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Interview | girls in hawaii : « moi ce qui m’attire c’est l’etrangeté, ressentir cette sensation suréealiste »

Publié le 03 janvier 2014 par Acrossthedays @AcrossTheDays

On était tombé amoureux dès la première écoute de l’indie-rock mélancolique de Plan Your Escape, on s’était jeté sur la pop inventive et solaire de  From Here to Here avant d’embrasser la beauté froide mais éclatante dEverest. L’album au titre du plus haut sommet du monde sonnait le grand retour de nos belges préférés.

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Cinq ans après son prédécesseur, surmontant la mort de Denis, batteur et frère d’un des chanteurs, le groupe dévoilait Misses. On était heureux d’entendre à nouveaux leur son si personnel et envoûtant et on savourait l’aptitude des musiciens à transposer leurs expériences récentes avec un tel talent.

Plus pop mais toujours très marqué, Not Dead suivait quelques semaines après : un tube sombre qui accroissait notre impatience. On a enfin eu Everest entre nos mains début septembre et avec un sourire aux lèvres, on a appuyé sur Play. 

Joie. De The Spring à Wars, Girls in Hawaii réussit à maintenir ce sourire extatique sur notre visage, tantôt joyeux, tantôt triste. Si l’on ressent l’influence de leur passé à travers de nombreux titres aux paroles dures mais si justes, jamais la beauté du groupe n’avait atteint de tels sommets. Antoine magnifie la musique de spoken words intenses alors que Lionel pose sa voix aérienne sur des instrumentations épiques. L’alternance maîtrisée de breaks, d’envolées impétueuses et de pauses calmes impressionne. Quel bonheur de savoir, de le ressentir, qu’à chaque instant, la mélodie sereine peut voler en éclat pour laisser place à la rage qui s’effacera elle aussi, révélant un refrain apaisé. Changes, Here I Belong, We Are the Living, autant de chansons qui dépassent la douleur, la transcendent pour un résultat d’une rare justesse. Everest est un disque peuplé de souvenirs, de cauchemars mais surtout de rêves, banals ou insensés, assouvis ou fantasmés, qu’importe tant qu’ils existent. Tirer de soi et de ses sentiments les plus profonds et intimes, les distiller dans un univers foisonnant et magnifique, voilà l’exploit accompli par les Girls in Hawaii. 

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On a rencontré Lionel, chanteur et compositeur, pour une discussion fleuve à cœur ouvert sur leur musique, le groupe, la vie qu’on ressent dans chacune de leurs notes et paroles, la recherche de la nouveauté et de l’étrange, Arcade Fire et pleins de trucs.
Entretien.

« Everest s’est presque imposé s’est senti obligé de parler de la disparition de Denis et de tout ce que ça implique »


ATD. Hello Lionel ! Alors c’était comment l’Islande ? Ça avait l’air sympa d’après la vidéo !

Lionel Vancauwenberghe. C’était cool. Moi c’était la quatrième fois que j’y allais, donc c’était un peu un retour attendu. On allait joué à grand festival dans Reykjavík qui est une ville juste complètement dingue avec des groupes partout, la fête tout le temps. On a fait un très bon concert. En plus j’y étais déjà allé pendant quatre mois il y a cinq ans pour enregistrer des chansons pour Everest, j’ai des amis qui vivent là-bas, c’est super sympa et c’est un pays magnifique.

ATD. T’as pas l’impression que vous devriez presque être islandais plutôt que belges par rapport à votre musique ?

Lionel. Ouais ouais (rires). Il y a effectivement une ressemblance, une proximité je trouve avec le côté atmosphérique que l’on retrouve très souvent dans leur musique. Et c’est vrai qu’on s’en approche, pour moi la seule grosse différence avec la scène islandaise vient du fait qu’ils ont toujours une petite touche expérimentale dans leurs compos. Il y a très souvent quelque chose d’assez étrange.

ATD. Et vous non ?

Lionel. Nous moins, je trouve qu’on a quand même un son un peu et même parfois très américain. C’est assez lisible assez clair. Avec ces groupes islandais il y a toujours quelque chose d’un peu dérangeant dans leur musique, ils cultivent vraiment leur identité musicale.

