Depuis des semaines je me promets d’écrire. De redonner
des couleurs au blog au milieu de cet apparent relâchement. De vivre cet
instant de cinéma qui rendra irrésistible cette envie de noircir quelques
lignes. J’en ai vu passer quelques-uns, de ces films ayant su me séduire,
certains même jusqu’à avoir leurs chances de figurer dans mon Top 10 de fin
d’année sur lequel je me pencherai bientôt. Mais j’ai laissé passer le moment,
et la page est restée blanche.
Et voilà que je me suis retrouvé assis au Lincoln, à
quelques enjambées des Champs-Élysées, avec une toute petite poignée de
spectateurs qui se sont tenus bien loin de mon 5ème rang fétiche
(tant mieux). A la caisse devant moi, un couple n’arrivant pas à se décider sur
le film à voir, demandant les différents horaires au caissier, et lui demandant
même de quoi parlaient les films et lequel serait le meilleur à voir. Et
pendant ce temps, moi, je trépignais de pouvoir prendre ma place pour le film
que je m’étais choisi en amont. Ah, ces spectateurs qui se pointent au cinéma sans
savoir quoi voir ni même ce que sont les films proposés…
Après qu’ils aient enfin choisi d’aller voir le délicieux
« The Lunchbox » 30 minutes plus tard, j’ai pu prendre ma place et
descendre l’escalier du Lincoln pour aller me poser devant « Rêves
d’Or ». « La Jaula de Oro » en VO, pour ce film sud-américain de
Diego Quemada-Diez, remarqué et récompensé en mai dernier au Festival de
Cannes, et ayant acquis depuis une solide réputation sur le circuit
festivalier.
C’est la réputation du film, et ses critiques élogieuses,
qui m’ont attiré, plus que le sujet lui-même qu’il me semblait avoir déjà vu
traité plusieurs fois au cinéma ces dernières années. Un road-movie de migrants
latino-américains traversant le Mexique dans l’espoir de franchir la frontière
avec les États-Unis et s’offrir un nouveau départ au pays des Yankees. Ici, les
rêveurs sont adolescents. Ils ont tout laissé derrière eux, au Guatemala, pour
toucher du doigt leur rêve nord-américain.
Et là, le déjà-vu aperçu sur le papier s’est transformé
en une odyssée tremblante et touchante. Quelque chose de magique s’est faufilée
à travers l’écran, une sensibilité inattendue. Le réalisateur trouve une voie
mêlant la dureté et la grâce. C’est un voyage semé d’embûches d’une brutalité
inattendue, où la beauté n’est qu’éphémère, et la joie si fragile. « Rêves
d’Or » est un film à la voix claire et sombre où les dangers d’un tel
voyage se font jour avec force. C’est un film puissant sur cette migration
clandestine dont l’issue n’est jamais garantie, mais c’est aussi un beau film
sur l’adolescence, et le passage forcé vers l’âge adulte, où en quelques jours,
quelques semaines, l’innocence peut se trouver broyée par la réalité. Les rêves
d’or peuvent se payer chers, même au doux royaume du cinéma. J’en suis sorti
séduit, interloqué, bousculé. Et avec cette irrépressible envie d’écrire ces
trop courtes lignes…