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Pourquoi le théâtre ?

Publié le 24 décembre 2013 par Morduedetheatre @_MDT_

Pourquoi le théâtre ?
Merci à Véronique Vella pour cette superbe photo de la Salle Richelieu

Prépa scientifique et passionnée de théâtre. Cette description est quelque peu oxymorique. Et pourtant, l'un n'empêche pas l'autre. J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand Seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! - Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre. Ah mon petit Fifi, il t'a causé bien des problèmes, le théâtre ! Alors pourquoi est-il autant un bienfait pour moi ? Pourquoi le théâtre ?

Parce que le théâtre est une échappatoire. Un moyen de s'extraire de la vie quelques instants. D'échapper au stress et au travail qui nous entourent. D'oublier, le temps d'une soirée, une khôlle qui s'est mal déroulée ou un DM qu'on n'a pas fini. Mais si, si, c'est ça, entre autres choses. Que ce soit Racine ou Feydeau, lorsqu'ils sont bien joués, on oublie tout, on entre dans l'action pour n'en ressortir qu'après la fin du spectacle. Alors le sort de Phèdre occupe toutes nos pensées, alors on se demande ce que ce Bois d'Enghien va bien pouvoir inventer pour sortir de la situation dans laquelle il se trouve. Et le Grand théâtre, c'est aussi le plaisir des mots, des chocs, des paradoxes qu'on peut y voir et y entendre. 

Parce que j'aime par dessus tout la belle langue théâtrale. Lavoisier a dit : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Soit, mais au théâtre, la règle ne s'applique pas. D'un rien, on fait un tout. D'un texte brillant et d'une voix adéquate, et les plus beaux sentiments peuvent déferler. Quels frissons devant ces vers :

C'est craindre menacer, et gémir trop longtemps.
Je meurs si je vous perds, mais je meurs si j'attends.

Quelle beauté. Quelle perfection. Lire ou écouter Racine, mieux : le voir bien joué sur scène, est un plaisir tel qu'il n'y a pas de mots pour le décrire. De manière plus générale, je dirais que je suis très sensible aux vers, peut-être plus qu'à la prose. Ils sont une manière de s'exprimer au rythme doux et au son si agréable... Ceux de Corneille me font peut-être moins d'effet, mais ils restent spectaculaires. Quelle force dans ceux-ci :

Rome, l'unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !
Rome qui t'a vu naître, et que ton coeur adore !
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore !

Mais il n'y a pas qu'eux ! Deux des plus grandes pièces que je connaisse sont Cyrano et Le Misanthrope, et le texte y est un pur délice pour l'oreille. Et je ne dénigre pas la prose pour autant. A titre d'exemple, Penthésilée, de Kleist, est une immense pièce, d'une puissance, d'une intensité, et d'une grandeur rare.

Parce que j'ai toujours aimé écrire, partager ce que j'aime, et me plaindre. D'où l'idée de la critique. J'en ai reçu des mots assassins, me disant que je n'étais pas dans mon droit de considérer tel ou tel spectacle comme mauvais. A ceux-ci, je réponds que ce n'est que mon ressenti que j'essaie d'exprimer, ma vision des choses. Alors oui, j'estime qu'il y a une ligne directrice, et qu'on peut dire "Tel auteur ne peut être monté ainsi". Je ne critique sévèrement que parce que je suis déçue de n'avoir pas vu un bon spectacle : quoi de plus désillusionnant que d'avoir faim, de voir un gâteau qui a l'air appétissant, et qui en fin de compte s'avère immangeable ? C'est pareil ! C'est de la déception que provient la colère, et même si les beaux mots ont de l'effet sur moi, certaines mises en scènes ont tout pour me déplaire, et gâcher un beau texte me fait trembler d'effroi. C'est pourquoi, humblement, j'essaie de donner Un avis objectif, argumenté, sensé, et que mon but n'a jamais été de blesser Acteurs, metteurs en scène, tous ces gens que j'adore, mais bien à mes confrères spectateurs d'éviter, une soirée gâchée ou un spectacle hardcore.

Parce que je ne me sens véritablement bien, heureuse, entière, et à ma place, que dans un fauteuil de théâtre. C'est un très bon moment, l'avant représentation. C'est agréable d'être assis là, entouré de personnes inconnues et pourtant réunies ici dans un seul et même but : assister à une représentation théâtrale. Peut-être sont-ce des acteurs autour de moi ? J'adore observer les autres spectateurs. Parfois, je reconnais une tête connue. Parfois, je m'exaspère de voir un tel poser ses pieds sur la scène. J'aime aussi observer ce qui m'entoure : les belles salles de spectacles ravissent mes yeux : des lustres imposants, de belles peintures, un rideau rouge comme dans un rêve, retombant sur la scène avec grâce. C'est mon monde, ou du moins, celui auquel je veux appartenir.

Un grand Monsieur, amateur de mots, pianiste de métier, m'a dit un jour : Dernier domaine où l'on ne peut pas mentir, l'art est un allié, un ami parfois redoutable, mais capable de tant de joies. Et je crois que tout est dit.


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