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d'après Maupassant : par un soir de printemps

Publié le 01 janvier 2014 par Dubruel

Cette année-là,

Jeanne allait épouser

Son cousin Maxence.

Ils se connaissaient

Depuis l’enfance.

Entre eux, l’amour ne prenait pas

Les formes pudibondes

Qu’il garde dans le monde.

La jeune fille faisait à Maxence

Quelques agaceries, mais en toute innocence.

Elle le trouvait bon garçon

Et l’embrassait sans ce frisson

Qui fait plisser la peau

Des pieds jusqu’en haut du dos.

Lui, pensait tout simplement :

Elle est mignonne.

Il songeait à elle avec l’attendrissement

Qu’on éprouve pour une jolie personne.

Puis un soir, Jeanne

Entendit dans le salon

Sa mère dire à ses tantes Anne,

Et Camille

(Qui était restée vielle fille) :

-« Ces enfants s’aimeront

Ça se voit.

Cela me fera un bonheur immense.

Pour moi,

Maxence est le gendre que je voudrais. »

Dès ce jour, Jeanne adora Maxence.

Elle rougissait quand elle l’embrassait.

Sa main tremblait lorsqu’elle prenait

Celle de son cousin.

Ses yeux se baissaient quand elle croisait

Son regard mutin.

Maxence comprit ce qui se passait.

Il lui avoua : -« Je t’aime, je t’aime ! »

À partir de cet instant même,

Ce ne fut que roucoulements,

Galanteries, déploiements

De toutes les amoureuses façons.

Même au salon,

Maxence osait embrasser Jeanne

Devant les trois sœurs Anne,

Camille et sa mère.

Il emmenait sa cousine

Le long de la rivière,

Dans les bois et les prairies voisines.

Ils attendaient le jour de leur hymen

Sans paraître impatients.

Les vieilles regardaient cet amour naissant

Avec un attendrissement

Souriant, amène.

À les voir, Camille particulièrement

Était remplie d’émotion.

Souffrant d’une légère claudication,

C’était une femme effacée,

Une humble vieille, bien proprette,

Petite, douce, fluette.

Elle marchait à petits pas légers,

Et ne parlait presque pas.

Du 1er janvier au 31 décembre,

Elle n’apparaissait qu’aux heures des repas,

Puis remontait dans sa chambre

Et y restait enfermée sans cesse.

Aujourd’hui veuves, Anne

Et la mère de Jeanne

Etaient devenues comtesses

Grâce à leurs nobles mariages.

Elles considéraient Camille un peu

Comme un être insignifiant et bas-bleu.

Elles ne montaient jamais à l’étage

La voir en son ermitage.

Elles ne parlaient jamais d’elle,

Ne songeaient pas à elle.

Un soir, après diner, les deux cousins

Restèrent deux heures

Dans le grand jardin,

Les yeux dans les yeux,

Cœur contre cœur

Avec cette mélancolie propre aux amoureux.

Les comtesses se couchaient de bonne heure.

Ce soir-là, elles montèrent à dix heures

Et demandèrent à Camille

D’une voix tranquille :

-« Tu peux les attendre ? »

La vieille fille leva

Ses yeux tendres,

Et contempla,

Éclairés par la lune, les jeunes amants

Qui se promenaient lentement.

Tout à coup, Jeanne vit la vieille fille :

-« Tiens ! Elle nous regarde, Tante Camille ! »

Lorsque le couple pénétra dans le salon,

Maxence s’aperçut que les bottillons

De sa fiancée

Etaient couverts de rosée :

-« Chérie, n’as-tu pas froid à tes petits pieds ? »

À ces mots, il remarqua

Que les yeux de la tante s’embuaient

Et qu’elle s’était mise à trembler.

Jeanne lui tendit les bras :

-« Qu’as-tu tante Camille ? »

-« C’est…quand il te demanda

Balbutia la vieille fille :

‘’Chérie, n’as-tu pas froid…à…

Tes petits pieds ?’’

On ne m’a jamais…

Dit ça à moi,…jamais ! »


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