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Barthélémy Toguo aux frontières avec le vodou

Publié le 27 janvier 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

Depuis une quinzaine de jours, Strasbourg vit au rythme du vodou, à l'université, à la Chaufferie, à la galerie Ritsch-Fitsch, à l'édicule du Faubourg de Pierre, etc. des expositions ont été mises en place et sont visibles jusque courant février dans le cadre de l'événement "Hémisphères Vodous". Je ne les ai pas toutes vues pour l'instant, je me suis rendue au Palais Universitaire au moment de l'inauguration, à l'édicule où est exposée une œuvre de Pascale Marthine Tayou, artiste camerounais dont je vous avais parlé là ; et à la Chaufferie où j'ai eu l'occasion de rencontrer Barthélémy Toguo, retour sur cette entrevue.

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Barthélémy Toguo devant The House of Secrets, 16 janvier 2014. Photo: Haute École des Arts du Rhin

L'artiste a répondu à l'invitation de Thibaut Honoré, commissaire du projet « hémisphères vodous ». Venu, une première fois, il a vu le lieu et a créé une pièce en fonction de l'espace de la Chaufferie, galerie de la Haute École des Arts du Rhin à Strasbourg. Il dit d'ailleurs à ce propos : « C'est une création spécifique. The House of Secrets a été créée pour cette exposition, c'est la première fois que j'ai imaginé et que je présente cette installation. »

Quand on entre dans l'espace de la Chaufferie, on est face l'installation The House of Secrets, composée de trois maisons en tôle rouillée, aucune porte n'est visible, des circuits de train en bois sortent de chacune des maisons mais l'itinéraire tourne sur lui-même en une boucle infinie. Sur ces maisons, sont disséminés des objets : poupées africaines recouvertes de perles, objets usuels, etc. Au sol, tout autour d'elles, se trouve de la ouate, élément fondamental dans le travail créatif de l'artiste et que l'on retrouve dans d'autre de ses œuvres. L'espace de l'installation est délimité par un voile qui montre mais empêche aussi d'aller circuler dans l’œuvre. « J'avais accumulé les objets en amont, je savais qu'un jour je pourrais les utiliser pour créer une installation. Ce qui me plaît c'est la mise en scène du dispositif. Il y a une recherche esthétique, une recherche de la forme avec ces tôles rouillées pour avoir une texture, c'est comme une toile. »

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Vue de l'installation The House of Secrets de Barthélémy Toguo, 2014. © Barthélémy Toguo. Photo: Haute École des Arts du Rhin

Barthélémy Toguo est un artiste camerounais vivant à Paris et au Cameroun né en 1967. En réalisant The House of Secrets, il répond à l'invitation de l'université de Strasbourg et de la Haute École des Arts du Rhin à travailler sur la question du vodou [petite parenthèse : le terme de vodou (parfois écrit « vaudou », « voodoo » ou encore « vodoun » en fonction des régions) désigne une religion traditionnelle qui est apparue en Afrique de l’ouest probablement autour du XVIIème siècle dans la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. « Vodou » se décompose en deux mots : « vo » (l’insaisissable) et « dou » (le monde au sens de l’univers)] : « Dans cette House of Secrets, il y a un mystère parce que les portes sont fermées. Qu'est-ce qu'il s'y passe ? C'est un mystère, d'où le mystère du monde vodou. ment politique : « Je n'ai pas voulu cerner le mal ou le bien mais le fait de construire des maisons sans portes et sans fenêtres montre qu'un mystère est là, on ne sait pas si c'est le bien ou le mal qui s'y cache mais on reste dans un univers africain avec les sculptures de perles qui ont aussi une dimension esthétique comme les objets utilisés pas les africains dans leur quotidien qui sont présentés. Mais je ne suis pas resté que sur la question du vodou, j'ai empiété aussi sur celle de l'exploitation de l'Afrique aussi, de son sous-sol et de ses richesses. ».

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Vue de l'installation The House of Secrets de Barthélémy Toguo, 2014. © Barthélémy Toguo. Photo: Haute École des Arts du Rhin

Ainsi Barthélémy Toguo va plus loin, dépasse la seule question du vodou et s'inscrit dans un débat plus vaste et éminemment politique : « on est dans l'exploitation du sous-sol africain. Généralement dans mon travail beaucoup de ressentis se côtoient, la violence côtoie le plaisir ; le plaisir, la laideur ; la laideur, la solitude, etc. Avec The House of Secrets, le beau côtoie l'exploitation du sous-sol, qui côtoie le mystère du vodou, le mystère côtoie la violence qu'il peut y avoir peut-être dans le vodou, les animaux sont parfois sacrifiés et c'est un mélange de tout, de ressentis et des problèmes qui font partie de la vie tels la mort, la beauté, l'amour, la sexualité, la magie l'exploitation de l'homme par l'homme, cette installation cherche à montrer tout cela. Il faut regarder au-delà du seul vodou, beaucoup de choses se côtoient et expriment ce que c'est "la vie" » L'inclusion de trains tournant en boucle dans cette installation s'inscrit dans cette réflexion : « Les trains créent le mouvement dans l'installation et parlent du problème de l'exploitation de cet univers qui donne l'impression d'être dans un univers africain et de l'exploitation du sous-sol qui est à la une aujourd'hui. Et voilà pourquoi dans chaque maison j'ai mis ces trains qui représentent la présence industrielle de l'occident dans ces territoires où le mystère et le vodou existent. », nous dit Barthélémy Toguo.

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Vue de l'installation The House of Secrets de Barthélémy Toguo, 2014. © Barthélémy Toguo. Photo: Haute École des Arts du Rhin

En parallèle de l'installation The House of Secrets, sont exposées des photographies et aquarelles de l'artiste, il affectionne tout particulièrement cette dernière technique pour ses possibilités expressives et nous présente sur la mezzanine des portraits réalisés à l'aquarelle. En outre, des sculptures réalisées par des étudiants de la HEAR sont accrochés au mur surplombant l'installation de Barthélémy Toguo : « J'ai demandé aux étudiants de faire partie de l'exposition, en leur demandant de créer des dieux. Je trouve que ces dieux ont une dimension chrétienne de par la position en croix. Les deux dieux ou mystères, du vodou et chrétien se rencontrent ici. Aujourd'hui, je prône plutôt la paix et l'amour des religions et non la guerre dans laquelle on vit actuellement. Ici le lien se fait par l'addition à l'archétypale position chrétienne du corps humain d'éléments semblant relever de pratiques vodou ou animistes. Les sculptures créées par ces étudiants sont là pour regarder cet univers idyllique qui fait rêver, elles représentent aussi le public qui regarde mais qui ne sait pas qu'au-delà de la beauté, qu'au-delà de cet univers de coton et de ouate il y a une dimension maléfique qui peut aussi s'y cacher, les dimensions du bon et du mal, qu'il y a aussi dans le vodou. »

À découvrir donc... jusqu'au 23 février 2014.

Cécile.

Les propos ont été recueillis par Anaïs et Cécile le 16 janvier 2014.

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La Chaufferie

5 rue de la Manufacture

des Tabacs — Strasbourg

+33 (0)3 69 06 37 77

www.hear.fr

La galerie est ouverte les vendredi, samedi et dimanche de 14h à 18h et sur rendez-vous

Pour plus d'infos sur les manifestation d'"hésmisphères vodous", c'est par là: http://hemispheres-vodous.unistra.fr/


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