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Spectaculaire et rassurante performance de la Sécurité aérienne en 2013 : bilan par Monsieur Jean BELOTI

Publié le 09 février 2014 par Halleyjc

jean-belotti-sInterview de TourMag

TourMag : Les statistiques très rassurantes des accidents aériens survenus en 2013 sont-elles vraiment les meilleures depuis des années ?

Jean Belotti : Effectivement, depuis 2006 - année à laquelle avec 33 accidents, on était passé en dessous de 1.000 victimes - les résultats se sont améliorés d’année en année : 2010, 32 accidents avec 973 victimes ; 2011, 36 accidents avec 524 victimes ; 2012, 23 accidents avec 425 victimes et 2013, 29 accidents et 265 victimes.

T.M. :Que peut-on en déduire ?

J.B. : Tout d’abord, on remarquera que le nombre d’accidents est sensiblement le même, alors que celui des victimes a considérablement été réduit, ce qui est très rassurant pour les passagers. Comme déjà longuement développé dans mes écrits, ce premier constat montre que le nombre d’accidents n’est pas un critère représentatif du niveau de sécurité du transport aérien.

T.M. : Il reste donc que c’est un excellent résultat ?

J.B. : Bien sûr ! Réaliser 31 millions de vols, en transportant 3 milliards de passagers, tout en ne déplorant que 265 victimes, est un exploit jamais atteint par le passé, ce qui a fait dire au représentant de l’IATA “quelqu'un prenant l'avion tous les jours pourrait voler pendant 6.500 ans sans avoir d'accident”.

T.M. : Deux mots sur les raisons de cette amélioration ?

J.B. : Alors que le nombre de passagers transportés augmente de plus de 6 % par an, on pouvait logiquement s’attendre à une dégradation du niveau de sécurité. Or, comme constaté, c’est le contraire qui s’est produit : une nette amélioration ! Je n’ai cessé d’en donner les raisons depuis 2010. Tous ceux qui sont des acteurs dans ce système du transport aérien - administration de tutelle ; compagnies ; aéroports ; équipages et personnels au sol ; contrôleurs aériens ; etc... continuent journellement à relever le défi, celui de débusquer les situations accidentogènes. Il reste que des progrès peuvent encore être faits dans différents domaines, ce qui n’est pas le sujet de votre interview.

T.M. : Alors, peut-on quand même être rassurés pour la suite ?

J.B. : La tendance depuis quelques années est bonne et il convient de s’en féliciter, car c’est de bon augure. Cela étant dit, il suffirait d’un ou deux accidents de très gros porteurs pour inverser cette tendance. Par ailleurs, il existe de nombreuses autres situations accidentogènes telles que dysfonctionnements ; anomalies ; pannes ; impasses ; dégradations ; insuffisances, etc... qui peuvent être, un jour ou l’autre, la cause d’un accident. Malheureusement, elles ne sont souvent révélées qu’à la suite des travaux diligentés par les experts, lors des enquêtes ordonnées à la suite d’accidents aériens. Il est également nécessaire de procéder à une analyse plus fine consistant à prendre en compte les causes des accidents : facteurs humains ; contrôle aérien ; défaillances mécaniques ; conditions météorologiques ; etc..., voire par type d’avion ; compagnie ; etc..., afin de révéler les domaines dans lesquels des améliorations peuvent être apportées.

T.M. : Donc, ne pas se réjouir trop vite ?

J.B. : Simplement, être conscient de la complexité de ce monde des opérations aériennes et des multiples facteurs qui peuvent influencer les performances. On ne peut donc écarter la survenance d’une série d’incidents, voire d’accidents plus ou moins graves, résultant de ce que l’on nomme communément “la loi des séries” - appelée aussi “sérialité” - vérifiable, d’ailleurs, dans la plupart des activités humaines ou autres phénomènes, tels que météorologiques, par exemple.

T.M. : Pouvons-nous revenir au bilan de 2013 en complétant votre première déduction ?

J.B. : Pour répondre à votre question, il convient de faire une analyse des accidents qui apporte d’intéressantes informations. C’est ainsi que, par exemple, en 2010, après classement des accidents par pays d’occurrence, force fut de constater que l’Europe - qui a les règles les plus draconiennes - et les États-Unis, n’avaient été à l’origine d’aucun accident, ce qui était une performance tout à fait remarquable, puisque le risque zéro y avait été atteint. Finalement, à l’opposé d’une information susceptible de déclencher une inquiétude résultant de l’annonce d’un nombre élevé d’accidents, s’est révélé un résultat des plus rassurants.