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ATD. Everest marque votre retour. Est-ce que tu penses que depuis la disparation de Denis, votre « séparation » et reformation, les gens ont tendance à plus analyser vos textes ? Et est-ce que vous vous faites plus attention aux paroles ?

Lionel. Oui c’est certain. Nous on a fait plus attention à nos textes parce qu’on avait quelque chose à exprimer. On a vraiment  travaillé les paroles et si au début on ne s’attendait pas spécialement à ce que les gens les analysent plus on a réalisé que fatalement, quand tu touches un sujet un peu et même vraiment difficile comme un deuil ou la mort en générale les gens ont tendance à écouter beaucoup plus, à faire plus attention. Après on a essayé d’être quand même assez pudique, il n’y a rien de vraiment expliqué là-dedans. On a essayé de maquiller un petit peu le tout sans même réfléchir aux réactions des gens.

ATD. Par rapport à ce que vous avez vécu, quand on regarde les titres d’Everest : We Are the Living, Not Dead, Misses ou Here I Belong et ensuite leurs paroles. Est-ce que l’album à plus de signification pour vous que les précédents pour vous ou pas ? Personnellement et musicalement ?

Lionel. Je crois qu’on aura tous un avis différent là-dessus. Je pense que pour Antoine oui alors que moi non, ils ont tous un sens, personnellement c’est presque celui qui en à le moins. Mais c’est très personnel dans le sens où avant l’écriture d’Everest il y a tellement d’événements qui nous ont dépassés, qu’il n’y a plus rien de vraiment personnel pour nous dedans.
On s’est retrouvé un peu forcé d’être là-dedans, dans cette situation, à chanter cette douleur, c’est la vie qui a fait, qui nous a poussé à composer un disque comme ça et donc ça été le moins décidé quelque part, il est vraiment arrivé en réaction et comme une conséquence de tout ce qui s’est passé. A un niveau conceptuel, il y a eu moins de liberté, parce qu’on a été, on s’est senti obligé en tout cas, de parler de la disparition et tout ce que cela implique. Ça s’est imposé.

ATD. Rorschach, c’est par rapport au test ?

Lionel. Oui, c’est l’histoire d’un gars qui roule dans la ville la nuit et qui voit les immeubles se transformer en taches, c’est parti de ce coté vraiment symétrique que  la ville peut parfois avoir. Après, c’est vraiment un morceau où le texte a été très secondaire, on avait  la musique et le texte est arrivé après.

« Girls In Hawaii c’est une espèce d’idée de soi mais magnifiée ou ensoleillée »

ATD. Si on regarde de la même façon les titres de vos trois albums From Here to There, Plan Your Escape et maintenant Everest, on a l’impression que la notion de mouvement, de voyage et de nature est importante pour vous. Jusqu’à quel point ça vous influence ?

Lionel. Dans nos vies quotidiennes presque pas, on est tous citadins depuis longtemps mais je crois qu’il y a un fantasme, qu’il y a eu toujours un fantasme, ce rêve d’ailleurs. Le nom du groupe c’est ça aussi : « Girls In Hawaii » c’est une espèce d’idée de soi mais magnifiée ou ensoleillée.  Je crois qu’on se considère, Antoine et moi, comme des gens un peu mélancoliques quand même. Avant de commencer un disque on se donne des mots-clés, qui nous permettent d’imaginer le territoire sonore qu’on va explorer. Au tout début du processus de ce dernier disque c’était la montagne. Pourtant, au-delà du fait que j’adore marcher dans la nature, il n’y a pas vraiment de rapport entre une vie en pleine nature et notre musique. C’est plutôt une projection mentale.

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ATD. Là, vous avez attaqué l’Everest, la prochaine fois c’est quoi ?

Lionel. (rires) C’est une bonne question, moi j’aimerais bien une ville. On jamais vraiment planté notre musique dans une ville ou dans un décor urbain. On pourrait encore se laisser tenter par Berlin ou quelque chose comme ça je pense, comme Lou Reed ou Bowie. Composer un album centré sur une ville, avec une thématique tournant autour. Ouais c’est possible qu’on fasse quelque chose comme ça.

