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Do You Remember Laurie Zimmer ?

Publié le 09 février 2014 par Olivier Walmacq

Cabines telephoniques

Genre: documentaire
Durée: 54 minutes

L'histoire: Los Angeles, août 1977. Charlotte Szlovak tourne son premier film avec la jeune et prometteuse actrice américaine, Laurie Zimmer. Au bout de quelques jours de tournage, celle ci disparaît et ne donnera plus jamais signe de vie. Vingt cinq ans plus tard, la réalisatrice revient sur les lieus afin de retrouver la trace de la mystérieuse actrice.

La critique d'Inthemoodforgore:

Aujourd'hui, c'est un documentaire rarissime que j'aimerais vous faire découvrir. Interdit de diffusion commerciale à grande échelle suite à un différend opposant les ayant droits, Do you remember Laurie Zimmer ? n'est passé qu'une fois à la télévision française, sur Arte en 2003. 
Laurie Zimmer... ce nom n'évoque sans doute pas grand chose à la majorité d'entre vous. Pourtant si je vous dis qu'elle tenait le rôle de la courageuse secrétaire qui repoussait les gangs aux côtés d'un inspecteur de police et d'un repris de justice, dans Assaut de John Carpenter, là vous aurez sûrement mieux vu de qui nous parlons.
Ce documentaire retrace la quête improbable, le parcours initiatique d'une femme à la recherche d'une autre dans la ville tentaculaire de Los Angeles. Et par là même, à la recherche de son propre passé. Raconté comme cela, le film pourrait apparaître lourd et fastidieux. En fait, c'est tout le contraire. Mais reprenons les faits depuis de le début.

En 1976, Laurie Zimmer, jeune actrice débutante, sort du tournage d'Assaut, le deuxième film de John Carpenter. Ce western urbain deviendra culte au fil des années mais en 76, Carpenter est encore peu connu et Laurie l'est encore moins. Difficile en effet, de se faire un nom dans la jungle hollywoodienne à une époque où les stars féminines s'appelaient Jane Fonda, Faye Dunaway ou Farah Fawcett. D'ailleurs c'est peu dire que les propositions ne se bousculent pas pour la jeune Laurie.
Aussi, décide-t-elle de traverser l'Atlantique et d'aller tenter sa chance en France. C'est ainsi qu'elle fait la connaissance de Jean Eustache. Le réalisateur de La maman et la putain la prend sous son aile et lui offre un rôle secondaire dans Une sale histoire aux côtés, en autre, de l'excellent Michaël Lonsdale. Ce film hybride, moitié métrage moitié documentaire, raconte les péripéties d'un voyeur dans les toilettes pour dames d'une grande brasserie.

Avec un tel sujet et un tel format, Une sale histoire ne connaîtra qu'un succès confidentiel. Et revoilà Laurie Zimmer de retour à Los Angeles, toujours à la recherche du grand rôle. Là bas, elle va rencontrer Charlotte Szlovak, une jeune réalisatrice française installée depuis peu aux Etats Unis. Charlotte reconnaît aussitôt en Laurie, son complément, son double. Un peu comme Truffaut, en son temps, se reconnut en Jean-Pierre Leaud. A l'été 77, Charlotte Szlovak entame le tournage de son premier film: D'un jour à l'autre, avec Laurie Zimmer, en vedette cette fois. Pour l'occasion, celle ci changera son nom en Laura Fanning. Le film se présente comme un city road movie où une jeune femme erre sans but au volant de sa voiture dans les rues de Los Angeles, à la rencontre d'inconnus, avant de se perdre.
Au bout d'une dizaine de jours de tournage, la réalité va dépasser la fiction. La voiture que conduisait Laurie pour les besoins du film, est retrouvée vide, abandonnée. Laurie Zimmer vient de disparaître, réellement... Désormais, plus personne dans le milieu du cinéma (à une exception près mais j'y reviendrai) n'entendra jamais parler d'elle. Alors fuite, enlèvement, suicide ? Que s'est-il vraiment passé en cette soirée d'été ? C'est à cette question que Charlotte Szlovak tente de répondre. Vingt cinq ans plus tard, elle reprend l'enquête à zéro et décide de partir à la recherche de l'énigmatique Laurie.

Débute alors un jeu de piste dans la mégalopole californienne, où se mêlent passé et présent, fiction et réalité. Le documentaire prend très vite des allures de polar. Szlovak téléphone à tous les Zimmer de la ville, engage un détective privé, fait placarder un avis de recherche avec portrait géant sur un camion qui sillone indéfiniment les rues, en vain. Au fil du documentaire, on se rend vite compte qu'en même temps qu'elle recherche Laurie, la réalisatrice française remonte le cours de son propre passé, de sa propre histoire. Mais en fait l'héroïne de ce récit n'est ni Laurie ni Charlotte. Non, le personnage principal c'est la ville de Los Angeles. Véritable monstre qui étend à l'infini ses tentacules, gigantesque banlieue sans aucun centre. On sent dans les propos de Charlotte Szlovak comme un mélange de fascination et de répulsion à l'égard de cette ville où "elle ne croise que des fantômes". Une ville déshumanusée qui détruit sans pitié les plus faibles, Laurie Zimmer par exemple. Avec sa disparition, c'est aussi la disparition d'un certain rêve américain.
Le documentaire s'achèvera par un happy end émouvant. Laurie Zimmer, alertée par ses proches qu'elle était recherchée, reprendra contact avec son ancienne amie. Mais elle refusera catégoriquement de repasser devant les caméras. On apprendra, en effet, qu'à l'aube d'une carrière prometteuse, elle préféra tout laisser tomber brutalement, effrayée par tous les sacrifices qu'il aurait fallu consentir pour avoir son nom en haut de l'affiche. Désormais mère de famille retirée à San Francisco, elle enseigne l'écriture à des enfants handicapés. Voici donc l'histoire étrange d'une actrice étrange. Une femme qui, alors même qu'elle était en train de tourner une scène de film, préféra dire non au star système, à ses contraintes et à ses excès.
Dans un chapitre précédent, je mentionnais qu'une personne, dans le milieu du cinéma, était restée en contact avec Laurie Zimmer. Cette personne, ce fut Jean Eustache qui lui voua jusqu'au bout une grande tendresse. D'après le fils du réalisateur, Eustache aurait passé un coup de fil d'adieu à Laurie, quelques minutes seulement avant son suicide.
A travers ses souvenirs et par le biais d'images d'archives inédites, Charlotte Szlovak fait revivre son actrice fétiche dans un film tout en nuances et retenue. Troublant et nostalgique, Do you remember Laurie Zimmer ? oscille entre deux époques et deux univers. Rare dans tous les sens du terme, ce documentaire se révèle passionant de bout en bout.

Note: 16/20


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