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Le Signe de Zorro (1941)

Publié le 01 janvier 2014 par Olivier Walmacq

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Genre : Action, Aventure

Année : 1941

Durée : 1H34

L’histoire : Don Diego Vega est réputé pour être l’un des meilleurs escrimeurs d’Espagne où il parfait son éducation. Il retourne dans sa Californie natale afin de retrouver son père Don Alejandro Vega l’ancien gouverneur du comté. Sur place il apprend que son successeur Don Luis Quintero est un Tyran sans scrupules qui oppresse les paysans. Cette oppression est endurcie par la cruauté du capitaine Estéban Pasquale. Diego décide de réagir. Si le jour il se fait passer pour un noble oisif, pédant et egocentrique, la nuit il devient le justicier masqué, l’ange exterminateur Zorro.  

La Critique de Vince12 :

Le personnage de Zorro crée en 1919 par l’écrivain Johnston McCulley est rapidement devenu une icône de la culture populaire. Le cinéma se l’est vite approprié. Dés 1920 Douglas Fairbanks sous la direction de Fred Niblo incarnait remarquablement le justicier masqué dans Le Signe de Zorro. Le film fut un succès énorme. Par la suite ceux qui tentèrent d’adapter Zorro eurent méchamment tendance à se vautrer en beauté. Jusqu’à ce que débarque Rouben Mamoulian.

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En réalité le projet est lancé d’abord par Darryl F Zannuck, tyrannique producteur et grand manitou de la 20th Century Fox. Celui-ci a bien vite en tête le méticuleux Rouben Mamoulian pour faire ce remake du Signe de Zorro. L’intéressé accepte à condition de jouir d’une certaine autonomie.   

Le Signe de Zorro version 1941 se démarque beaucoup de celle de 1920.

Attention SPOILERS !

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Espagne dans les années 1820. Don Diego Vega cadet de l’académie militaire se tape la modeste réputation de plus fine lame du royaume. Cependant il doit mettre fin à ses études après avoir reçu une lettre de son père Don Alejandro Vega qui l’exhorte à revenir dans sa Californie natale au plus vite.

Sur place Diego découvre une Californie nouvelle, dévastée par la misère et la terreur. Son père étant l’Alcalde du comté, Diego a du mal à comprendre ce règne de la terreur. Il se rend en ville et découvre que son père n’est plus l’Alcalde. En effet il a été contraint à la démission et a été remplacé par le despotique Don Luis Quintero. Ce dernier qui saigne à blanc le peuple sans scrupules, impose sa loi grâce au bras armé du Capitaine Estéban Pasquale, un officier cruel, ambitieux et incroyable bretteur. Son second le brutal Sergent Gonzales, collecte les impôts par la manière forte.

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Diego retrouve son père à l’hacienda des Vega. Ce dernier lui confirme que tout le pays est ravagé par la dictature de Quintero. Prêt à lutter, Don Alejandro ne veut cependant par mener une action armée, ne voulant pas enfreindre la loi du royaume et mener à la mort beaucoup d’hommes face aux soldats entraînés de Quintero.

Diego décide alors de se faire passer pour un jeune homme oisif, pédant, egocentrique qui renie la violence et l’action et se moquant éperdument de la misère du peuple. Effaçant ainsi tous les potentiels soupçons il se retrouve libre d’agir à sa guise. La nuit il devient Zorro le justicier masqué et ange exterminateur qui s’en prend aux soldats et pille les riches pour le bien des pauvres.

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Dans son double jeu le personnage rencontre certaines difficultés notamment avec Inès Quintero la femme de l’Alcalde qui courtise avec le Capitaine Estéban Pasquale et qui a également des vues sur Don Diego. Mais surtout avec Lolita Quintero fille du Tyran qui a été promise à Diego, qu’elle déteste, en mariage. Secrètement Lolita aime Zorro ignorant que le justicier masqué et son antipathique futur époux son une seule et même personne.   

L’histoire reprend plus ou moins les grandes lignes du film de 1920 sauf qu’ici le scénario se réfère plus au livre et montre la genèse du mythe. On découvre ainsi le jeune Diego d’Espagne et on voit comment progressivement il devient Zorro. Pour ce qui est de l’histoire on retrouve tous les poncifs du genre. Le justicier masqué courageux et défenseur des opprimés, la belle, le tyran, l’officier sadique…. On pourrait parler de clichés mais comme l’a si bien dit Marc Toullec « Des Clichés ? Non des archétypes que maîtrise parfaitement Rouben Mamoulian ».