ATD. Tu dirais que votre son est « froid » ?

Lionel. Il y a une certaine froideur dedans, sur Everest c’est vrai qu’il y a quelque chose qui s’en rapproche oui. Ça nous a permis de prendre une certaine une distance aussi, je pense. Un voile un peu pudique de nouveau.

ATD. Ouais parce que tu disais qu’il était solaire, solaire et froid alors ?

Lionel. Exactement, c’est un peu cette image de lumière d’hiver, tôt le matin, ce n’est pas encore le printemps mais ce n’est pas tout noir non plus. Il y a cette froideur, c’est vrai, que tu peux retrouver chez certains trucs de Depeche Mode ; c’est quelque chose dont il est vraiment difficile de se rendre compte, d’avoir le recul nécessaire pour le réaliser. On essaye de mettre beaucoup de chaleur dans nos disques et souvent on nous dit qu’il y a quand même un côté froid, plus ou moins prononcé. Ça me plait pas mal comme idée, que ça puisse être lumineux et froid en même tempstant que ça reste intéressant évidemment.

ATD. C’est quoi le lieu pour toi qui va le mieux avec Everest, à part l’Everest justement ?

Lionel. Je rêverai d’écouter le disque justement en faisant le tour de l’Islande  parce qu’il n’y a qu’une seule route qui s’appelle la route  1 et quand tu fais le tour en bagnole c’est juste dingue. Ça correspondrait bien au disque parce qu’on l’a vraiment voulu dégagé, très ouvert, on a voulu quelque chose d’assez lumineux, pas ensoleillé mais vraiment lumineux et les paysages d’Islande c’est vraiment ça, t’as vraiment l’impression que tu as le monde ouvert devant toi. Nous on a toujours tendance à se mettre des obstacles, Antoine et moi on est des gens qui se compliquent la vie donc cette fois-ci je crois que c’était une volonté de faire les choses simplement et d’une manière ouverte.

ATD. J’ai vu votre mobilisation aux côtés de Green Peace en Russie qu’est-ce que vous, enfin toi les autres je ne sais pas si tu peux les engager avec toi, seriez prêt à faire sur scène pour faire parler ou pour parler d’une cause qui vous tient à cœur comme ça ?

Lionel. C’est le vieux débat « jusqu’où un artiste peut s’engager  sans abîmer sa musique » et nous on s’est souvent associé à des cause genre Amnesty,  ici Green Peace mais on essaye de tenir ça quand même très séparé de la scène, de nos paroles et de nos disques. Je trouve ça délicat de marier les deux. Le premier truc qui me vient à l’esprit c’est le  « free tibet » il y a un petit moment déjà quand les Red Hot, Rage (Against the Machine, ndlr) et tout s’étaient rassemblé pour jouer en faveur du Tibet et moi ça m’a jamais enthousiasmé ce genre de représentation. Y compris les groupes qu’on adore, même Noir Désir et des trucs comme ça. J’aime bien donner un soutien en cachet, enfin d’une façon indirecte quoi mais directement sur une scène non.

ATD. Où est-ce que tu rêverais de jouer ? Sur une scène ou n’importe quoi en fait.

Lionel. C’est une bonne question ça. Je crois que ça m’éclaterait vraiment de jouer dans un bateau, un espèce de bateau de croisière, tu sais il y a des groupes comme ça qui font des traversées, genre vraiment les trucs classiques, la croisière s’amuse (rires), je crois que ça m’amuserait vraiment de faire ça.

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© Crush Inside


ATD. À quoi tu penses quand t’es sur scène ?

Lionel. (Rires) Parfois je regarde les gens, la tête des gens, sans penser du tout à la musique quoi, parce que maintenant il y a quand même des automatismes, on joue le truc quand même facilement, enfin facilement (rires). Ça m’arrive d’être complètement dans le morceau, d’écouter vraiment ce que je dis, ce que je chante et il y a des rares très rares fois où ça m’arrive de me demander si j’ai sorti les poubelles la vieille quoi. Ça arrive, ça arrive vraiment quoi, et je suis pas le seul mais c’est très très rare. Généralement c’est quand même des moments habités, mais il y a des jours où ça ne se passe pas.

