarante ans plus tard, d'autant que, au rapport langues régionales / langue nationale s'ajoute désormais (se substitue ?), homologue, un rapport langues nationales / langue internationale (la koiné que devient l'anglais).
Citons pour finir quelques vers du poème qui lance cette discussion (le troisième vers est une citation du poète suisse Giorgio Orelli) et rappelle la proximité affective de la langue régionale, langue maternelle et langue-mère.
"La langue vulgaire : aime là
Prête l'oreille, bienveillante et phonologique,
à la lalìa / au murmure (Che ur a in / Quelle heure est-il ?)
qui s'élève des profondeurs des midis
entre les haies séchées,
dans les Marchés  --ou les Foires aux bestiaux --
dans les Gares -- entre les Granges et les Eglises--"
Sur la langue et sa "pollution" :

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