En seulement deux ans, son nom s’est banalisé dans le milieu du rap français et si vous ne le connaissez pas encore c’est que vous êtes passés à côté du « Louis XIV » de Joke, « Ailleurs » de Nemir & Deen Burbigo ou encore « MTP Bop a Lula » de Set&Match. La caméra à fleur de peau, Valentin Petit a de l’ambition et une vision de son travail bien précise. Nous l’avons rencontré pour vous au Workshop Paris, accompagné de son pote Nairone. Il nous a parlé de son job à plein temps, de sa nouvelle vie parisienne, de ses collaborations et de ses projets à venir, le tout autour d’un bon mojito.
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« J’ESSAYE VRAIMENT DE M’ÉLOIGNER DES CLICHES DU RAP… »
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Union Street : Présentes toi brièvement pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore.
Valentin Petit : Valentin Petit, 23 ans, sur Paris depuis quelques mois. Je tourne beaucoup dans le milieu du rap, un peu dans l’électro et j’essaye de développer mes projets personnels à côté plutôt dans le court-métrage.
US : J’ai lu et vu pas mal d’interviews de toi et il y a un mot qui me vient directement à l’esprit quand on observe un peu ton parcours, c’est « adrénaline ». Qu’est-ce que tu en penses ? Est-ce que ça te convient ?
VP : Je trouve ça complétement justifié, car comme tu as pu certainement le voir, à la base je viens du milieu des sports extrêmes. J’aime beaucoup la prise de risque, la mise en danger et c’est un sentiment que je ressens de plus en plus aujourd’hui dans mon métier qui est la réalisation vidéo. Je prends plus de risques, je commence à avoir des clients vraiment professionnels et chaque projet que je sors est une remise en question personnels car c’est MON travail maintenant et je ne peux plus me planter… J’aime aussi voyagé, bougé et ce côté très « speed » j’essaye de l’avoir aussi dans mon travail avec des mouvements de caméra un peu particuliers etc…
US : Tu parles justement de ta manière de filmer et c’est vrai que dans tes réalisations on remarque un vrai travail de l’image avec des plans très contemplatifs, parfois lents, qui pourrait s’apparenter au travail de photographe et qui diffère de ce que l’on peut voir dans les clips de rap habituellement plus saccadés. Comment est-ce que tu entretiens ce rapport à l’image ?
VP : Comme tu dis, j’essaye vraiment de m’éloigner des clichés du rap, des plans très saccadés, très dynamiques et très saturés parce que je trouve que c’est un peu choisir la facilité. Je préfère donner une esthétique photographique avec des plans bien composés, utiliser les lignes de forces…Donc c’est vraiment un partie pris totalement assumé car cela me permet de ne pas prendre trop de marge sur la post production et vraiment bosser la pré production et tout le travail préparatoire en amont pour ressortir vraiment une très belle qualité et un côté cinématographique. J’aime réfléchir à un scénario, une ligne directrice, car c’est vers cela que j’aimerais tendre : le cinéma. J’aime les choses très pures et j’essaye justement de rejeter les codes du street-art, très remplis, pour m’attacher plutôt à la pureté des lignes, l’architecture, un travail sur les formes, le jeu d’acteurs…Tout cela se met en place petit à petit mais le but est d’avoir un esthétisme très raffiné, plus proche des clichés de la mode ou du long-métrage.
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« JE ME CONSIDÈRE ENCORE EN PHASE D’APPRENTISSAGE… »
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US: Tu parles justement de mode et j’ai vu sur ton site que tu avais déjà un pied dans le milieu. Est-ce que tu peux nous parler un peu de cette expérience ?
VP : En effet, j’ai travaillé avec le magazine Antidotes et avec le photographe JAN WELTERS puis avec la marque ELIE SAAB, qui est une marque de luxe… C’est un milieu que je trouve très intéressant, qui ne comporte pas les mêmes codes, où justement il y a un travail préparatoire sur ce que l’on veut évoquer, ce que l’on cherche à faire ressentir et ça c’est très intéressant car quand on joue la carte du minimalisme, ça peut vouloir dire énormément de choses et ce sont tous ces petits détails qui font de belles choses. Je crois que c’est dans le détail qu’il faut savoir travailler aujourd’hui.
US : Tu revendiques un certain éclectisme dans tes choix artistiques (mode, musique, sports extrêmes…). Comment est- ce que tu travailles ton style et comment est-ce que tu entretiens ta personnalité dans tout ça ?