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C’est en effet le cas, Le Signe de Zorro s’apparente à un spectacle de marionnettes connues, avec une mise en scène d’enfer. Rouben Mamoulian va en effet jouir d’une autonomie et d’une indépendance qui a de quoi faire des jaloux à l’époque. Surtout quand on sait que le producteur est Darryl F Zannuck qui veut toujours tout contrôler. D’ailleurs Mamoulian n’aura pas non plus le pouvoir absolu et devra tolérer de voir le producteur se pointer souvent sur le tournage. « Un vrai Tyran » déclare Mamoulian à propos de Zannuck, « il avait l’œil sur tout, contrôlait tout » cependant ça ne sera pas forcément une mauvaise chose surtout venant de la part d’un producteur qui n’était pas qu’une pompe à fric comme de nombreux spécimens actuels. Zannuck connaissait son boulot, Mamoulian a donc ajouté « Rien ne lui échappait et le plus souvent, il était dans le vrai, prenait les bonnes décisions » « ce fut un plaisir de travailler avec lui ». C’est donc à l’union de deux grands cinéastes qu’on doit Le Signe de Zorro.

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A la base le film devait être tourné en Technicolor, l’annonce avait même été faite. Mamoulian refusera et préfèrera le noir et blanc apparemment en hommage au film de 1920 puisque Douglas Fairbanks venait de décéder l’année précédente. C’est cependant aussi très bien vu au niveau du style qui en revanche se démarque énormément du film de Niblo. Zannuck et Mamoulian s’était accordé à se détacher de l’humour burlesque et des cascades fanfaronnes du film de 1920 pour signer une oeuvre plus sombre. Mamoulian confère donc au film une ambiance baroque. Parfois le climat prend presque des tonalités du cinéma fantastique notamment lors des apparitions de Zorro, la plus notable étant celle dans le bureau de l’Alcalde ou on voit une lame spectrale surgir de l’ombre pour éteindre les bougies dans une ambiance surréaliste. Mamoulian sait cependant compenser avec une reconstitution réaliste à travers les décors et les costumes des peones. Bref le réalisateur est fidèle à sa réputation d’artiste méticuleux. Par ailleurs il n’hésite pas à mettre en place une démocratie participative, accueillant les idées et les critiques de chacun des membres. Un procédé qui s’est vu souvent depuis mais qui pour l’époque était assez inédit.

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Parlons maintenant du casting ! Pour le double rôle de Don Diego Vega/Zorro plusieurs acteurs furent envisagés. Quant le projet était entre les mains de la Warner, C’est Errol Flynn qui fut bien sûr choisi, mais le projet changea de mains. La 20th Century Fox pensa d’abord à Ronald Colman et à Douglas Fairbanks Jr dont le père avait donc joué le premier Zorro à l’écran. Finalement C’est Tyrone Power jeune premier pas encore très connu qui fut choisi par Zannuck. En réalité c’était une manière pour le producteur de se racheter car il n’avait pas accepté de libérer l’acteur de ses obligations quand la Columbia lui avait offert un rôle pour L’esclave aux mains d’or du même Rouben Mamoulian. Power va se révéler un très bon Zorro. Pour être crédible l’acteur va prendre des cours intensifs d’escrime. Il sera formé par le légendaire Fred Cavens qui a un lien indissociable avec Zorro puisqu’il entraînait Douglas Fairbanks sur Le Signe de Zorro de 1920 et qu’il fera aussi l’entraînement avec Guy Williams pour la série Zorro de Disney. Power apprend donc l’art de l’escrime. A ce propos Basil Rathbone incarnant le méchant, qui pratiquait l’escrime depuis longtemps au moment du tournage, a affirmé « Tyrone Power a certainement été le meilleur escrimeur de cinéma contre lequel j’ai eu à me battre. Il excellait à ce point qu’il aurait pu aisément embrocher Errol Flynn. Tyrone était d’une incroyable agilité ». Au contraire Rouben Mamoulian déclarera « il n’était pas très athlétique. Nous devions le secouer pour qu’il paraisse aussi rapide que Basil Rathbone ».

