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Monuments Men, l’art de la guerre

Publié le 05 février 2014 par Aude Mathey @Culturecomblog

Aujourd’hui sort en France le film The Monumenst Men de Georges Clooney, inspiré du livre de Robert M. Edsel Monuments Men qui décrit les actions de protection, de récupération et de restitution par des professionnels de la culture – engagés ou non dans les forces alliées – de millions d’oeuvres d’art dérobées par le régime nazi.


Monuments Men
Monuments Men Bande-annonce VO

Ces défenseurs vont être rassemblés au sein de la section « Monuments, Fine Arts and Archives » des forces alliées. Cette section avait vu le jour grâce au lobbying intense de politiciens, de collectionneurs et amateurs d’art américains. Les actions entreprises également sur place par des civils comme Jacques Jaujard ou Rose Valland, du Jeu de Paume, les aideront grandement à établir une cartographie des biens spoliés et à les récupérer.

De la Seconde Guerre Mondiale à la Convention de Genève

Les spoliations massives par le régime nazi, puis par les Soviets – ayant refusé de restituer les oeuvres « récupérées » lors de l’invasion de l’Allemagne, ces oeuvres rémunérant leur contribution à la guerre – ont ainsi alerté les démocraties occidentales à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale.

L'officier James Rorimer de la MFAA  supervise l'action de récupération par les soldats américains d'oeuvres spoliées par les nazis au château de Neuschwanstein en Allemagne pendant la Seconde Guerre Mondiale. / U.S. National Archives and Records Administration

L’officier James Rorimer de la MFAA supervise l’action de récupération par les soldats américains d’oeuvres spoliées par les nazis au château de Neuschwanstein en Allemagne pendant la Seconde Guerre Mondiale. / U.S. National Archives and Records Administration

La convention de Genève, dont la première mouture fut créée en 1864 suite à l’initiative d’Henri Dunant (fondateur de la Croix Rouge) révolté par le sort des blessés après la bataille de Solferino, fut amendée plusieurs fois et en 1949, la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre fait mention pour la première fois dans le domaine du droit international de certaines violations grave correspondant à un crime de guerre, parmi lesquelles : « la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ».

et à l’Unesco

L’Unesco, en 1954 à sa création, développe ce principe dans sa Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, avec Règlement d’exécution 1954 suite à la conference du même nom. Dans cette convention y sont détaillées toutes les mesures à prendre pour protéger, sauvegarder et éviter autant que faire se peut les spoliations.

Ainsi, contrairement aux conflits précédents, l’art ne peut faire l’objet de spoliation en tant que rétribution de guerre. Il ne peut non plus être détruit puisqu’il ne constitue pas un objectif militaire.

Malheureusement, malgré ces dispositions, les spoliations d’oeuvres d’art et les destructions de monuments en temps de guerre ne se sont pas arrêtées pour autant. On pourra nommer un des derniers cas en date, choquant par le désintérêt flagrant des Nations-Unies en cette affaire : les pillages lors de l’invasion de l’Irak menée par les Etats-Unis. Contrairement à la charte de l’Unesco dans laquelle, à l’article 5, sont précisées les missions de l’Etat-occupant:

1. Les Hautes Parties contractantes occupant totalement ou partiellement le territoire d’une autre Haute Partie contractante doivent, dans la mesure du possible, soutenir les efforts des autorités nationales compétentes du territoire occupé à l’effet d’assurer la sauvegarde et la conservation de ses biens culturels.

2. Si une intervention urgente est nécessaire pour la conservation des biens culturels situés en territoire occupé et endommagés par des opérations militaires, et si les autorités nationales compétentes ne peuvent pas s’en charger, la Puissance occupante prend, autant que possible, les mesures conservatoires les plus nécessaires en étroite collaboration avec ces autorités.

3. Toute Haute Partie contractante dont le gouvernement est considéré par les membres d’un mouvement de résistance comme leur gouvernement légitime, attirera si possible l’attention de ces membres sur l’obligation d’observer celles des dispositions de la Convention qui ont trait au respect des biens culturels.

Selon les investigations menées sur place, seuls 2% des 501 000 artefacts répertoriés ont été emmenés en lieu sûr pour leur protection. Deux autres pour cent auraient été pillés avant l’invasion, et enfin le pillage de près de 5 000 artefacts aurait été le fait de personnes étrangères. A l’heure actuelle, un millier des artefacts dérobés auraient été restitués. Cependant, il en reste au moins tout autant sur le marché noir.

Le directeur adjoint du Musée national d'Irak, Mushin Hasan,après la destruction de plusieurs artefacts en avril 2003 / DR

Le directeur adjoint du Musée national d’Irak, Mushin Hasan,après la destruction de plusieurs artefacts en avril 2003 / DR

Les actions des Monuments Men, aussi spectaculaires qu’elles soient, ne doivent donc pas faire oublier que tout encore est à construire. En effet, la convention de l’Unesco prévoit des sanctions pour de tels manquements, mais ces dernières sont à déterminer par les Etats-membres, et donc potentiellement les Etats-occupants. Triste affaire.

La mission de ce film n’est donc pas seulement un bon moment de cinéma mais devrait aussi faire passer le message, comme l’a si bien dit Donny George, le conservateur du Musée national d’Irak :

C’ [Le pillage de l'art. NDLR] est le crime du siècle car il affecte l’héritage de toute l’humanité.

L’art est certes un bien et donc une propriété, mais c’est avant tout une propriété intellectuelle et intangible.


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