Je vois un ciel romantique aux couleurs de la passion. Des éclats de lumière fendent l’horizon et donnent une profondeur à ce plat paysage. C’est un attachement profond à ma région natale qui m’incite à peindre cette scène flamboyante du lac Saint-Jean. L’amour ensorcelle.
La nature guide mes coups de pinceau, justifie les nuances. L’île à Dumais occupe une place limitée dans l’aquarelle, car sa réalité repose entre deux espaces. C’est l’ensemble des éléments de terre et d’eau qui nous invite dans un monde merveilleux. Au premier plan du tableau, des goélands argentés volent en toutes directions : la liberté dans sa plus simple expression.
Vers la fin des années 1800, à Chambord, village du Lac-Saint-Jean, vivait un homme d’exception : Pascal-Horace Dumais. Pratiquant le métier d’arpenteur, il relevait les cours d’eau. Cet amant des grands espaces savait remonter à la source ; il possédait un sens aigu de l’observation. Il a aussi habité l’île, qui porte aujourd’hui son nom.
La faune le captivait, particulièrement les oiseaux. L’île en abrite encore à ce jour des dizaines d’espèces. J’ai marché sur cette parcelle de terre d’une centaine d’acres, je me suis imprégnée de l’atmosphère paradisiaque. J’imagine facilement M. Dumais portant un chapeau à grands rebords, crayon de bois et carnet à la main, prenant des notes sur les différentes caractéristiques des volatiles. À l’intérieur de son livre aux pages ondulées, se trouvait peut-être des états d’âme ou des constatations intéressantes : « 5 septembre 1876, les oiseaux migrateurs se préparent à quitter vers le Sud. Ils se gavent de plantes aquatiques et se reposent. J’ai approché une outarde, qui s’est laissée charmer, si bien que j’ai pu l’attraper à l’aide d’un filet à pêche. Je lui enfilai une bague à une patte et la laissai repartir. Je souhaite la retrouver au printemps… C’est à savoir si elle reviendra ? Je pense que oui, je la reverrai, car c’est toujours agréable de rentrer chez soi après un long voyage. Mon élevage de pigeons se porte bien, j’en ai recensé plus de trois cents. J’apprécie leur présence. Le soir venu, je confonds leur roucoulement au son des vagues s’échouant sur la berge. Nous sommes bien. Ici, c’est la plénitude, je me sens vivre. »
Écrivain à ses heures, je n’ai pas eu le privilège de le lire. Il est fort probable qu’il se laissait inspirer par le lac : source d’énergie, eau douce cristalline, stagnante ou déchaînée. Et, tout comme moi qui vit à proximité de l’île, se laissait-il emporter par le parfum des roses sauvages ? Son âme sensible à la beauté se reflétait sans doute dans sa façon de manier la plume.
Virginie Tanguay