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Rencontre avec Michaël Boumendil

Publié le 13 janvier 2014 par Jeanne Walton

Michaël Boumendil, Directeur de Création et Président-Fondateur de l’agence Sixième Son, est un passionné de marques et de musique. Aujourd’hui leader sur le secteur du design musical en Europe, il livre un constat sans concession du métier qu’il a créé il y a bientôt 20 ans.

1) Selon vous, jusqu’à quel point la musique d’une publicité peut-elle avoir de l’impact sur l’image d’une marque ?

Ce n’est pas moi qu’il l’ait dit en premier mais un célèbre publicitaire français : la musique c’est 50% de la réussite d’un film publicitaire. Logiquement, c’est un élément qui contribue beaucoup à l’image d’une marque. La question essentielle réside dans la nature de cette contribution. La musique est un élément dont la capacité d’impact et de sens est d’une puissance remarquable mais beaucoup de marques ne savent pas quoi en faire. Il est surprenant de voir à quel point le potentiel de la musique comme vecteur d’influence est sous-exploité. Cela fait le bonheur des Brand Managers et des directeurs de la communication qui ont, sur ces sujets, plus de maturité que les autres. Leur capacité de différenciation s’en trouve naturellement décuplée.

2) Beaucoup d’annonceurs ont le sentiment que les agences de publicité ne tirent pas suffisamment profit de la musique pour les marques. Qu’en pensez-vous ?

J’entends ça souvent mais je ne jetterais pas la pierre aux agences. De mon point de vue, il y a deux sujets. Dans leur écrasante majorité, les agences de publicité ont une culture visuelle qui domine tout. La musique est souvent là pour servir, non pas la marque, mais le visuel dont il n’est qu’un élément d’illustration. Cela limite donc sa contribution mais bon nombre d’agences en prennent conscience et celles, de plus en plus nombreuses, qui viennent nous chercher, le font avec la volonté d’enrichir leur approche et de sortir la musique de son rôle accessoire. Cette approche pragmatique et intelligente nécessite pour fonctionner qu’un peu de temps et d’argent y soient consacrés. L’autre sujet est pour moi issu d’un malentendu. Les annonceurs demandent essentiellement à leurs agences de publicité de s’occuper… de leur publicité. Or, l’enjeu d’une marque ne se limite pas à sa publicité. En matière d’identité, il est indéniable que la publicité contribue à la construction d’une image de marque mais elle est très loin d’être le seul contributeur. L’identité d’une marque, sa conception, sa définition, ne relèvent pas du métier publicitaire. Son déploiement, sous l’angle musical, se fait sur des supports hors médias qui ne concernent que rarement l’agence de publicité. Cette lacune, que dénoncent beaucoup d’annonceurs, est facile à combler si l’on veut bien admettre que la question de l’identité sonore d’une marque relève d’une expertise qui n’est pas celle du publicitaire mais qu’elle peut et doit fonctionner en synergie avec lui.

3) Quelle est la marque de fabrique de Sixième Son ?

Je crois que le marché connait bien notre marque de fabrique. Sixième Son, c’est une expertise qui emprunte autant au monde du branding, de la communication de la marque qu’au monde de la musique. Nous ne sommes pas des artistes, nous sommes des artisans au service de la valorisation des marques qui nous sont confiées. L’autre élément clé, c’est que nous sommes entièrement tournés vers la création d’avantages concurrentiels au service de nos clients. C’est quasiment une garantie Sixième Son. Cela veut dire que notre démarche relève à la fois du conseil, de la création et d’un déploiement réussi et performant. On nous parle beaucoup des grandes réalisations de l’agence, mais qu’elles soient connues ou moins connues, toutes nos réalisations veillent à la mise en œuvre de programmes d’identité sonore zéro défaut.

4) Est-ce que, d’après vous, cela permet aux marques de réussir dans le domaine de l’identité sonore ?

J’en suis persuadé. La réussite de Sixième Son n’est pas uniquement liée à notre talent créatif. On en parle peu, mais nous voyons de plus en plus de marques venir à nous après avoir échoué en matière d’identité sonore. Elles expriment souvent la même chose et imputent leurs échecs au défaut de conseil et d’accompagnement de la part de leur prestataire. Il y a parfois des offres low-cost, la plupart du temps proposées par des studios de création pourtant bien intentionnés, mais qui font ce que le client leur demande de faire. Or, les marques ont besoin d’une vraie valeur ajoutée de la part de leur partenaire. Son rôle ne peut pas se limiter à exécuter les desiderata d’un Brand Manager qui n’a ni la compétence ni l’expérience de la façon dont on construit véritablement une bonne identité sonore. Quand une marque dépense assez raisonnablement 50 000 € ou 100 000 € pour créer son identité visuelle, elle devrait s’inquiéter qu’on lui propose une identité sonore à 15 000 ou 20 000 euros. Une identité sonore qui marche, c’est une identité sonore qui marque.


5) Certains des clients de l’agence appartiennent au secteur du luxe. Domaine dans lequel on constate un manque de cohérence et de différenciation flagrant musicalement parlant. Les marques s’attachent à des tendances éphémères et font preuve de schizophrénie sur leurs divers supports de communication. Faites-vous également ce constat ?

En matière de musique, beaucoup de marques de luxe baignent dans les mêmes codes sans beaucoup d’inventivité. Nous avons mené une étude qui montre que cela crée parfois une confusion significative. Là encore, je crois que le sujet qui est posé par ces similarités parfois risibles n’est pas « Comment ma musique doit-elle exprimer mon appartenance au monde du luxe » mais plutôt « Quel vision du luxe ma marque doit-elle exprimer et comment ma musique peut-elle porter cette vision ». Le reste suit si la réponse est fouillée et sincère.

6) Comment expliquez-vous les difficultés rencontrées par les autres agences dans le domaine ?

J’ai tendance à m’intéresser aux bonnes pratiques plutôt qu’aux mauvaises. Nous avons des confrères, notamment en Allemagne et aux Etats-Unis, qui n’ont pas de difficultés et qui nous poussent à toujours aller de l’avant. C’est d’ailleurs notre rôle. Le fait que Sixième Son soit leader sur le sujet de l’identité sonore nous donne une responsabilité, celle de faire grandir quantitativement et qualitativement ce sujet auprès des marques. Les résultats de nos travaux de ces deux dernières années montrent que notre expertise et notre efficacité ont encore progressés. Quant à mes confrères français en difficulté – dont certains sont venus me voir – j’ai toujours dit la même chose : pour réussir dans ce monde du design musical et de l’identité sonore, il faut investir beaucoup et longtemps au service de la créativité et de la qualité de service. Pour moi, sans vrai investissement, pas d’avenir. Pour le reste, je n’ai aucune leçon à donner à qui que ce soit.

7) Un exemple qui vous a récemment interpellé chez la concurrence ?

Je trouve le travail fait par Zanna Sound pour le Métro de Rio assez remarquable. En particulier, j’ai trouvé courageux et intelligent que l’identité sonore ait tout irrigué sur son passage. Elle a touché les supports traditionnels comme, par exemple, la signalétique sonore des distributeurs automatiques de billets. J’ai bien aimé qu’elle échappe aux poncifs du genre que l’on trouve dans beaucoup de lieux liés aux transports : des petits sons de cloches, des jolies mélodies consensuelles mais qui ne marquent en rien. Enfin, il y avait de l’intelligence dans la stratégie d’accompagnement. Pas de copier-coller d’un support à un autre mais pas de grand écart non plus. Chapeau !


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