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Sombre dimanche, d'Alice Zeniter

Par Sijetaisdeboutsurmatete

Sombre dimanche est une vieille chanson hongroise dont la légende dit qu'elle fut interdite car elle poussait les gens au suicide. Alice Zeniter, lauréate du livre Inter 2013, a emprunté ce titre pour son dernier livre, un roman initiatique qui cache sa mélancolie sous une délicate poésie.
Au bord des rails, les générations d'Imre se succèdent. Le dernier en date rêve de sortir du circuit fermé que lui impose son histoire familiale : les Mandy vivent tous dans cette vieille maison entourée des déchets des voyageurs, travaillent tous en gare centrale et, d'une façon ou d'une autre, perdent les femmes qui les entourent, sœurs, mères et épouses.
Sombre dimanche, d'Alice ZeniterJeune homme, Imre n'a pas perdu son appétence au rêve et son flegme d'enfant. Les blondes californiennes qu'il caresse dans ses songes, il ne saurait y prétendre sérieusement. Ironie du sort, ses errances dans Budapest mèneront ce romantique vers des aventures bien éloignées de ses aspirations : fantasmes aux bains sur une sexagénaire, emploi de vendeur dans un sex-shop, cohabitation avec sa sœur et son père. Son ami d'enfance, Z., est son exact contraire : on lit sa réussite sur son costume, les critiques littéraires l'adulent.
Les Hongrois, ce peuple de ratés, ne savent pas être heureux rappelle sans cesse ce bougon d'Imre, l'autre, le vieux, le grand-père à la jambe défoncée par Staline. A l'image de ce grand-père, les personnages de Sombre dimanche trimbalent tous une indécrottable mélancolie que la chute du Mur, attendue comme le Messie, n'a pas chassée. Le roman, pour autant, n'est pas si sombre, l'on ne s'y suicide pas à la fin de la lecture, plus légère qu'annoncée : conscients de leurs inaptitude au bonheur, Imre et les siens s'avèrent attachants car doués pour l'autodérision. Si Z. est le poète professionnel de l'histoire, Imre, qui jamais n'écrit, est l'(anti-)héros qui agit véritablement en artiste, soucieux à chaque instant d'adoucir la vie.
Alice Zeniter elle-même résume son livre ainsi : "Mon Dieu ce qu'une vie humaine peut être riche et insignifiante tout à la fois." Lorsque l'on referme Sombre dimanche, Imre s'est envolé, avec tous les sujets que la jeune romancière (26 ans) a voulu traiter : le passage de l'enfance à l'âge adulte, la famille, la chute du Mur. Ne reste que la délicate poésie avec laquelle le lecteur s'est rassérénée pour éponger son impression de vacuité.  

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