Voici un beau texte de Jean Tauler.
"De la nudité intérieure.
Il me plaît de chanter à nouveau la nudité intérieure. La vraie pureté est exempte de pensées. Il n’y a plus de pensée, là où il n’y a plus rien de mien.
Je suis réduit à rien.
Quand on est arrivé à la nudité d’esprit, il n’y a plus de souci à avoir. Nul mal ne saurait désormais me troubler. Je me délecte tellement dans la pauvreté que je ne puis plus m’occuper des choses et des images qui m’entourent. Que dis-je ? Le moi ne m’appartient plus, j’en suis dégagé, je suis libre.
Je suis réduit à rien.
Quand on est arrivé à la nudité d’esprit, il n’y a plus de souci à avoir. Comment me suis-je délivré des images, me demandez-vous ? Cela s’est fait quand j’ai trouvé en moi la véritable unité. Mais qu’est-ce que la véritable unité ? C’est quand rien ne m’a ému, ni l’adversité, ni le bonheur.
Je suis réduit à rien.
Quand on est arrivé à la nudité d'esprit, il n'y a plus de souci à avoir. Comment me suis-je délivré de l'esprit, me demandez-vous ? Cela m'est arrivé, je vous le déclare, quand je n'ai plus rien trouvé en moi, ni ceci ni cela, mais que j'ai perçu uniquement l'abîme infini et pur de la Divinité. Alors, je n'ai pu me taire et j'ai été forcé de le crier au public.
Je suis réduit à rien.
Quand on est arrivé à la nudité d'esprit, il n'y a plus de souci à avoir. Je me trompe : quand je me suis trouvé perdu dans cet abîme, je n'ai pas pu parler. Je suis devenu complètement muet, tellement la fulgurante Divinité m'avait tout entier absorbé en elle.
Je suis réduit à rien.
Or, cet éblouissement m’a donné des forces sans mesure, car j’avais pénétré Tout. En sa présence je ne puis pas vieillir. Ma jeunesse, comme celle de l’aigle, se renouvelle sans cesse; tellement toutes mes puissances ont été éteintes et englouties.
C'est ainsi que quand on est arrivé à la nudité de l'esprit, il n'y a plus de souci à avoir. Celui qui a été absorbé de la sorte et qui a perçu l'éblouissement de la Divinité n'est plus pauvre, il est infiniment riche. Oui, oui, le feu de l'amour m'a consumé tout entier et je suis mort.
C'est ainsi que quand on est arrivé à la nudité de l'esprit, il n'y a plus de souci à avoir. Celui qui est mort de la sorte est réduit à rien, et il voit le Père et il voit le Fils et il voit le Saint-Esprit, dans le Christ Jésus. C'est Lui qui donne toute joie et tout bien. Et tout cela se fait sans mode, au-dessus de tout mode. Ah ! celui qui n'est pas encore abandonné est digne de tout reproche"