ATD. La question que t’aimerais qu’on te pose mais qu’on te pose jamais ?

Lionel. (rires) réflexion : c’est une bonne question. Je ne sais pas comment la tourner  mais en fait toute ma musique, la musique qui me trotte dans la tête, vient de mon enfance . J’aimerais bien pouvoir expliquer d’où vient la musique que j’entends, qui m’inspire et que je compose : que j’étais en bagnole avec mes parents, mon père roulait beaucoup en bagnole. On partait les deux mois de vacances d’été en voiture, il mettait des disques et je voyais ces paysages défiler en écoutant des artistes comme les Stranglers ou Janet, vraiment des trucs des années 80. Je contemplais tous ces paysages et je crois vraiment que ça m’a permis d’avoir toujours une image et un lieu géographique  associés à ce que je suis en train de composer.  Mais après c’est toi le journaliste donc je sais pas comment formuler ça (rire). Parfois j’ai envie de le dire.

ATD. (Rires) Tu y as répondu en même temps donc j’ai pas besoin de le faire !
Vous êtes belges, vous chantez en anglais, est-ce que c’est une obligation d’après toi aujourd’hui ? Vis-à-vis des différents langages qu’il y a juste en Belgique déjà ?

Lionel. Il y a, je pense, une habitude qui vient du fait que l’Anglais est la langue commune entre les trois régions mais son utilisation vient surtout de notre culture musicale. J’ai plus écouté les Beatles et des groupes anglophones en général que des artistes français. Et puis il y a le côté pratique qui est vraiment sympa, on a joué en Angleterre la semaine passée etc. Je trouve aussi que l’anglais est une langue très musicale. C’est un passeport presque indispensable aujourd’hui.

ATD.  À propos de chant et de paroles, sur Everest il y a plus de moments parlés que chantés par rapport aux précédents disques. Pourquoi ?

Lionel. Je crois que c’est un vieux fantasme de faire du spoken word, comme ça. Ça peut être lié à Gainsbourg, des trucs comme ça. C’est un truc que les musiciens aiment bien généralement même si ce n’est pas facile à faire. Ça permet de raconter une histoire de façon plus évidente peut-être, tu vois dès que tu adoptes ce ton, tu imposes presque à l’auditeur de faire plus attention aux paroles. Et on aimait cette idée de sortir en quelque sorte de la musique comme on la conçoit généralement pour n’être finalement plus qu’un lecteur. 

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« Aujourd’hui, il y a tellement de groupe dans tous les coins que sur le net c’est la guerre à celui qui saute le plus haut et qui fait « woohoo regardez j’ai fait une vidéo » »

ATD. Ok ! Si je veux allez en Belgique,  je vais où et quand ?!

Lionel. Alors tu peux allez à St-Gille, c’est un endroit de Brussels, où tu trouveras les artistes etc. Tu peux aller au Moeder Lambic, qui est un bar à Brussels. Tu y vas en hiver surtout,  ils ont 600 bières spéciales, là-bas, et je suis sur que tu passeras une bonne soirée (rires).

ATD. Je retiens ! Un morceau que vous, enfin toi avec les Girls, aimeriez reprendre ?

Lionel. Figure toi que je suis énormément fan d’un slow ultra classique qui s’appelle A Whiter Shade of Pale de Procol Harum qui est un groupe des années septante. Tu reconnaîtrais je pense si tu l’entendais. Mais bon c’est ultra classique et je n’arrive pas à les convaincre, ils ne veulent pas en faire une reprise (rires). 

ATD. Est-ce que vous allez jouer Short Song for a Short Mind ?

Lionel. Nan, on les joue quasi-toutes maintenant mais celle-là on ne l’a toujours pas remise sur pied.

ATD. Ok dommage, (« bas ouais » rires). Qu’est-ce que tu vas faire ce soir 2 minutes avant de monter sur scène ?