VP : C’est vrai qu’à travers ces différentes réalisations j’essaye de vraiment dégager une « patte », même si je trouve le terme un peu prétentieux car je me considère encore en phase d’apprentissage… Je suis jeune et j’ai encore beaucoup de choses à faire et à me prouver à moi-même… Mais c’est vrai que je travaille beaucoup avec les couleurs désaturées , même si j’essayes de sortir un peu de ce créneau là car beaucoup de gens font ça aujourd’hui. J’ai vraiment envie d’aller vers quelque chose qui s’apparente plus à la photo et c’est vrai que l’on peut vraiment se démarquer des autres en produisant beaucoup, avec beaucoup de gens différents, comprendre ses points forts et ses points faibles et savoir dans quel domaine on se sent le plus à l’aise. Je sais que j’aime beaucoup travailler avec le corps féminin et avec cet esthétisme très pur, très froid, un peu à la LARS VON TRIER qui fait des images avec un minimum de post production et des plans très beaux, avec beaucoup d’émotions… Après, comment avoir une « patte »…Je ne sais pas trop, je pense qu’il faut beaucoup travailler, produire de nombreuses choses mais cela met du temps et pour ma part ce n’est que le début !
US: Tu viens de nous parler de LARS VON TRIER, je voulais justement te demander quelles étaient tes influences et références visuelles ?
VP : Il y en beaucoup, mais c’est vrai qu’en terme de vidéo il y a LARS VON TRIER, STANLEY KUBRICK ou encore QUENTIN DUPIEUX. Ce sont des réalisateurs qui m’ont vraiment marqué et qui continuent à me marquer…Dans la pub j’aime beaucoup ce que fait ROMAIN GAVRAS, ses court-métrages, ses long métrages aussi… En photographie, je suis très inspiré par les photographes des pays de l’est, leur travail sur la matière, le béton et la nature. Ils ont un style un peu « dirty » que j’aime particulièrement et c’est pour ça que j’aimerais bouger à l’étranger pour me tester dans d’autres pays, voir s’ils sont réceptifs à ce que je fais. C’est pour ça que j’ai vraiment envie de voyager en ce moment.
US : Le côté « dirty », sale, c’est quelque chose que tu peux retrouver dans le rap, dans l’attitude etc…
VP : Oui et parfois dans les paroles aussi… Ce que j’aime beaucoup c’est comme faisait KUBRICK, utiliser ce côté « dirty » avec une imagerie raffinée, faire des sous-entendus, tout est implicite mais en fait assez malsain et c’est vraiment ce côté-là de la réalisation qui m’intéresse… L’image peut se lire de deux façons différentes, tu peux t’arrêter à l’esthétisme pur, beau et propre, et quand tu te poses un peu plus tu peux lire derrière les images ou le son…Il y a un côté qui peut déranger et c’est ça qui est intéressant dans ce travail.
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« JE TRAVAILLE MAIN DANS LA MAIN AVEC LES RAPPEURS CAR C’EST UNE AVENTURE HUMAINE AVANT TOUT… »
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US : Tu as réalisé des clips pour pas mal de révélations rap de ces dernières années (Joke, Set&Match, A2H, Deen Burbigo, Némir,…). Qu’est-ce que tu penses de cette nouvelle vague ?
VP : Je trouve ça très cool et cette nouvelle génération de rappeurs m’a fait vraiment aimer le rap. C’est vrai qu’étant plus jeune je n’étais pas vraiment un adepte de ce genre de son parce que j’avais tout de suite le cliché des rappeurs que l’on mettait en avant médiatiquement et qui n’était pas forcément les plus représentatif de cette culture. Je suis un peu rentré dans ce milieu par un artiste comme GREMS, qui m’a mis une grande claque quand j’ai écouté ce qu’il faisait. J’ai pu étendre mon réseau au fur et à mesure des collaborations et tout ce que je filme j’en suis fier, ce sont des gens que j’écoute en dehors des clips que l’on tourne ensemble. Je m’intéresse beaucoup à ce qu’a fait l’artiste avant de travailler avec lui, pour voir son état d’esprit, son évolution ou vers quoi il veut tendre pour pouvoir être raccord et avoir un produit fini qui soit en rapport avec ce qu’il fait et avec ce que j’aime moi aussi.
US : Comment est-ce que tu travailles avec les rappeurs ? Est-ce que tu leur apporte une imagerie ou est-ce qu’ils savent généralement ce qu’ils veulent ?
VP : Ça dépend ! Des fois je m’exécute et je me cantonne à l’ordre d’idée déjà mis en place par l’équipe du rappeur ou du groupe ou alors, par exemple, avec Némir, j’ai souvent carte blanche sur la direction artistique, ce qui me permet vraiment de m’exprimer… C’est après, en post-production, qu’ils guettent tout ce qui est lié à leur attitude, leur image mais, en général, s’ils font appel à moi c’est qu’ils savent ce que je fais et ils me laissent une certaine autonomie sur les projets… J’aime avoir une part de création dans l’exécution de mon travail et travailler main dans la main avec les rappeurs car c’est une aventure humaine avant d’être un projet professionnel.
