Aung San Suu Kyi n'avait cessé de le répéter ces dernières années suite aux libérations successives mais partielles de prisonniers d'opinion: “Tant qu'il y aura un seul prisonnier politique encore en prison, cela sera un prisonnier de trop!“
Et les militants démocrates avaient multiplié les actions en ce domaine avec les familles de prisonniers.
Cette fois, il semblerait bien - même si la prudence est toujours de mise dans ce pays qui a connu tant de revirements - que les tout derniers prisonniers d'opinion aient bien retrouvé leur liberté et leurs familles.
La liste des bonnes résolutions du Président Thein Sein pour la nouvelle année
Le Président Thein Sein, – mi-Gorbatchev, mi de Clerk –, avait déjà prévenu qu'il avait mis cette mesure dans sa liste des bonnes résolutions pour la nouvelle année.
Il a tenu promesse et a voulu frapper un grand coup à l'occasion du 66ème anniversaire de l'Indépendance de la Birmanie-Myanmar, ce 3 janvier, en signant un spectaculaire décret d'amnistie touchant pas moins de 7000 détenus, parmi lesquels les 50 derniers prisonniers d'opinion.
C'est à partir de 4 heures du matin, devant la prison d'Insein à Rangoun, qu'une foule nombreuse, composée de parents et d'amis, s'est massée aux grilles de cette maison d'arrêt de sinistre réputation, les uns chargés de vêtements, de cadeaux et de colliers de fleurs, les autres brandissant des branches de lauriers en signe de paix et de réconciliation.
Quand les tout premiers détenus sortent, des les cris de bonheur fusent, les larmes de joie coulent sur les visage, tous tombent dans les bras les uns des autres, s'embrassent, chantent, dansent au milieu de la place devant les grilles grandes ouvertes
Quand toutes les prisons du pays ouvrent leurs portes
500 détenus quittent la prison d'Insein, les uns après les autres, sous les hourras de la foule.
Parmi eux, Yan Naing Tun, militant pacifiste condamné à 9 mois de prison pour avoir participé à une marche pour la paix dans l'état Kachin. Il est heureux, il sourit, il veut parler, il cherche ses mots, enfin il dit, très ému: “Je respecte le Président pour avoir tenu sa promesse“
Les unes après les autres, toutes les prisons du pays vont à leur tour ouvrir leurs portes et des milliers de détenus vont en sortir. 199 de la prison de Mawlamyaing dans l'état Mon, 56 de Thaton, 71 de Pakoukku, 492 des trois prisons de Bago, 107 de la prison de Kawthaung et ainsi de suite à Dhawei, Myeik, Shinbhyushin, Myaungmya, Thayet, Hinthada, Meikhtila, Kentung, Myinchan...
Beau début d'année pour le peuple birman, militants politiques et détenus de droit commun mêlés!
“C'est un pas important“, reconnait David Mathieson de l’ONG Human Rigths Watch (HRW) interrogé par RFI. Bien sûr, ces dernières années, des prisonniers ont été relâchés pour apaiser l'opinion publique, mettre fin aux sanctions et attirer des investissements. Mais cette fois-ci, analyse-t-il, c'est en partie parce que le Président l'avait promis et aussi pour envoyer un signal à la société civile et aux militants birmans, pour leur dire que le gouvernement est sur la bonne voie.“
Ça, c'est fait! Etape suivante!
Le 11 décembre dernier, le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits humains en Birmanie-Myanmar, Tomás Ojea Quintana, avait déjà, lui aussi, salué le processus en marche. “ Lorsque je pense qu'au début de mon mandat, avait-il déclaré lors d'une conférence de presse aux Nations Unies, il y avait plus de 1.900 prisonniers politiques, je constate que des progrès considérables ont été réalisés.”
Au siège de la Ligue Nationale pour la Démocratie, on ne boude pas sa joie. Les Birmans savent se réjouir et fêter toute bonne nouvelle. Les victoires sont dures à arracher et l'on se doit de les saluer et de les accueillir positivement et dans la joie.
Pas question pour autant de se démobiliser. Bien au contraire. D'abord les militants démocrates vont vérifier, à travers tout le pays, si certains militants politiques n'auraient pas été “oubliés” dans telle ou telle prison.
Ensuite, ils vont continuer à se battre de toutes leurs forces, jour après jour et heure après heure afin que la Constitution soit amendée et qu'Aung San Suu Kyi puisse réellement se présenter aux élections de 2015 alors que la loi de l'ex-junte l'en empêche toujours.
“Pour faire la Paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi”
Le Parlement doit statuer le 13 janvier là-dessus. L'armée hésite. Elle a peur. D'Aung San Suu Kyi, bien sûr. Mais de la démocratie, surtout.
Si l'armée perd ses pouvoirs, à quelle sauce risque-t-elle d'être mangée?
La Dame de Rangoun tente de la rassurer. Sur deux tableaux. D'abord elle est la fille du général Aung San, militaire démocrate et libérateur de la Birmanie. Ensuite, elle est une irréductible disciple de Gandhi et la soeur spirituelle de Nelson Mandela. “Pour faire la Paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, avait coutume de dire Madiba, et cet ennemi devient alors votre associé“.
L'oubli des souffrances du passé, non. Mais le pardon et la page tournée, oui.
L' Occident, empêtré dans sa culture dominante de la “violence libératrice” et des condamnations ad vitam aeternam et souvent dans l'ignorance du concept de “résistance non-violente” qu'il confond avec “lacheté, voire même ”trahison” ou ”reniement”, a du mal à suivre et à comprendre.
“Mais il faut savoir guérir les plaies du passé, expliquait encore le sage Nelson et permettre à nos ennemis d'hier de vivre ensemble avec nous. On doit se dire les vérités mais sans faire de règlements de compte, pour le bonheur de la Réconciliation“.
Nelson Mandela y est parvenu en Afrique du Sud. Aung San Suu Kyi veut le faire en Birmanie.
Elle y croit. Et le peuple birman dans sa quasi totalité y croit avec elle!
Alors, place à l'espoir! Et we sall overcome!
Pierre MARTIAL - Ecrivain-journaliste
Président et rédacteur en chef de France Aung San Suu Kyi
Aung San Suu Kyi, site français d'information et de soutien à Aung San Suu Kyi et à la Birmanie / Myanmar