Lionel. Ça dépend, ça nous arrive de se faire un petit shot de whisky pour un peu se fouetter sinon on est ensemble, on traîne, les gens bougent, certains se tapent dans la main, c’est un peu en  »mode tribu ».

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ATD. Ok, vous avez sorti plutôt dans l’année l’EP Misses qui compte un remix électro de la chanson éponyme. Et ça contraste vachement avec le reste, pourquoi vous l’avez mis là ?

Lionel. Parce qu’on est super fan de ce gars qui s’appelle Cupp Cave, c’est un mec de Liège, une ville belge. Il n’est presque pas connu du grand public mais il l’est plus dans les milieux très pointus électro. C’était l’occasion de se faire plaisir. L’EP sortait pour le Disquaire Day donc tu peux faire un goodies, un truc vraiment cadeau. On savait que ça n’allait pas trop coller avec l’atmosphère de l’EP parce qu’il se démarque vraiment de l’ensemble c’est vrai. On s’est fait plaisir et on est super content du résultat.

ATD. Si toi, tu pouvais choisir n’importe qui pour remixer une de vos chansons, tu t’orienterais vers qui ?

Suit alors une discussion avec avec le batteur sur cette idée, qui apparaît avoir été souvent envisagée par le groupe. La bouche remplie de chips qu’il était venu chercher dans la loge, celui-ci mentionne Vitalic, proposition refusée assez nettement par Lionel. ’’Réflexion’’
Lionel. Peut-être des gens comme Air, ouais pourquoi pas, ou Aphex Twin mais ça devient directement trop expérimentale.

ATD. Tu penses que ça peut-être « trop » expérimentale ?

Lionel. Je sais pas ce qu’il en ferait, il le détruirait probablement un petit peu.  On est tous assez fan dans le groupe de ce gars, je ne sais pas c’est dur à dire. Pourquoi pas, ouais.

ATD. T’es plutôt Beatles ou Joy Division ?

Lionel. Plutôt Beatles.

ATD. Tu préfères Londres ou Brussels ?

Lionel. C’est marrant ça, on revient de Londres et je ne connais pas bien mais ça m’intrigue comme ville. Je dirais Londres.

ATD. Ouais Brussels c’est moyen ?

Lionel. C’est surtout que ça  fait longtemps que j’y vie mais c’est une super ville. Je crois que Brussels a un côté quand même plus chaleureux que Londres, à priori. Je ne connais pas bien la ville après.

ATD. Tarantino ou Woody Allen ?

Lionel. Tarantino.

ATD. Ça te fait pas chier de faire des interviews comme ça ?

Lionel. Non avec toi ça va mais généralement ouais (SMILE). Là aujourd’hui on en a eu sept, tu vois et, souvent, tu te répètes un peu. Et puis on a eu beaucoup depuis le mois de septembre aussi. Bas avec toi c’est cool mais parfois c’est vraiment (…) à cause du journaliste quoi (rires). Quand ils écrivent leurs questions à partir de la bio, tu te retrouves de plus en plus avec du journalisme de fait, quoi. Qu’on a été à la fret enregistré enfin, tu vois, c’est juste une espèce d’historique. Et puis il a encore des gens qui creuse vraiment. Mais je crois qu’il y a de moins en moins de temps, je discutais avec le type de Télérama qui disait que ça devenait rare de prendre 4h pour une interview, de boire des coups, etc… L’information devient de plus en plus concise et moins précise quelque part.

ATD. Et toi, tu regrettes ce côté justement, quand tu deviens un peu connu ou reconnu, où ça devient plus du business. Les mecs parlent de toi pour parler de toi sans chercher autre chose. D’où t’es toi ?

Lionel. Ca m’emmerde ouais. Nous notre truc même à notre niveau, on n’est pas un énorme groupe, ça s’est fatalement mécanisé un petit peu. Parce que ça fait 10 ans qu’on fait ça, qu’on a quand même une grosse équipe, puis il y a de la promo et de la promo sur de la promo alors qu’il ne se passe rien, c’est un jeu qu’on doit jouer.

ATD. Vous postez pas mal de mini-films sur vous, de petites vidéos. C’est de la promo ? Ou un plaisir ?

