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Le volume 15 des Fragments d'histoire du Compagnonnage est paru !

Par Jean-Michel Mathonière

NOTE DE LECTURE : FRAGMENTS D’HISTOIRE DU COMPAGNONNAGE, VOLUME 15 (Cycle de conférences 2012). Musée du Compagnonnage de Tours, 2013. ISBN 978-2-917836-03-3. Format 21 x 30, illustrations N & B, 136 pages. 22 €  (26 € par correspondance)

La parution annuelle de chaque volume des Fragments d’histoire du Compagnonnage est toujours attendue depuis 1999, année où fut publiée le premier recueil des conférences organisées chaque année par le musée de Tours. Il s’agit en fait de la seule publication périodique où les chercheurs et historiens peuvent trouver des informations fiables sur le Compagnonnage d’hier et d’aujourd’hui. Les revues universitaires se désintéressent en général d’une institution jugée par trop « folklorique » et les journaux des trois mouvements compagnonniques ouvrent leurs colonnes à des auteurs compagnons davantage attachés à l’actualité ou à l’avenir de leur propre société, sans se soucier de ses liens avec le passé ou avec son environnement social, économique, religieux ou politique.

Le volume 15 des Fragments d'histoire du Compagnonnage est paru !

De sorte que ce quinzième volume nous offre encore des approches nouvelles sur des sujets mal connus :

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Ainsi, la première, de Laurent Bastard, s’intitule « Les plus belles chansons des compagnons du Tour de France ». L’auteur a fait le choix (subjectif, il le reconnaît) de commenter dix chansons indémodables, de véritables « tubes » du florilège compagnonnique, qu’on ne se lasse pas d’entendre au cours des banquets de l’Association, de la Fédération, de l’Union et autres sociétés, alors que plusieurs d’entre elles étaient déjà interprétées au milieu du XIXe siècle ! Ce sont : L’Abeille, de Jean-François Piron, Le Blason, de P. Calas, Le Roi et le Compagnon, de Champagne la Fierté du Devoir, Conduite, de Piron, La Sainte-Baume, de P. Morin, Les Adieux à la Touraine, de L.-P. Journolleau, Les Fils de la Vierge, de Jules Lyon, Le Vieux Franc-Cœur, de Piron, La Mort du Provençal, d’E. Collomb et Ô vieux Devoir tu seras éternel (au singulier ou au pluriel), de J. Galibert. Lors de la conférence, ces chansons avaient été interprétées par le baryton-basse Benoît Riou. L. Bastard les commente, montre qu’elles expriment les temps forts de la vie compagnonnique, que leurs auteurs ont souvent emprunté les airs à des chansons profanes connues de tous autrefois, mais qu’elles exprimaient des thèmes qui sont d’une profondeur que ne parviennent guère à supplanter ceux qui sont exprimés par les rares compagnons chansonniers d’aujourd’hui.

Pour sa part, Xavier Gille évoque la vie de son illustre ancêtre « François Pinet, Tourangeau la Rose d’Amour (1817-1897), un compagnon cordonnier devenu un grand industriel ». X. Gille, dont la biographie de F. Pinet a déjà fait l’objet d’une note sur ce blog, raconte comment le modeste cordonnier parti de Château-la-Vallière avec quelques sous en poche en 1833 a pu, grâce à son intelligence créative s’élever au rang des grands fabricants de chaussures parisiens à partir de 1854. Reçu compagnon le 15 août 1836 à Nantes, il s’établit à Paris à l’issue de son tour de France, devient le commis-voyageur d’une maison renommée, puis invente un modèle breveté de talon en gutta-percha. Il se mêle un peu de politique en 1848 mais poursuit ses inventions et fonde enfin un atelier en 1854. Très vite il s’impose sur le marché par la qualité et l’élégance de ses chaussures pour femmes, puis pour hommes et enfants. La maison Pinet devient une très grande entreprise qui produit et commercialise en France et à l’étranger des milliers de paires de chaussures, réalisant un énorme chiffre d’affaires. Ses créations sont récompensées lors des expositions. Le compagnon est devenu un notable qui fréquente la loge maçonnique « Bonaparte » de 1857 à 1867. Patron philanthrope, il développe un système d’assurances sociales dans son entreprise et rémunère bien sa centaine d’ouvriers et ouvrières, ce qui lui évite des grèves. Il conservera jusqu’à sa mort des liens étroits avec le Compagnonnage et rejoindra l’Union Compagnonnique après 1889. Etonnante ascension sociale qu’on a peine à imaginer aujourd’hui…

Laurent Bastard aborde ensuite « La représentation des métiers dans Tintin et Astérix ». Le sujet semble plus léger, mais l’auteur, qui connaît bien les albums d’Hergé et du tandem Goscinny-Uderzo, nous montre qu’il révèle un tournant dans les publications pour la jeunesse. En effet, aussi bien dans Tintin que dans Astérix, les métiers dits « manuels » sont relégués au second plan au profit des professions intellectuelles, des services, des commerces et des fonctionnaires. Quand ils apparaissent sous les traits de forgerons, bouchers, marbriers et quelques autres, jamais leur savoir-faire n’est mis en avant. Au contraire, les uns et les autres ont tout de personnages falots ou bien brutaux, d’individus douteux ou ridicules, bref ce ne sont pas (plus) des modèles pour la jeunesse, à l’inverse des artisans des livres du XIXe siècle et même de l’entre-deux-guerres. Tintin évolue dans le monde des services liés aux voyages internationaux, dans le cercle des policiers, des malfrats et des militaires. Astérix vit dans la France des années 1960-1970, transposée au Ier siècle avant J.-C., c’est-à-dire dans la société de consommation où l’artisanat s’efface au profit de l’industrie et des activités de services.

La dernière contribution est celle de Jean Philippon, compagnon cuisinier des Devoirs Unis, dit Bordelais la Constance. Habitué des cycles de conférences du musée de Tours, J. Philippon traite la difficile question des « Rites et Devoirs ». Qu’est-ce qu’un « rite compagnonnique » ? Qu’est-ce qu’un « Devoir » ? Que recouvrent ces mots ? L’auteur recense les éléments symboliques, historiques, légendaires ainsi que les concepts philosophiques que l’on rencontre au sein des compagnonnages, en les situant dans l’Histoire. Ces éléments, ces « matériaux », ont une chronologie, et c’est dans ce vaste trésor que les compagnons ont puisé pour construire leurs propres rites et Devoirs. Réagencés, adaptés, parfois modifiés au mépris de l’Histoire, ils ont permis aux différents compagnonnages de se forger une identité et de perpétuer des valeurs et des comportements : une origine, des valeurs, des règles, le voyage, la fraternité, une vie collective, une initiation, etc.

Toutes ces études sont abondamment illustrées par des documents souvent peu connus, voire totalement inédits. Comme toujours, les textes sont assortis de références et de notes enrichissantes.

Le volume 15 des Fragments d’histoire du compagnonnage est vendu 22 € au musée. Par correspondance, ajouter 4 € de frais d’envoi (chèque à l’ordre du Trésor public, à adresser au musée du Compagnonnage, 8 rue Nationale 37000 Tours).

Achat en ligne sur le site du musée du Compagnonnage.

Attention : les frais d'envoi sont plus élevés dans le cas d'achat en ligne (envoi en Colissimo au lieu du tarif Lettre).

Le volume 15 des Fragments d'histoire du Compagnonnage est paru !

L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)


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