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Kurt Gödel et surtout son épouse

Par Pmalgachie @pmalgachie
Kurt Gödel et surtout son épouse Le théorème de complétude est un sujet peu abordé dans les dîners en ville. Sauf quand ils rassemblent, à Princeton, Albert Einstein et d’autres scientifiques, parmi lesquels Kurt Gödel qui en avait fait, en 1929, son sujet de thèse. Il n’est pas besoin de l’avoir compris pour connaître le bonheur de lire La déesse des petites victoires, un premier roman aussi ambitieux qu’accessible – il a d’ailleurs reçu le Prix des Libraires. S’il y est question des recherches de Gödel, Yannick Grannec les aborde de biais et avec la curiosité de celle qui n’avait elle-même pas tout saisi, comme elle nous l’explique : « J’ai rencontré l’étrange monsieur Gödel à dix-huit ans, quand le fameux Gödel, Escher Bach m’est tombé entre les mains. Et des mains, puisque ce livre fabuleux était particulièrement ardu ! Il y a cinq ou six ans, j’ai lu un essai sur l’œuvre de Kurt Gödel, puis un autre. Dans chacun, sa femme Adèle y était à peine mentionnée et en termes pas toujours flatteurs. J’ai eu une intuition, celle d’une belle et intense histoire à raconter. Une histoire d’amour de près de 50 ans entre un génie des mathématiques et une petite danseuse. Et à travers elle, toute l’histoire scientifique du 20e siècle. » Cherchez donc la femme… ou plutôt les femmes. Anna Roth, documentaliste, est chargée de convaincre Adèle Gödel, dans sa maison de retraite, de léguer à l’Institute for Advanced Studies de Princeton les archives laissées par son mari. La rencontre entre la jeune femme et la veuve de 80 ans est celle de deux caractères entiers qui mettront du temps à s’accorder et à trouver une complicité inattendue. Elle est aussi le point de départ d’un double récit : celui d’Adèle qui raconte le passé et celui d’Anna qui vit au présent. La structure s’est imposée : « Dès le début. Le personnage fictif d’Anna Roth, “celle qui écoute”, était nécessaire pour faire parler Adèle et éclairer plus particulièrement la réaction des Gödel à la montée du nazisme. Elle me permettait aussi d’alléger le récit, d’amener un peu de fraîcheur. Les passages historiques et scientifiques étant très documentés, parfois compliqués à écrire, la relation entre les deux femmes est devenue la “récréation narrative” que je m’accordais pour souffler. Et puis Anna a pris corps, elle a refusé de n’être qu’un faire-valoir. Elle a réclamé sa propre histoire. Et ce que personnage veut… » La relation entre Adèle et Anna constitue la colonne vertébrale d’un livre où chaque élément est à sa place, les scientifiques apportant non seulement une réflexion sur la connaissance mais aussi des moments de drôlerie qu’Einstein n’est pas le dernier à susciter. Quant à l’aventure du premier roman, Yannick Grannec l’a vécue intensément, jusqu’aux excellents échos qui l’accueillent : « Tous ces moments sont fabuleux, émouvants et je range ces souvenirs bien au chaud pour des jours moins cléments. Mais l’écriture de La déesse des petites victoires a été un marathon solitaire de quatre ans. Avec quelques belles périodes de vrai « flow » et pas mal de grands moments de doutes. Alors, quand j’ai entendu au téléphone une voix inconnue me dire « je veux vous publier ». Oui, c’était peut-être le moment le plus intense. Le doute disparaissait enfin pour un instant. Pour un instant seulement. »

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