Lionel.  Un peu des deux. La véritable raison c’est qu’on a deux potes qui font ça super bien et qu’on aime bien qu’ils soient avec nous, c’est sympa à faire aussi. On avait déjà amorcé ça avec un DVD sorti il y a quelques années et on a voulu continuer. C’est une des véritables libertés qu’offre Internet. Avant, tu sortais un disque, tu tournais et, entre les deux, il ne se passait pas grand chose. Aujourd’hui tu peux sortir un inédit sur une vidéo à n’importe quel moment. C’est un outil plus malléable je trouve. Le net c’est assez cool pour ça. Après ça sert évidemment à attirer l’attention, les gens s’intéressent au groupe grâce à ses vidéos, si ça plait évidemment. C’est une des différences par rapport à avant, de nos jours un groupe doit toujours être en action. Il y a tellement de groupe dans tous les coins que, sur le net, c’est la guerre à celui qui saute le plus haut et qui fait « woohoo regardez j’ai fait une vidéo ». On t’oublie dès que tu ne fais plus parler de toi, vraiment rapidement. Nous on a du bol parce qu’on quand même une fanbase assez fidèle mais on le fait aussi pour cette raison-là, pour rester en contact.

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« Un groupe doit chercher à ouvrir une brèche sur quelque chose qui n’existe pas, à toucher à ce truc tellement étrange que tu sais que ça valait le coup d’avoir fait un groupe »

ATD. On a attendu 5 ans entre le premier et le deuxième et entre le deuxième et le troisième, on va attendre combien de temps avant le quatrième ?

Lionel. Je réponds plus parce qu’à chaque fois je réponds et ça foire (rires) donc maintenant on s’est dit qu’on dirait plus rien. En espérant que ça aille vite, tu vois je viens de le dire (rires).

ATD. Pourquoi t’espères que ça aille plus vite ?

Lionel. Parce que 4/5 ans entre chaque disque c’est un peu trop long je trouve, c’est la vie qui passe aussi, moi j’ai envie de baliser ma vide de disques, tu vois, et je préfère en avoir 10 à la fin que 4. Après, c’est vrai que ce temps nous a permis de faire des disques peut-être plus remplis que si on en sortait un tous les 2 ans. Mais les années entre les disques sont parfois neurasthéniques, donc il  ne se passe pas grand-chose. Ça fait trop d’inactivité. Il y des moments où l’on s’ennuie même si c’est un luxe de s’ennuyer.

ATD. Et la tournée c’est le contraire, tu voyages tout le temps tu joues t’as pas de temps, t’es crevé mais ça te branche plus ?

Lionel.  Ouais j’aime bien, vraiment. Il y a un moment où ça devient trop c’est sûr. Et puis après un certain temps, tout tourne tout seul, tu as toutes les ficelles, tu connais tout ton set par cœur.

ATD. Et ça ne dépend pas du public ?

Lionel. Ça peut dépendre du public mais je pense que fatalement tu construis une carapace, tu sais t’adapter à tout et tu te répètes parfois. C’est le problème, mais je crois qu’on gère pas mal ça, à priori on s’en sort bien. C’est une des raisons pour laquelle on met du temps entre les disques, on est crevé après les tournées, lassé aussi. Ça nous demande un an loin de ça pour pouvoir en profiter réellement quand on recommence, en tout cas nous on fonctionne comme ça

ATD. Ouais, après c’est peut-être parce que, enfin pour moi, quand j’vous vois, enfin tous les artistes, c’est un peu un truc exceptionnel et tu te dis que ça doit être génial à chaque fois mais comme tu dis, forcément, au bout de 5 mois où tu tournes, tu l’as fait hier tu vas le faire le lendemain, t’arrives sur scène, c’est comme quand je vais au boulot.

Lionel. Oui clairement, chez tous les musiciens que j’ai rencontrés, il y a des moments de lassitude qui peuvent être extrêmes parce que le public te demande toujours autant, il veut te voir t’amuser. C’est un public différent tous les soirs et tu ne peux pas être moins en forme que la vieille parce que tous les gens ont envie de vivre un moment unique, et moi aussi. Mais il y a des soirs où ça ne se passe pas.

