Quand le paradoxe de Zénon rencontre la sexualité...
Le réalisateur Lars von Trier est de retour une troisième fois avec sa muse Charlotte Gainsbourg, pour nous raconter l'histoire de Joe (Charlotte Gainsbourg/Stacy Martin), auto-diagnostiquée nymphomane, qui dévoile son parcours sexuel en plusieurs chapitres à travers son dialogue avec Seligman (Stellan Skarsgård).
Le(s) plus
Alors que les bases du développement de la sexualité de Joe (Charlotte Gainsbourg) ont été posées dans le volume un de Nymphomaniac, avec beaucoup de sensualité (notamment au travers du jeu de l'actrice Stacy Martin, qui interprète Joe jeune) et de poésie, ici la psychologie et les démons de l'héroïne sont abordés de façon plus poussée.
Et c'est toujours en lien avec l'Art et les concepts philosophiques (les peintures, les figures de la putain de Babylone ou de Valeria Messalina, les églises d'Orient et d'Occident, Faust, James Bond...), que le parallèle est fait entre la vie tumultueuse de Joe et sa sexualité. Le Beau côtoie ici la noirceur humaine. Seligman, que l'on découvre plus en profondeur, et qui fait même des révélations sur sa propre sexualité, se dévoile. Et ce qui est intéressant dans le duo Seligman / Joe, c'est qu'à la fin, leur point de vue va radicalement changer quant à leur propre sexualité, ce qui créera une situation assez inattendue...
Toujours mis en scène d'une main de maître, le scénario nous captive, en amenant du suspense quant à la suite des déboires de Joe, que l'on est de plus en plus impatients de connaître. Le film est plus sombre, axé sur les perversions et les démons de l'âme humaine.
Le côté psychologique du personnage étant bien plus mis en avant, on découvre l'origine du comportement déviant de Joe. Ainsi, ayant eu un orgasme spontané très puissant quand elle était jeune, elle passera sa vie à rechercher de nouveau cette sensation. Malheureusement, tel le paradoxe de Zénon, plus elle va rechercher cet instant divin, plus elle va s'en éloigner. Ainsi, elle restera prisonnière de son but, n'arrivant plus à ressentir de sensations, allant jusqu'à se frapper, se faire saigner... en vain !
Alors que le premier volume était érotique et sensuel, ici, la sexualité de Joe devient plus violente, plus douloureuse. Elle ira jusqu'à se faire flageller pour redécouvrir le plaisir, non sans mal. Et ces scènes de flagellations sont crues et d'une violence physique et psychologique intense.
Le casting, de Charlotte Gainsbourg à Stellan Skarsgård, en passant par Shia LaBeouf, Jamie Bell ou Willem Dafoe, est excellent. Charlotte Gainsbourg est réaliste et touchante dans son interprétation, partagée entre culpabilité et rébellion, à la recherche de l'acceptation. Stellan Skarsgård, dévoile de plus en plus l'intimité de son personnage, et son ambigüité. Bien qu'ayant un rôle secondaire, le jeune Jamie Bell tire également son épingle du jeu par sa performance, laissant pressentir une grande violence contenue, avec un visage poupin.
Comme pour le premier volet, la musique a un rôle important et accompagne chaque chapitre, rythmant les différentes scènes, de Bach à Wagner, en passant par Hey Joe interprété par Charlotte Gainsbourg.
Le(s) moins
Plus sombre et plus cynique que le premier volume, certains passages qui se veulent un peu drôles enlèvent de la poésie à l'histoire, telle que la scène avec les deux noirs dans la chambre d'hôtel.
Quant à la scène finale, elle est assez grotesque. Il aurait peut-être été plus judicieux de clore le film sur la porte qui se referme et laisser une ouverture sur les champs du possible.
Conclusion
Au final, Nymphomaniac, œuvre poétique et sulfureuse, interroge sur les perversions humaines, sur la moralité et le sexuellement correct, en narrant l'histoire d'une femme qui revendique son droit au plaisir, à l'orgasme. Filmé d'une main de maître, Lars Von Trier, on aime ou pas, mais on ne peut en rien lui enlever sa maîtrise et la qualité de son travail !
