Magazine Culture
Il y a de auteurs fétiches, comme Laura Kasischke avec son talent fou. Et il y a des chefs-d’œuvre et bouquins cultes. Les Revenants y figurent, c'est sûr !
Ouverture quasi-lynchienne. Une nuit de pleine lune, Shelly, fonctionnaire à la faculté, est victime d'un accident de voiture très violent, impliquant Craig, un étudiant, et sa petite amie Nicole, la jeune fille la plus populaire de lafaculté. Dans un silence surnaturel, elle appelle les secours - trop tard pour sauver Nicole. Dans les jours et les semaines qui suivent, Shelly est victime d'un harcèlement particulièrement élaboré visant à lui faire retirer son témoignage auprès de la police. Dans une ambiance de quasi-culte à la jeune défunte et de psychose croissante au sein de l'univers très clos de ce campus américain très sélect, des étudiants, parmi lesquels un Craig éploré, croient avoir revu Nicole sur le campus. Les doutes planent, le malaise s'installe, la mort est partout, et la folie, jamais bien loin.
Kasischke fait ici preuve d'une virtuosité particulière dans la construction, patiemment tissée comme un écheveau démoniaque. Si En un monde parfait séduisait par sa montée en puissance anxiogène, Les Revenants entremêle le passé et le présent, les intrigues, en un patient édifice qui enroule et déroule tour à tour, enfermant dans sa toile un lecteur complètement manipulé. Voir l'intelligence aec laquelle Kasischke met en place sa galerie de personnages, féminins évidemment : Shelly la fonctionnaire, sa jeune maîtresse, la parfaite Nicole, Mira la jeune professeur d'ethnologie, mais aussi Craig et ses co-turnes, envisagés sous des angles complexes et avec une finesse époustouflante.
Angoissant, haletant, ensorcelant, Les Revenants est un livre incroyable, d'une complexité et d'une subtilité inouïes. Poursuivant l'exploration de ses thèmes de prédilection, avec l'étude toujours si juste de l'adolescence (voir les déjà inquiétants La Couronne verte et Rêves de garçons), Kasischke joue perpétuellement sur la dualité, conférant à son oeuvre une ambiguïté envoûtante, à l'image de la grande absente / présente des Revenants, Nicole et son double mystérieux (et, à bien des égards, terrifiants).
Bref, du sensationnel dans mon Objectif lune.