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Ce qui te déplait en moi, amende-le en toi

Publié le 07 février 2014 par Edelit @TransacEDHEC

En matière de droit, lorsqu’on juge une entité morale, l’une des rares solutions existantes est de mettre cette entité à l’amende, c’est-à-dire lui en faire payer une. Ainsi, en octobre 2013, J.P. Morgan et le ministre de la Justice américain ont convenu que J.P. Morgan devait s’acquitter d’une amende record de 13 milliards de dollars pour les poursuites liées aux crédits hypothécaires que la banque est accusée d’avoir vendu à ses  clients tout en les sachant destinés à se crasher. Toutefois, il apparaît qu’il y a autant de zéros dans la somme à payer que dans la façon de procéder…

Au troisième trimestre 2013, la banque affichait une perte nette due aux 9,2 milliards d’amendes et aux frais d’avocats. Or comment financer une perte ? En piochant dans ses fonds propres évidemment ! J.P. Morgan a ainsi dû se séparer de 10% de ses fonds, ce qui la fragilise davantage. Les régulateurs imposeraient donc une diminution aux banques de leurs fonds propres. C’est une aberration totale et sûrement la pire des sanctions imaginables. Non parce qu’elle serait disproportionnée mais parce que c’est une banque qui est touchée. Baisser les fonds propres d’une banque c’est la priver de sa bouée de secours en cas d’investissement non rentable et donc sacrifier les investisseurs sur l’autel d’une supposée justice qui n’a d’autre but ici que de calmer les foules qui crient à la mort des banques et qui ne se doutent pas qu’elles risquent d’aggraver leur cas. Plutôt que juste, cette sanction n’est qu’une façade pour permettre aux politiques de redorer leur blason.

La Justice dans l’impasse

Le but d’une sanction exemplaire est de modifier les comportements or les principaux intéressés ne semblent même pas s’en soucier. Les employés actionnaires de J.P. Morgan se  sont d’autant plus enrichis que le cours de bourse a pris 25% en un an. En se contentant de punir l’entreprise plutôt que les dirigeants, la Justice américaine a choisi la voie de la facilité puisqu’elle a sanctionné un système impersonnel plutôt que des agissements individuels, ce qui est un non sens.

Les autorités américaines sont évidemment conscientes de cette dérive alors pourquoi laissent-elles faire ? Tout d’abord par manque d’idées. Cela semble bête mais elles ne savent pas comment s’y prendre. D’autre part, de nombreux économistes, américains pour la plupart, ont cherché à démontrer que la réglementation était en fait le fruit d’un vaste marchandage entre pouvoirs publics et secteur privé. Ne parle-t-on pas d’accord entre J.P. Morgan et la Justice américaine ? La finance va plus vite que la législation, c’est un fait. Une innovation financière – la création d’un nouveau produit financier sur lequel n’existe aucune législation – permet en réalité d’échapper aux contraintes existantes. Dans cette perspective, les innovations financières s’expliqueraient simplement parce qu’on peut appeler des trous dans les réglementations financières. Ces trous permettent de créer des actifs financiers représentatifs d’à peu près tout et n’importe quoi. L’idée d’un contournement de la réglementation est apparue aux Etats-Unis avec la création, par les banques, de comptes un peu particuliers appelés Now ou encore des comptes ATS. Ces comptes vous permettaient de contourner la réglementation Q qui réglementait strictement les comptes rémunérés et interdisait la rémunération des comptes à vues. La réglementation Q avait été mise en place en 1930 et devant ce contournement elle a été abandonnée en 1986.

L’éternel jeu de cache-cache

Devant cette frénésie de l’innovation, il est évident que les législateurs ont un train de retard. Si l’innovation est risquée, la responsabilité n’incombe pas tant à l’innovateur qu’à un manque de régulation. La Justice n’a donc d’autres choix que d’agir ex-post à travers des amendes. Toutefois ces amendes menacent la stabilité des banques. C’est donc tout le paradoxe de la régulation. La régulation financière est elle même en train de devenir un facteur de risque systémique. Cela va à l’encontre de sa raison d’être.

Simo Alami


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