Ma note: 8/10
Nymphomaniac - Volume 2
Synopsis : "La folle et poétique histoire du parcours érotique d'une femme, de sa naissance jusqu'à l'âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s'est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d'hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l'avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l'interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours."Réalisé par: Lars von Trier / Avec: Charlotte Gainsbourg, Stacy Martin, Stellan Skarsgård, Shia LaBeouf, Christian Slater, Jamie Bell, Uma Thurman et Willem Dafoe / Genre: Erotique, Drame / Nationalité: Français, belge, danois, allemand / Titre original: Nymphomaniac : Volume II / Distributeur: Les Films du Losange
Durée: 2h03min / Date de sortie: 1 janvier 2014
Public: Interdit aux moins de 12 ans
Plus d'informations !
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Les Anecdotes !
Le montage initial de Nymphomaniac durait 5h30, que Lars von Trier refusa de couper. Il laissa donc la responsabilité du final cut à son producteur, Peter Aalbaek Jensen. Le métrage total présenté au public, réduit de 1h30, est ramené à 4h00 réparties sur deux films.Longtemps évoquée, la version soft de Nymphomaniac n'a finalement pas été montée. Le diptyque comporte ainsi des scènes explicites. Chaque distributeur national est néanmoins autorisé à flouter les parties génitales s'ils le souhaitent.
Des acteurs porno ont doublé les comédiens "traditionnels" pour les scènes de sexe. Pour que l'illusion soit parfaite, seuls les troncs des "traditionnels" ont été conservés, la partie du corps située en dessous de la ceinture - celle des acteurs porno - a été ajoutée numériquement. Ce prodige technique permet au réalisateur de filmer en plans larges aussi bien qu'en plans serrés.
Actrice principale de Dogville il y a 10 ans, Nicole Kidman était annoncée partante pour le nouveau projet de Lars von Trier. Malheureusement, pour des problèmes d'agenda (elle tournait dans le même temps le biopic de Grace de Monaco), elle a dû refuser le rôle.
Avant même la sortie du film, Lars von Trier suscitait déjà la polémique. En effet, le réalisateur a dévoilé progressivement des teasers de Nymphomaniac. Par ailleurs, les affiches du long-métrage montrent les acteurs principaux en plein orgasme.
Qui d'autre que Charlotte Gainsbourg pouvait interpréter la nymphomane Joe ? L'actrice française collabore pour la troisième fois avec le réalisateur danois. Les deux précédentes fois, cela avait été pour Antichrist (2009) et Melancholia (2011). Deux films dans lesquels l'actrice incarnait déjà des rôles particuliers. A noter que Lars von Trier retrouvera trois autres acteurs habitués à jouer devant sa caméra : Stellan Skarsgard, Willem Dafoe et Udo Kier.
L'époque Transformers semble de plus en plus révolue pour l'acteur de 27 ans. Après des rôles plus matures dans les films Des Hommes sans loi, Sous Surveillance et The Necesary Death of Charlie Countryman, on le retrouve ainsi dans un nouveau rôle de composition chez Lars von Trier.
Totalement inconnue jusqu'alors, l'actrice anglaise incarnera le premier rôle de ce long-métrage. Initialement mannequin, Stacy a tourné de nombreuses scènes de nudité explicites, en compagnie de Shia LaBeouf. Souhaitons-lui la même notoriété que des actrices telles que Bjork, Charlotte Gainsbourg, Nicole Kidman ou Emily Watson, qui ont reçu pléthore d'acclamations grâce à leurs interprétations dans les films du réalisateur danois.
Le deuxième volet du film a été interdit dans les salles roumaines, ce qui est une première en Europe. Les raisons de cette interdiction n'ont pas été précisées, ce qui a provoqué la colère d'Antoine Bagnaninchi, le PDG d'Independenta Film (la société qui distribue le film en Roumanie). Ce dernier, trouvant cette décision incohérente, a promis de contester cette interdiction.