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Quoiqu’il en soit Tyrone Power fait partie des meilleurs Zorro vu sur l’écran. Il est tout à fait crédible dans le rôle du justicier masqué. Mais il impressionne peut être encore plus dans le rôle de Diego Vega. Tout comme dans la version de 1920 il rend le personnage oisif, anthipatique, egocentrique mais là ou Power fait fort c’est qu’il n’hésite pas à donner à son personnage un côté efféminé inédit pour l’époque. Ce qui n’est pas du goût de Darryl Zannuck mais tout à fait de celui de Mamoulian et de l’acteur qui ne craint pas de casser son image auprès du public de l’époque avant même de devenir une vraie star.

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Pour le reste du casting on se doit d’évoquer Basil Rathbone dans le rôle du Capitaine Estéban Pasquale. Comme je l’ai dit plus haut ce dernier était déjà un très bon escrimeur  avant le tournage. Rathbone qui reste connu pour ses rôles de Sherlock Holmes, avait déjà joué les durs et les méchants face à Errol Flynn dans Capitaine Blood et dans Les Aventures de Robin des bois. Il a aussi affronté Gary Cooper dans Les Aventures de Marco Polo. Rathbone se montre parfait dans le rôle de cet officier cruel et ambitieux qui prend les devants sur le personnage de Quintero.

On retrouve ensuite Linda Darnell qui n’a qu’entre 16 et 17 ans quand elle interprète le rôle de Lolita. Son partenariat avec Tyrone Power fonctionne à merveille. Elle fait une Lolita plus travaillée que dans le premier film puisqu’ici elle incarne la fille du méchant tiraillé entre son père et la justice mais également tiraillée entre Zorro et Don Diego Vega qui sont en fait une seule et même personne.

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Edward Bromberg incarne pour sa part le tyrannique Don Luis Quintero. Un personnage à la fois puissant fourbe et lâche. Il est à noter la présence de George Rejas dans le rôle du Sergent Gonzales. En effet l’acteur était passé à côté du rôle dans le film de 1920. L’ayant beaucoup regretté il a corrigé le tir en le décrochant dans cette nouvelle version. Son personnage est d‘ailleurs beaucoup plus sombre que dans l’original.

Pour clore le casting on peut parler de Montagu Love dans le rôle de Don Alejandro Vega.

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Le Signe De Zorro peut donc s’appuyer sur une belle équipe. Le tout donne un véritable cocktail rythmé d’action, de sentiments et d’aventure. A ce titre plusieurs séquences sont des scènes d’anthologie.  Que ce soit la course poursuite à cheval dans la nuit mais surtout la scène du duel entre Diego et le capitaine Estéban Pasquale. Cette séquence, très importante, demanda beaucoup de travail. Mamoulian voulait s’éloigner des scènes de duels de l’époque façon Robin des Bois ou on voit Errol Flynn monter et descendre les interminables escaliers d’une tour. Point de ça ici, le film se veut moins poussif, plus sobre et plus juste sur les duels. Tout se passe dans un bureau confiné aux ambiances baroques. Fred Gavens réalisera un grand travail sur les chorégraphies. Son fils Albert Gavens doublera même Tyrone Power sur certaines séquences techniques du duel.       

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Le Signe de Zorro est donc une grande réussite le film qui a coûté 1 millions de dollars (pas mal pour l’époque) va très rapidement rembourser son budget ! Le Signe de Zorro est un succès total et propulse Tyrone Power au rang de star mondiale.          

Le Signe de Zorro est bien entendu avant tout un film d’aventure faisant appel à des sentiments comme le courage, l’honneur, l’amour, la justice mais plus que ça c’est aussi un film qui touche au fantasme du justicier masqué. En ce sens il reprend l’essence du livre de Johnston McCuley. George Buraud avait déclaré « Porter un masque nous incite à agir, à faire effort, à nous dépasser ». Zorro est un peu l’ange vengeur qui se cache en chacun de nous. C’est d’ailleurs ce qu’on retrouve chez la plupart des super héros, cet aspect fascinant de double personnalisé. Le personnage de Zorro réveille en quelque sorte la matérialisation du fantôme de notre inconscient qui nous permet de devenir quelqu’un d’autre. C’est sans doute pour cela que Zorro fascine encore.

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Le Signe de Zorro est donc un petit joyau du cinéma de cape et d’épée. Généralement considéré comme le meilleur Zorro de l’écran le film de Rouben Mamoulian ne faillit pas à sa réputation et vous marque à la pointe de l’épée !

     

Note : 17,5/20


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