T.M. : Alors, précisément, qu’en est-il du bilan 2013 ?

J.B. : Le découpage des 29 accidents en deux partitions - des pays industrialisés et autres pays (dont plusieurs ont des compagnies figurant sur la liste noire) - permet de faire les constats suivants :

1.- 11 accidents sont survenus aux États-Unis et au Canada, ayant entraîné le décès de 33 personnes, soit une moyenne de 3 victimes par accident, ce qui montre qu’il ne s’agissait que d’avions de petite taille. Sauf pour deux types d’avions un B777 et un A300 qui n’ont, d’ailleurs, entraîné le décès de “seulement” 5 passagers.

2.- 18 accidents sont survenus dans plusieurs pays, dont je vous donne la liste, classée par ordre alphabétique : Afghanistan, Bolivia, Botswana, Cameroon, Chili, Congo, Guinée, Kazakhstan, Laos, Malaysia, Mexico, Namibie, Nigeria, Puerto Rico, Russia, Sao Tome, Ukraine. Ils ont entraîné le décès de 232 morts, soit, en moyenne, 13 victimes par accident.

En conclusion, retenons que pour avoir une idée du niveau de sécurité du transport aérien, il est nécessaire de procéder systématiquement à cette partition, sans laquelle les résultats globaux annoncés sont trompeurs et faussent la performance du système du transport aérien civil.

3.- On note également que l’IATA, ayant exclu les compagnies non membres, ne déclare que 210 victimes et non pas 232.

4.- On doit aussi se féliciter également, non seulement qu’aucun accident ayant fait des victimes n’est survenu en Europe, mais également qu’aucune compagnie européenne n’a été impliquée. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les règles européennes sont plus sévères que celles des États-Unis, lesquelles sont plus sévères que celles de l’OACI.

T.M. :On voit fleurir sur Internet toutes sortes de sites qui prétendent classer les compagnies aériennes en fonction de leur “dangerosité”. Qu’en pensez-vous ?

J.B. : J’ai, entre-autres, lu que la compagnie australienne Qantas avait été élue la plus sûre, puisqu’elle n’avait enregistré aucun accident meurtrier depuis 1951. Or, ces classements, même s’ils se fondent sur certains faits connus et statistiques, ne sont en rien représentatifs de la dangerosité des compagnies. Pour mesurer cette dangerosité, il faudrait, comme je l’ai souvent expliqué, avoir accès aux domaines technique et social des compagnies et des centaines d’ateliers agréés des États les plus laxistes en la matière. De plus, une compagnie peut être dangereuse un jour et ne plus l’être le lendemain. Inversement, elle peut être “sûre” un jour et ne plus l’être le lendemain. Une compagnie peut avoir eu plusieurs accidents, dont elle n’a aucune responsabilité, ayant respecté strictement tous les textes en vigueur et avoir cependant mauvaise presse. Inversement une compagnie peut avoir le vent en poupe, donc être “blanche”, alors que de très nombreux incidents et anomalies existent, alors qu’ils ne seront révélés qu’à la suite d’un grave accident. Les exemples sont nombreux.

T.M. :Une conclusion ?

J.B. : Il serait présomptueux, après ces quelques brèves réponses de formuler une conclusion sur un sujet aussi vaste et complexe. Cela étant dit, nous devons nous réjouir de cette spectaculaire et rassurante performance de 2013, confirmant la tendance constatée depuis quelques années. Nous devons également avoir une pensée pour tous ceux qui y ont contribué. Également, rappeler que le nombre de facteurs contributifs à la survenance d’accident est tel qu’il est préférable de ne pas conjecturer ce que sera la sécurité de demain, mais simplement espérer que, grâce aux efforts de tous, la tendance à l’amélioration se confirmera. 

* Vous trouverez la Lettre et la Chronique de février 2014 de Jean BELOTTI dans le fichier joint ou en cliquant sur : http://henri.eisenbeis.free.fr/belotti/2014/2014-02-fevrier-Lettre-et-Chronique.html

ou : https://sites.google.com/site/postalesite/belotti, ce qui ouvre la présentation habituelle et plus documentée de Henri Eisenbeis.


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