TONNERRE : Magaigne Blues

Un rocker sentimental qui retourne chez un père fantasque et rencontre une jolie jeune fille. Dans la ville imaginaire de Tonnerre…

C’est marrant de voir comment Guillaume Brac est vraiment attaché aux saisons. Après l’avoir quitté en pleines vacances d’été avec Un monde sans femmes – un moyen métrage déjà avec Vincent Macaigne, le revoilà en pleines vacances de Noêl dans la glaciale ville de Tonnerre pour nous raconter le retour chez son père de Maxime, un rockeur parisien qui fait la rencontre de la jeune et jolie Mélodie, trop jeune, trop fraiche et pas assez sûre d’elle pour lui.

Etrange aussi de voir comment l’ombre de Vincent Macaigne plane sur le cinéma français « d’auteur » depuis justement Un monde sans femmes. Comme l’impression que ses films sont eux aussi de saison et vont par paire (2 automnes 3 hivers de Sebastien Betbeder est sorti quelques semaines avant Tonnerre et l’été 2013 aussi a été marqué par La fille du 14 juillet et La bataille de Solférino, 2 films avec Macaigne)

Tout cela mis à part, Tonnerre était l’occasion pour Guillaume Brac de confirmer ou au contraire de convaincre les sceptiques qui ont vu Un monde sans femmes et dont nous faisons partie. Coup de force réussi pour ce premier long-métrage qui joue des codes narratifs, passe du comique au psychotique et s’impose là où beaucoup de films français « d’auteurs » échouent: à construire un réel univers imposé par une maitrise de ses codes et son identité visuelle.

C’est justement cette maestria dans la description de cette ville toujours sous la neige qui donne corps à cette chronique provinciale et sentimentale entre une jeune lycéenne naïve et un trentenaire musicien un rien banale. Brac parvient à capter le moindre mouvement de cette ville de Tonnerre, de ses commerçants, de sa communauté, de ses lacs, des décors romantiques à la manière d’un documentaire mêlé d’un tableau gothique. Le cadre parfait pour une idylle naissante entre Maxime et Mélodie jusqu’a ce que tout bascule et que le film prenne un tour inattendu – ou presque. IL se retrouve sans nouvelles d’ELLE et IL va péter les plombs après une série d’appels et textos sans réponse. Et c’est là que le film change de cap et prend une ampleur autrement plus inquiétante; dans le surgissement de cette violence dans cette Bourgogne paisible et sans histoires. Brac a cette intelligence de ne jamais juger ce personnage de Maxime, pris dans sa spirale de violence, de déçu amoureux qui décide de « passer à l’acte » (on n’en dira pas plus) et faire basculer le récit vers film noir tout en restant humain et digne d’empathie. Dommage que la complexité et le charisme de Maxime ne déteigne pas sur Mélodie, son homologue féminin. Certes, Solène Rigot est très jolie – elle incarne un peu cette nouvelle figure de la « potiche naturaliste » qu’affectionne le ciné français – mais Brac ne lui donne à jouer qu’un archétype, celui de la jeune fille porteuse de rédemption, de renaissance qui s’avère être aussi une femme objet de désir et donc de frustration et donc de malheur. Dommage aussi de ne lui pas avoir donné d’existence propre et ne pas la déléguer au rang de fantasme…

On aurait aimé retrouver la même force d’écriture que celle de Brac déploie dans le portraits des « héros » masculins. Macaigne – peut-être sa meilleure intérprétation – montre ici qu’il peut facilement passer d’un registre à l’autre tout en douceur et nuances et forme avec le géant Bernard Menez la véritable histoire d’amour du film.

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