ATD. En parlant de moments uniques. C’est quoi ton festival préféré ?

Lionel.  En France j’aime vraiment bien la Route du Rock à Saint-Malo et en Belgique nous on allait beaucoup au Pukklepop, c’était notre festival d’ado.

ATD. Ton plus beau concert ?

Lionel. À la Cigale, on venait de sortir notre 2ème disque et on a fait un concert à la cigale, c’était génial, je ne sais pas t’expliquer pourquoi c’est juste que les gens étaient complètement fous, on était super ému.

ATD. Je trouve, et je sais pas trop pourquoi, que votre musique s’approche par instant d’Arcade Fire, t’as écouté leur dernier disque ?

Lionel. Ouais, je viens de commencer à l’écouter et je l’aime assez. Je n’ai jamais été fan d’Arcade Fire, pour tout te dire, je n’ai jamais réussi à finir Funeral et c’est seulement avec The Suburbs et le dernier que j’ai vraiment accroché. Plus ils font des disques et plus ils m’intéressent. Je me demande parfois où ils veulent aller avec leur musique, c’est une question que je me pose souvent. Le mec est hyper charismatique, il a une super voix, ils ont tout pour eux, ça sonne bien, il y a des choses qui me plaisent et qui me parlent mais en même temps je me demande parfois où ils veulent en venir.

ATD. Pour toi ils doivent avoir un but ? Toi ce serait quoi à leur place ?

Lionel. Réflexion. Ouais c’est une bonne question. Moi il y a un truc qui m’attire dans la musique c’est l’étrangeté en fait, cette chanson qui, lorsque tu l’écoute, te procure une sensation bizarre, étrange. Quelque chose que tu n’as jamais entendu. Un malaise mais c’est négatif comme terme, il faut qu’il y ait un petit truc dans la musique. Je ne sais pas si tu connais Fever Ray (la chanteuse de The Knife, ndlr), elle est suédoise et elle a sorti une chanson il y a quelque années qui m’a vraiment provoquée ce truc et j’ai l’impression d’être dans une autre vie, un truc comme ça, ou de me souvenir d’un truc d’il y a 400 ans, c’est complètement surréaliste. Et je trouve que ça devrait toujours être le rôle d’un groupe, d’ouvrir une brèche sur quelque chose qui n’existe pas.

ATD. Expérimenter toujours plus ?

Lionel.  Ouais, suscité quelque chose, une émotion, n’importe quoi mais réveiller un peu les gens. Je ne sais pas, un petit truc que tu ouvres. C’est super dur à expliquer mais c’est vraiment un truc que j’aime bien, cette notion d’étrangeté et qu’on retrouve chez les groupes que j’aime.

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ATD. Et tu essayes de l’ouvrir comment cette brèche sur l’étrangeté avec les Girls ?

Lionel. Tu fais des chansons et tu fais des chansons, encore. Parfois ça vient. C’est très rare que ça se produise, je ne sais même pas si c’est déjà arrivé chez nous, de toucher à ce truc tellement étrange que tu sais que ça valait le coup d’avoir fait un groupe. Mais c’est ça que tu recherches donc, finalement, c’est pour cela que tu ne t’arrêtes jamais, c’est toujours un peu non-assouvi. C’est une notion importante chez pas mal de groupe je crois, c’est un truc qui permet de pérenniser, c’est l’assouvissement d’un fantasme que tu essayes toujours de reproduire même si tu n’y arrive jamais vraiment. Un idéal de musique d’une certaine façon.

ATD. De mes 21 ans, j’ai une impression que pas mal de gens semblent partager aujourd’hui que, contrairement à avant, ou en tout cas davantage, l’industrie de la musique pousse toujours plus vers la recherche de l’efficacité, faire un truc qui plait à tout le monde plutôt que vers cette recherche d’idéal.

