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Dieudonné interdit : le débat continue

Publié le 11 janvier 2014 par Vindex @BloggActualite
Bonjours à tous
Après des rebondissements juridiques et politiques multiples, Manuel Valls a fini par gagner son bras de fer avec le petit comique qui ne fait rire personne, Dieudonné. Bien qu'il paraissait difficile d'interdire l'humoriste de spectacle, le conseil d'Etat a fini par déjuger le Tribunal Administratif de Nantes en un temps très court. Quelque soit la cause de cette interdiction rapide, il semble que le débat continue et celui ci est d'autant plus intéressant mais complexe car la décision est enfin rendue (mais pas pour autant simple). Nous allons essayer, en quelques vidéos, de voir quels sont les arguments de ceux qui sont pour l'interdiction et de ceux qui sont contre celle-ci. Cela peut permettre de se forger une opinion personnelle, intermédiaire, entre des avis parfois très tranchés ou conformes à du prêt à penser. 

Le premier débat que l'on peut montrer oppose Alain Finkelkraut (philosophe, pour l'interdiction) au dessinateur Plantu (contre l'interdiction). Dans ce débat assez tendu, il est question de plusieurs choses : la nature des propos de Dieudonné (simples provocations ou programme politique ?), de la nature de ses interventions (spectacles humoristiques ou provocations antisémites et négationnistes ?), des limites à la liberté de penser ou encore de la façon de procéder (fallait-il faire intervenir la justice administrative ?). Dans une posture très Voltairienne, Plantu défend la liberté d'expression sans pour autant exprimer son accord avec Dieudonné. Il donne une vision assez originale de cette affaire, mais tombe parfois dans des comparaisons un peu futiles et qui n'ont plus grand rapport avec le sujet initial, comme le dit son adversaire. Il fait aussi des liens entre cette affaire et le combat qu'il mène dans le monde pour la liberté des dessinateurs critiques. Il pense que la critique, l'humour, la provocation, peut amener à réfléchir, à débattre et réconcilier des camps opposés (il parle notamment beaucoup du conflit Israélo-Palestinien). Alain Finkelkraut adopte lui des arguments plus classiques des pro-interdiction (le fait que Dieudonné est antisémite, que ses spectacles sont des meetings, qu'il est récidivistes dans sa haine à l'égard des juifs). Un point important aurait pu être plus développé cependant. En effet, lorsque Plantu dit que Dieudonné se moque de toutes les religions et de toutes les minorités dans ses spectacles, Finkelkraut répond qu'il ne se moque pas des juifs en tant que religion mais en tant que peuple. C'est ce point discutable qui n'a pas été suffisamment élucidé et qui pourtant pourrait permettre de trancher certains choses. 
http://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/eric-naulleau-critique-l-hysterie-42722
Le deuxième débat eu lieu sur BFM TV entre Eric Naulleau, Thomas Wieder et Anne-Constance Coll. Ce débat avait un sens différent : il a plus décortiqué l'affaire au niveau juridique, politique et médiatique, sans expliquer forcément en détail pourquoi il fallait (ou pourquoi il ne fallait pas) interdire Dieudonné. Selon Eric Naulleau, cette affaire fut beaucoup trop prise à coeur par le pouvoir politique qui a usé de procédure très poussée. En effet, il rappelle que la dernière fois que le conseil d'Etat a agit aussi vite, c'était en 1962 concernant une peine de mort... De même, il pense que le pouvoir a fait oublié les autres maux plus graves qui touchent la France actuellement et surexposé une affaires d'hommes dans laquelle le ministre n'a pas pu "perdre la face". On peut rajouter à cela que les médias ont bien participé à l'amplification du phénomène Dieudonné ces dernières semaines. Naulleau pense aussi que cette "victoire" du ministre de l'Intérieur peut renforcer le populisme puisqu'elle s'est faite par de grands moyens (une sorte de victoire à la Pyrrhus). Concernant la décision juridique, il met le doigt sur un aspect important de la liberté d'expression : habituellement, la condamnation se fait a posteriori (c'est à dire après d'éventuels propos) alors que cette fois-ci et de façon exceptionnelle, elle s'est faite a priori. Il rappelle aussi que les moyens juridiques de condamnation existaient déjà et auraient pu encore être employés a posteriori pour condamner Dieudonné en cas de propos délictueux, comme cela avait déjà été le cas par le passé. Le journaliste de BFM TV évoque aussi l'émergence d'une nouvelle jurisprudence avec cet arrêté fondé sur la dignité humaine : cela pourrait peut-être amener à l'interdiction d'autres humoristes si la dignité humaine est moquée. Mais ou s'arrête t-elle et ou commence t-elle constate Anne Constance Coll... Le recourt juridique pourrait être de plus en plus important et Eric Naulleau prend l'exemple de Patrick Timsit qui a dans ses spectacles peut aussi être très provocateur avec la communauté portugaise. 
