L'inconscience

« L’inconscience »

HESSE Thierry

(L’Olivier)

Le Lecteur est redevable à Thierry Hesse de l’avoir guidé dans la visite de deux villes qui lui furent autrefois familières. Metz où son oncle Paul lui fit découvrir les saveurs des choucroutes que l’on vous servait si copieuses dans les brasseries du centre ville et (ou ?) du quartier de la gare. Toul, où lui, le Lecteur, effectua une partie de son service militaire (avant que d’être transféré à Verdun en raison de ses accointances avec les bolcheviques et donc les risques qu’il était donc censé faire courir au moral de l’armée française au presque lendemain de sa déroute algérienne).

Ceci précisé, voilà un roman qui le tint en haleine, lui, le vieux Lecteur qu’ennuient et désespèrent des oeuvrettes nombriliennes si communes à tant de membres de la société littéraire franchouillarde. Thierry Hesse installe ses personnages entre Metz et Toul, soit donc en Lorraine, une région désormais sinistrée. Mais une région qui connut des moments beaucoup plus fastes. Dont ceux de l’immédiat après guerre (la Seconde), lorsque, par exemple, fut créée par un immigré italien une vraie mutuelle au sein de laquelle oeuvrait Carl, un jeune cadre compétent. Carl, un peu mieux installé que ne l’avaient été ses parents. Doté d’un frère vaguement bohême, Marcus, qui lui s’est finalement installé à Roubaix où il enseigne la sociologie.

Les deux frères cohabitent plutôt normalement jusqu’au moment du décès de leur père dont l’héritage ne les laisse pas démunis. Mais c’est aussi en cette période-là que la crise exerce ses ravages. La vieille mutuelle quasi familiale périclite. Pour la sauver du désastre est embauché par le fils du fondateur un jeune loup aux dents longues qui n’a de cesse de dévoyer Carl et de l’entraîner dans une aventure insensée. Jusqu’au jour du mystérieux accident lors duquel Carl chute depuis la fenêtre de son bureau sur le trottoir. Avec des conséquences irréparables et en tout premier lieu un coma probablement irréversible, en dépit du combat acharné que mène Gladys, l’épouse de Carl.

Thierry Hesse réalise un exploit difficile : juxtaposer à un roman « social » (plus que « sociétal ») une intrigue qui entremêle la vie de deux frères avec tout ce qu’il faut de secrets familiaux, leurs vies sociales et affectives avec tout ce qu’il faut de ces mystères qui, en principe, ne se racontent pas. Une heureuse découverte pour un lecteur parfois inattentif puisque ce roman fut publié en 2012.