Lionel. Ouais c’est clair, ça s’entend à la radio. Il n’y a plus aucune radio couillue même en Belgique, dans les grosses radios je précise. Nous, comme on ne passe pas des masses à la radio on s’en fout un petit peu quelque part, sur le disque il n’y a qu’une chanson dont a fait un format pop, c’est Not Dead, mais pour le reste du temps on ne compte même pas les minutes. Parce qu’il y a une espèce de charte de radio, après 50 secondes t’as le refrain qui arrive, tu ne peux plus avoir d’interlude. Et puis il faut que ce soit joyeux aussi. On a eu des problèmes avec Misses pour la radio parce qu’elle était trop plombante, il y a cette espèce de truc feel good, un peu aseptisé. C’est marrant parce que j’ai entendu une horreur de M. Pokora récemment, c’est Envole Moi le remix de Goldman et déjà, à l’époque, pour moi, Goldman c’était vraiment le truc aseptisé de la radio mais, quand tu entends le remix, à côté, l’original c’est un disque de Radiohead. Ouais, c’est vraiment  plat, tout synthétique. Bon je prends un extrême parce que M. Pokora c’est vraiment pas terrible (rires).

ATD. Et d’après toi, qu’est-ce qui pousse tous ces jeunes artistes vers ces trucs sans âmes,  à l’opposé d’Arcade Fire ?

Lionel. L’attrait du succès j’imagine, c’est vachement rare les groupes comme Arcade Fire qui défendent leur identité, je ne sais pas sur quoi tient leur truc quand j’y réfléchis. Ce n’est pas non plus radio enfin, tu vois, ça reste un truc un peu spé.

ATD. Qu’est-ce que je peux te souhaiter pour la suite ?

Lionel. Ce vieux cliché de profiter du temps présent, à chaque fois dès que je monte sur scène ou ailleurs. Parce qu’on râle aussi. Parfois tu montes sur scène et ça ne va pas t’es pas de bonne humeur, ça m’arrive d’y aller bougon. Et avec le temps je me dis vraiment que c’est pas cool en fait, j’ai quand même une putain de chance.

 

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Live-report

Devant un Trianon complet et au public aussi enthousiaste que varié, les Girls attaquent directement avec l’efficace Wars, dès les premières notes le public se déhanche et slam les paroles en rythme, introduction réussie et confirmation de la fidélité de la fanbase du groupe.

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© Crush Inside

Not Dead et son côté pop libère l’audience qui ne retient plus sa joie, saute frénétiquement et reprend en cœur le refrain.

S’en suit une alternance habile de morceaux anciens et récents, on rêve sur les nappes de claviers aériens de We Are the
Living
et l’on gesticule ridiculement mais avec plaisir sur Sun of the Sons. On explose de joie alors que le groupe entame une version magnifique de Casper et l’on se dit qu’on grimperait sans se poser de question l’Everest avec eux sur Summer Storm. En les voyants joués ses morceaux espacés de 10 ans, on réalise que si l’évolution musicale est claire, l’énergie et la façon de jouer chaque note comme la dernière reste la même.

Misses, ballade magnifiquement triste, on frissonne de plaisir lorsque le chanteur lâche le déjà mythique « You’ll always be young and amused », plus rien n’existe en cet instant que la voix vibrante d’Antoine et le riff sublime de guitare qui l’accompagne.

Alternances entre refrains survoltés, intenses et parenthèses salvatrices pour malmenées nos cordes vocales : Birthday Call. Le groupe n’est plus alors qu’une entité enflammée et transcendante. Liberté absolue.

Found in the Ground, respiration fraîche et parfaite entre la plongée fascinante en eaux troublantes que furent Organeum (très intéressante adaptation live) et This Fram Will End Up In Fire (on est toujours aussi accro à la deuxième partie). 

Joie dans nos cœur alors que résonne le riff magique de Flavor, on sait que c’est la dernière chanson, on sait surtout qu’elle va être folle. 8 minutes d’une intensité complètement dingue, soniquement et visuellement, entre instrumentale acérée et spoken words démentiels. Les membres livrent leurs dernières gouttent d’énergie devant un public en transe.

Preuve de la qualité du set, on ne croise sur la sortie qu’une multitude de sourires extatiques, encore béat du final de folie que les belges viennent d’offrir. Merci.


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