La lumière de l’hiver ne m’empêche pas d’avancer les yeux ouverts, les yeux couverts de brume, le sourire aux lèvres.
Par la fenêtre du train qui revient de Paris défilent les images superposées au paysage de grisaille, de nuages à la Vermeer, les images des sombres salles de musées dans lesquels, clairsemés, se trouvent encore quelques objets documentés, le chophar, le hanoukkia, d’autres choses encore qui me sont inconnues. J’écoute le guide sans jamais relâcher mon attention, les mains jointes entre mes cuisses, les jeunes assis autour de moi qui m’enveloppent de leur cocon d’attention, ils savent que je suis comme un de leurs, mais différent aussi ; la différence d’âge, d’autres choses aussi, le regard qu’on pose sur la vie, une certaine légèreté qu’ils n’ont plus, ou alors est-ce moi qui suis déjà trop sérieux, trop souciant. Depuis longtemps déjà, je suis devenu quelqu’un de bienveillant, au-delà de tout ce que je pouvais imaginer. J’ai trop haï certainement dans d’autres vies pour me permettre à présent de me montrer aigri.
Les volutes de la Seine emportent mon regard, me plongent dans l’incertitude des jours à venir, mon regard se trouble, je crois que le sommeil me gagne, plus rien ne m’atteint, le sommeil me frôle de son aile doucereuse…
Natacha Atlas : Maktub