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Ron Mueck : Un art à fleur de peau

Publié le 24 janvier 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

Couple under an umbrella

Ron Mueck, Couple under an Umbrella, 2013. Matériaux divers, 300 x 400 x 500 cm (environ), Courtesy Caldic Collectie, Wassenaar.

L'exposition Ron Mueckà la Fondation Cartier pour l'Art Contemporain, au printemps dernier, fut un véritable succès avec un record de fréquentation de plus de 300 000 visiteurs.

Je n'ai malheureusement pas eu l'opportunité de voir cette exposition. Pourtant il m'apparaissait comme essentiel de revenir sur le travail artistique de cet artiste, qui en fait l'un des plus particuliers de son époque.

Enfant déjà, Ron Mueck créait des personnages. De cette pratique, il en fit un métier. C'est en Australie qu'il devient créateur et animateur de marionnettes pour des émissions de télévision à destination des enfants. Sa carrière artistique ne commence qu'en 1996 lorsqu'il est découvert par le collectionneur éminemment célèbre, Charles Saatchi.

Entre fascination et répulsion, Ron Mueck crée des arrêts sur image. Des sculptures à la fois violemment réelles et irréelles.

Mask II

Ron Mueck, Mask II, 2001, Matériaux divers. © Ron Mueck. Photo : Courtesy Anthony d’Offay, Londres. Photo : Thomas Salva / Lumento, 2013

Ces sculptures étrangement vivantes autant qu'étrangement mortes sont-elles le reflet de notre image ? Ron Mueck est-il une sorte de Frankenstein moderne cherchant à nous traumatiser ou construit-il des portraits hyperréalistes d'êtres humains, pour nous inviter à réfléchir sur le monde qui nous entoure ?

Tout est factice et pourtant tout semble vrai. Notre cerveau voit ces créatures étranges mais il s'aperçoit aussitôt que quelque chose ne fonctionne pas. L'artiste joue sur les changements d'échelles. Il réduit ou augmente considérablement les dimensions humaines dites standards. Tantôt gigantesques, tantôt minuscules, Ron Mueck fait intervenir de subtiles variations pour faire passer une sculpture de taille géante à taille réduite. Une métamorphose qui nous fait passer du réel à la fiction, à la manière d'Alice au pays des merveilleslorsqu'elle goûte au plaisir de grandir ou de rapetisser.

Gunther von hagens Horse
© Gunther von Hagens in front of the mega plastinate "Rearing Horse with Rider, 2000".

Ron Mueck est fasciné par le corps humain. Une obsession de la chair qui se traduit jusque dans les ongles, le nez ou même les cils de ses personnages. Il façonne des créatures étranges, presque effrayantes qui peuvent être faire références au clonage et à l'avènement du post-humain. Ron Mueck se crée un territoire peuplé d'humanoïdes parfaits. Dans cette idée d'une proche mutation de l'espèce humaine, l'artiste déplace le concept de mimésis. Cils, ongles, orteils, pores, sont des détails qui attestent de la virtuosité hyperréaliste de l'artiste. Le rendu des corps, de la carnation et de la posture atteste d'un long et minutieux travail.

Ring gymnast
The Ring Gymnast, 2006, a whole-body-plastinate currently on display in BODY WORLDS exhibition. © Gunther Von Hagens.

Sous ces corps de chair, pourrions-nous voir les muscles, les veines ou même les os ? J'ose croire qu'un médecin, en disséquant ces sculptures, découvrirait un parfait corps humain de chair et de sang, tant le souci maniaque du détail anatomique et la puissance émotionnelle qui émanent de l'œuvre nous font passer de la fiction au réel et du réel au rêve.

On est loin des pratiques pseudo-artistiques du docteur Von Hagenset de sa technique de la plastination. Dans les expositions de Gunther Von Hagens, la beauté du cadavre est offerte au public. Il joue autant sur la sympathie que sur le dégoût qu'une telle exposition peut provoquer. À la différence de Ron Mueck, le docteur Von Hagens exploite le côté sensationnel, avec des arguments commerciaux percutants. S'il démocratise les connaissances anatomiques, il est loin de la délicatesse artistique de Ron Mueck.

Woman With Shopping

Ron Mueck, Woman with Shopping, 2013, Matériaux divers. 113 x 46 x 30 cm. Courtesy Hauser & Wirth / Anthony d’Offay, Londres, Photo: Thomas Salva / Lumento, 2013

Ron Mueck aborde de nombreux sujets liés à la vie humaine, du berceau à la mise en bière. Vie, amour et mort deviennent les leitmotivs de son travail, dévoilés sous le joug de l'intimité.

Des figures solitaires se trouvent parfois un compagnon, tandis que d'autres sont désespérément seules et éloignées de nous. Nus ou habillés, ces personnages appartiennent à notre cosmos et nous invitent à réfléchir sur l'environnement qui nous entoure.

Certes l'hyperréalisme des sculptures donne toute sa singularité à l'artiste, mais je crois, qu'il faut observer l'œuvre de Ron Mueck au-delà de cette virtuosité. Chaque œuvre est un arrêt sur image, mais est surtout le point de départ d'un questionnement sur soi et sur les autres. Il ne faut pas uniquement regarder l'enveloppe corporelle dans son entièreté mais il faut également s'attacher aux détails de la posture ou de la carnation. C'est dans ces fragments de corps que Ron Mueck soulève des interrogations terriblement dures mais extrêmement justes. L'artiste se situe dans la lignée du travail artistique de Duane Hanson, qui donne l'illusion de réalité lorsqu'il représente des scènes de l'American way of life. Ron Mueck dévoile le cheminement de sa pensée par les détails. Et si au départ, j'étais effrayée par cette hyperréalité, elle m'est ensuite apparue comme pleine d'ingéniosité pour soulever des sujets essentiels sur notre condition d'êtres humains.

Anaïs.


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