Adieu la cour, adieu les dames, Adieu les filles et les femmes, Adieu vous dis pour quelques temps, Adieu vos plaisants passetemps; Adieu le bal, adieu la danse, Adieu mesure, adieu cadence, Tambourin, haubois et violons, Puisqu'à la guerre nous allons.Adieu les regards gracieux,Messagers des coeurs soucieux;Adieu les profondes pensées,Satisfaites ou offensées;Adieu les harmonieux sonsDe rondeaux, dizains et chansons;Adieu piteux département,Adieu regrets, adieu tourment,Adieu la lettre, adieu le page,Adieu la cour et l'équipage,Adieu l'amitié si loyale,Qu'on la pourrait dire royale,Etant gardée en ferme foiPar ferme coeur digne de roi.Adieu ma mie la dernière,En vertus et beauté première;Je vous prie me rendre à présentLe coeur dont je vous fis présent,Pour, en la guerre où il faut être,En faire service à mon maître.Or quand de vous se souviendra,L'aiguillon d'honneur l'époindraAux armes et vertueux faits:Et s'il en sortait quelque effetDigne d'une louange entière,Vous en seriez seule héritière.De votre coeur donc se souvienne,Car si dieu veut que je revienne,Je le rendrai en ce beau lieu.Or je fais fin à mon adieu.
Clément Marot, Adieu aux Dames de la Cour, dans : Pierre Seghers, Le livre d'or de la poésie française (Marabout, 1980)
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