Le même soir, BFM TV poursuit le débat avec les hommes politiques (Nicolas Dupont-Aignan pour Debout La République, François Kalfon pour le PS). http://www.agoravox.tv/actualites/politique/article/nicolas-dupont-aignan-fait-de-la-42721On retrouve des arguments similaires avec en plus le fait que l'on ne peut considérer Dieudonné comme un humoriste et qu'il ne peut donc être traité de la même manière sur la liberté d'expression. Cet argument pose toutefois un problème : comment déclarer objectivement qui est humoriste et qui ne l'est pas sachant que l'humour est très subjectif... C'est d'ailleurs cette subjectivité de l'humour qui rend ambigus les propos de Dieudonné sur les juifs (provocations, humour ou haine ?). On retrouve aussi quelques éléments juridiques sur la rapidité de la décision du Conseil d'Etat grâce à Anne Constance Coll qui évoque son scepticisme sur cette rapidité. 
http://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/ca-se-dispute-i-tele-10-janvier-42740
Débat suivant, comme souvent Zemmour et Domenach débattent sur I-Télé dans "ça se dispute" de l'affaire Dieudonné. Dans ce débat il existe une autre dimension au débat puisqu'il est question de l’amalgame fait par le Nouvel Observateur entre Soral, Dieudonné et Zemmour. Encore une fois ressort l'exagération du sujet Dieudonné qui est le fruit (selon Eric Zemmour) de Manuel Valls. Eric Zemmour pense que la décision du conseil d'Etat est politique. Mais Nicolas Domenach réplique en faisant remonter le problème Dieudonné à plus loin dans le temps. Mais la victoire selon Zemmour n'est pas pour Valls qui a plutôt fait la publicité de Dieudonné qu'autre chose. Ce qui est intéressant aussi c'est que Zemmour explique les objectifs de la "mouvance" de Dieudonné et les origines de sa critique anti-sioniste (antisémite pour certains), c'est à dire une concurrence mémorielle (à voir plus en détail dans la vidéo). Enfin, le débat finit par des commentaires sur l'antisémitisme de Dieudonné et sur une remarque intéressante d'Eric Zemmour qui ne fait pas de différence entre les idées politiques et l'humour des humoristes. 
http://www.dailymotion.com/video/x19i832_ce-soir-ou-jamais-l-affaire-dieudonne-10-janvier-2014-partie-1_news?start=3
Dernière vidéo à voir, le débat du 10 janvier sur le plateau de l'émission "Ce Soir Ou Jamais" (qui avait déjà par le passé invité Dieudonné) où l'on discutait de l'interdiction de l'humoriste. Toutes les dimensions de l'affaire reviennent dans ce débat : la méthode juridique, le parcours de Dieudonné, l'antisémitisme, les médias et les politiques dans cette affaire... C'est sans doute le débat le plus riche et le plus poussé sur cette affaire, et on y voit tous les arguments (ou presque) pour et contre l'interdiction. Il se déroule en trois parties.  
La décision du Conseil d'Etat est donc tombée. Mais cette affaire n'a pas fini de faire jaser. Sur de nombreux point, elle constitue une nouveauté : -Comme le dit Eric Zemmour, Valls, les politiques et les médias ont "nationalisé" Dieudonné et sa quenelle. Presque plus personne n'ignore en France qui est Dieudonné. Cette affaire retentit même dans d'autres pays au monde. Dieudonné est donc un nouveau héros de l'antisystème et fédère avec lui de plus en plus de monde. Son statut d'humoriste lui permet de "ratisser large", beaucoup plus facilement que certains politiques. On peut même le comparer à Beppe Grillo qui en Italie avait fédéré le mécontentement populaire-Cela fait très longtemps que le Conseil d'Etat n'avait pas rendu une décision aussi rapide. On peut dire que la dimension politico-médiatique de l'affaire a joué un rôle. Médiatiquement, une telle affaire déchaîne plus encore les passions que des maux plus graves pour la France (le chômage par exemple). -Au niveau juridique, la décision pourrait changer la façon de traiter des affaires de liberté d'expression concernant les spectacles humoristiques. La nouvelle jurisprudence instaure en effet un façon d'interdire a priori et non plus a posteriori comme il est de tradition. Elle instaure également à nouveau la notion de dignité humaine qu'il faudra sans doute clarifier. -Enfin, ce n'est pas une nouveauté, mais cette affaire a probablement encore renforcé la concurrence des mémoires et des communautarismes. 
Le fait d'avoir interdit Dieudonné est sans doute un mauvais choix politique. Transformé en héros, médiatisé, il ne faut pas négliger l'impact politique que cela peut avoir. Car rappelons que celui-ci s'est déjà présenté  des élections politiques (en 2009 aux européennes). Si jamais l'idée lui revenait, nul doute que son score serait très gênant pour les politiques. 
Vin DEX

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