US : On a cru comprendre que tu avais travaillé avec KAARIS, LA révélation rap de 2013. Parles-nous un peu de cette rencontre.
VP : Cela s’est fait via HK Corp qui est une boîte de production qui cherchait un réalisateur pour faire le clip du morceau « Bouchon de liège » et on m’a branché sur le projet. Tout c’est très bien passé, on a tourné sur une journée avec pas mal de figurants, beaucoup de monde sur le plateau, un assez gros tournage. Malheureusement la vidéo ne sortira pas pour des raisons de droits de figuration et c’est assez dommage mais j’imagine que l’on pourra se rattraper sur d’autres projets. KAARIS est un très bon gars et j’espère qu’on aura l’occasion de retravailler ensemble sur un titre car j’ai des belles photos et des bons souvenirs de ce tournage !
US : Tu te considères encore comme un apprenti, comme tu le disais, et tu as pourtant fait tes preuves en très peu de temps. Est-ce que c’est ça qui te permet d’avancer ?
VP : Je pense que vais apprendre toute ma vie et je suis jeune, j’ai encore beaucoup de choses à faire et c’est pour cela que j’accepte beaucoup de projets différents à l’heure actuelle pour me tester, voir de quoi je suis capable, rencontrer des gens… Je suis de plus en plus entouré de professionnels, aussi bien au niveau de la lumière que pour la réalisation et la production. Il faut y aller « step by step », étape par étape, pour me professionnaliser et je pense que c’est le jour où je considérerais être à mon top que je me planterais donc je préfère me dire que j’ai encore de nombreuses choses à apprendre. J’adore la vidéo, je suis un vrai goinfre de projet et ce métier me permet de progresser et de rencontrer pas mal de gens. C’est vrai qu’aujourd’hui la progression entre deux projets est plus infime mais je la ressens sur le long terme et il est évident que j’ai plus d’aisance à ce jour… Il y a une grosse part de psychologie dans la réalisation, il faut savoir ce que tu veux avant de tourner, tu ne peux pas te permettre de prendre des projets de plusieurs milliers d’euros si tu te sens fébrile sur la réal’ ! J’y vais progressivement, les budgets montent petit à petit et pourvu que ça dure quoi ! Depuis que je suis à Paris, c’est plus facile pour les contacts et j’ai la sensation que le fait d’être à Paris te rend aussi plus professionnel. C’est une super expérience et je pense rester 1 ou 2 ans ici puis aller voir ce qu’il se passe aux Etats-Unis…
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« 2014 VA ETRE UNE ANNÉE DE VOYAGE, J’AI BEAUCOUP DE PROJETS A L’ETRANGER… »
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US : Justement on parlait d’adrénaline tout à l’heure et Paris est une ville pleine d’adrénaline, qu’est que ça t’inspire cette ville ?
VP : Quand je vois le rythme des gens ici et leur productivité je me dis parfois que je suis en dessous et ça me met la pression … Tu peux appeler des gens pour tourner à 3h du mat’ et débloquer des situations très rapidement donc je n’ose même pas imaginer ce que ça doit être aux Etats Unis… Tout ça me donne encore plus d’ambition et m’a ouvert les yeux sur ce travail. Je suis vraiment dans le cœur de l’action et je vais tout faire pour suivre le rythme et pas me faire dépasser.
US : Parles nous un peu de tes projets à venir.
VP : Beaucoup de projets ! Je vais toujours essayer de tendre vers cette esthétique plus raffinée dont on parlait tout à l’heure, m’entourer de personnes compétentes pour proposer toujours des choses inattendues et ne pas me reposer sur mes acquis… Avancer, avancer et surtout voyager car 2014 va être une année de voyage, j’ai plusieurs projets à l’étranger.
US : Des ambitions de long métrage ?
VP : Avant le long métrage il y aura le court métrage que je prépare doucement dans ma tête… Je ne veux pas me griller donc je vais m’investir dans la réal’, faire mûrir mes idées car les gens retiennent souvent plus le négatif que le positif…Je regarde pas mal de films en ce moment, j’ai quelques idées malsaines que j’espère pouvoir mettre en image (rires)… Même si c’est un tout petit budget, une petite équipe, je serais fier de défendre ce genre projet.
US : Petit mot de fin.
VP : J’espère que ça va bien continuer pour vous, je vous suis depuis le début et votre site est vraiment complet donc bonne continuation ! Big Up !
Interview : David Dupoirieux
Photo : S.Accaries
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