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Mulholland Drive

Publié le 06 janvier 2014 par Olivier Walmacq

Une actrice amnésique est retrouvée par une actrice débutante après un accident. Cette dernière est en passe de devenir une star en tournant dans un film mystérieux...

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La critique nébuleuse de Borat

Après son passage chez Disney, David Lynch a une envie de série et quand on se souvient de Twin Peaks, on ne peut que rester pantoi. Mais le paf ricain à changer: les networks vont commencer à enchaîner les séries policières et vont petit à petit laisser tomber certains projets plus ambitieux et surtout, le câble commence à émerger avec en tête de file la chaîne HBO qui envoie Les Soprano et Sex and the city en pleine tronche des téléspectateurs. On pourrait alors penser que Lynch serait plutôt aller sur une chaîne comme HBO, mais il retrouve tout de même ABC. Le pilote est tourné en 1999 avec Naomi Watts (encore totalement inconnue), Linda Harring, Justin Theroux, Robert Forster, Michael J Anderson et Melissa George; mais ABC n'est pas convaincu du tout que ce soit par le contenu (trop complexe) ou par la durée (2h30 selon les estimations). Studio Canal et Alain Sarde (qui avait déjà produit Une histoire vraie) permet au cinéaste de conserver les rushs de son pilote et de tourner certaines scènes supplémentaires. Lorsqu'il est présenté à Cannes en 2001, Mulholland Drive fait sensation et obtient le Prix de la mise en scène et le réalisateur obtiendra sa troisième nomination aux Oscars après Elephant man et Sailor et Lula.

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Pour un cinéaste aussi atypique qui a plus d'une fois batailler pour financer ses films (on pense à son projet Ronnie Rocket dont il n'a jamais réussi à avoir des financements), avoir des nominations de ce type relève du prestige le plus total. Plus encore que d'avoir la récompense. Mulholland Drive a une réputation d'oeuvre inaccessible, avec une fin qui pose à confusion avec diverses interprétations... Sauf que bon, tout ceci est un peu faux. Même si ce film est complexe et prend à confusion le spectateur plus d'une fois, Mulholland Drive reste le film compliqué le plus accessible de Lynch. En comparaison par exemple d'Inland Empire (je n'ai pas vu encore Eraserhead et Lost highway, je prend le plus compliqué pour l'instant), c'est vraiment du petit lait mais pour sûr, Mulholland Drive désarçonera ceux qui ne sont pas habitué au travail de Lynch et ce n'est pas un de ceux à voir en premier si on veut se familiariser avec le personnage. Comme pour Inland Empire, le DVD de Studio Canal selon la volonté de Lynch propose le film sans chapitrage, histoire de forcer le spectateur à regarder tout d'un coup ou d'opter pour l'avance-rapide. Une pratique qui permet de rester scotcher au film le plus longtemps possible et de s'immiscer un peu plus dans l'intrigue.

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Le film commence par un accident avec une actrice incarnée par Linda Harring. Ses gardes-du-corps cherchent à la tuer quand une voiture dégomme la limousine avec fracas. On trouvera ensuite l'actrice avec une autre incarnée par Naomi Watts. Par la suite, on comprendra que différents éléments précédents nous ammènent indéniablement à une critique d'Hollywood comme seul Lynch pouvait le faire. Les réunions sont froides avec ceux qu'on appelle "les costumes-cravates" qui gèrent tout et ne laissent pas de champ pour le réalisateur incarné par Justin Theroux. Le réalisateur n'a droit à quasiment aucune décision face aux gros bonnets qui ont les mains pleines et compte bien utiliser le réalisateur comme une marionnette prête à travailler contre la rançon de la gloire. A l'image de ce que Lynch peut avoir eu avec les "non" des studios, il montre ici l'hypocrisie du final cut qui lui a tant fait défaut sur un film comme Dune. Dix-huit ans après, il revient donc à la charge mais garde évidemment du mystère. Ainsi, nos grands patrons (dont le grand patron n'est autre que Michael J Anderson, l'homme de la chambre rouge de la série Twin Peaks) décident d'avoir une actrice unique en son genre, l'Actrice comme on dit. 

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Curieusement, ils trouvent facilement l'actrice avec Watts qui plus est après une audition pour le moins douteuse où un vieil acteur doit lui donner la réplique de manière collante. Hollywood apparaît comme un monde superficiel où tout est régi par l'apparence et le pouvoir et certainement pas le talent. C'est ce que montre Lynch plus d'une fois au cours de son métrage et ce malgré que ce ne soit pas son propos initial. On comprend peut être mieux le fait qu'ABC n'en a pas voulu: à force de dégommer le système qui l'emploie, le système critiqué laisserait-il toujours autant de privilèges au critiqueur? C'est rarement arrivé récemment en dehors peut être de Tropic Thunder qui dégommait le système par l'humour. Comme souvent, Lynch insère quelques scènes qui n'ont pas forcément de sens comme cette apparition derrière un parking qui n'apporte rien au film, mais confirme le caractère OFNI du film. Le scénario s'accentue sur la recherche d'identité d'Harring et cela passera par une chambre spécifique. (attention spoilers) A partir de ce moment, c'est la partie que beaucoup n'ont pas saisi ou compris sur le coup. Lynch prend le spectateur au dépourvu par un fondu-enchaîné obtenu depuis l'objet ramassé par Harring pour un flashback racontant ce qui s'est passé avec la femme morte retrouvée dans l'appartement.

Mais le réalisateur est malin et pour embrouiller encore plus le spectateur dans son odyssée hollywoodienne, il donne le visage de Watts à la morte. Une confusion qui laissera plus d'un spectateur sur le carreau, mais qui correspond totalement à l'univers de Lynch. Vu que ces deux femmes ont aimé le personnage d'Harring, pourquoi ne pas leur donner le même visage? J'ai parlé ci-dessus de la critique d'Hollywood dans le reste du film, mais là nous avons le phénomène significatif de l'actrice que personne ne veut plus et qui s'y perd. Le type d'acteur ou actrice qui a mal-fini et au vue de la blondeur du personnage, la métaphore autour de Marilyn Monroe n'est pas fortuite. Le look de Laura Harring en blonde y renvoie d'ailleurs plus que Watts. En sachant que les rares apparitions de Melissa George (mais très remarquée preuve en est avec la dernière photo) renvoient à la "blonde hitchcockienne". (fin des spoilers) Watts se cherche encore dans le jeu et sera plus à l'aise dans Le cercle ou 21 grammes. En revanche, Harring tape à l'oeil dès les premiers instants et ses scènes d'amour avec Watts ne sont jamais vulgaires mais incroyablement sensuelles. De toutes manières, Lynch a toujours été délicat pour ce genre de scènes alors cela ne va pas changer ici (cf Sailor et Lula).

Un puzzle enivrant qui devient vite une satire virulente d'Hollywood.

Note: 18/20


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