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Dallas Buyers Club, quand l’espoir fait vivre (du moins plus longtemps)

Publié le 12 février 2014 par Wtfru @romain_wtfru

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Comment réussir un film traitant du Sida, de ses malades, de ses premiers clichés sans verser dans le pathos primaire ? La réponse: Dallas Buyers Club.

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Après C.R.A.Z.Y ou Café de Flore, deux films plutôt réussis, le réalisateur québécois Jean-Marc Vallée tient là sa première œuvre majeure. Et il le doit tout autant à son histoire (vraie), à son scénario qu’à l’énorme performance de ses deux acteurs principaux.
Dallas Buyers Club relate le double combat dans les années 80 de Ron Woodroof, cow-boy texan d’une trentaine d’années avec tout ce que cela comporte de stigmate (homophobe, jureur, baiseur, drogué, alcoolique), contre le Sida et les traitements mis en place par les compagnies pharmaceutiques. Un combat également contre les préjugés, la discrimination et les recherches d’une époque où la maladie n’en est qu’à ses balbutiements.
Alors que son médecin lui apprend qu’il ne lui reste que 30 jours à vivre et refuse de le mettre sous les premiers traitements à l’AZT, Ron va commencer un long chemin dans la contrebande de médicaments disponibles à l’étranger et à l’efficacité prouvée, en compagnie d’un transsexuel, Rayon, lui aussi séropositif et d’un autre médecin de l’hôpital, Eve Saks avec qui il forme le premier Dallas Buyers Club. Quitte à se mettre hors des lois et à attirer l’attention de la FDA (organisme qui autorise ou non la commercialisation des médicaments sur le territoire américain).

En choisissant une voie un peu « rock’n'roll » et underground pour évoquer un tel sujet, « DBC » évite le conventionnel et le too much – peut être à l’exception des dernières minutes – que l’on peut retrouver dans ce genre de films dit sensibles.
L’évolution de Ron est plus centrée sur son acceptation de la maladie, de son envie de se battre contre en défendant la cause de tous les autres contaminés plutôt que sur la détérioration de son état qui aurait eu quelque chose de forcément plus larmoyant. Évidemment, on voit sa carcasse morfler tout du long mais jamais dans de grands râles insoutenables, jamais au détriment de l’histoire première.
Au contraire, il se dégage une espèce d’humour cynique comme cette scène cocasse (grâce à un beau geste technique de réalisation) où l’on pense Woodroof en train de prier dans une église alors qu’il est dans un strip-club. 
Ce sentiment est renforcé autour du duo improbable formé par le cow-boy macho et le transsexuel piquant dans un jeu du chat et la souris apportant, si ce n’est une légèreté, une forme de lucidité rafraichissante. Oui ils se savent condamnés, oui la vie est cruelle mais ils restent avant tout des gens qui ont aussi des envies de marrade.

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Une histoire de fond, une mise en forme intelligente loin du formatage et donc un duo qui porte le tout. Car il faut parles des performances absolument géniales de Matthew McConaughey et Jared Leto. Le premier, on vous l’a dit lundi, marche sur les sentiers de la gloire actuellement et devrait en toute logique remporter l’Oscar du meilleur acteur en mars prochain (il a déjà pris le Golden Globes), venant récompenser deux trois années cinématographiques de haute volée. Il y a d’abord ces 25 kg de perdu (et c’est tout Hollywood et les rom-com qui pleurent les muscles du blondinet) pour s’imprégner du rôle. Il y a également cet accent texan imbitable qu’il a fallu reprendre, lui l’enfant de l’état chéri de la famille Bush,  et puis cette voix tordue lui permettant de jouer les alcoolo-drogués à la perfection. Jamais en sur-jeu, détestable puis attachant, il donne une profondeur supplémentaire au personnage entre style à la cool et apathie physique.
En face, Jared Leto ne dépareille pas. Alors qu’on ne l’avait plus vu sur un plateau ciné depuis quelques années, il revient par la grande porte avec ce qui ressemble fortement à sa meilleure prestation, favori là aussi aux Oscars, pour le titre de meilleur second rôle (déjà pris aux Golden Globes également). Lui qui peut si vite être agaçant est ici époustouflant en transsexuel junkie à la fois torturé et déconneur. Sa gestuelle et sa voix sont d’un époustouflant réalisme. Il ne s’amuse pas non plus à surjouer la tata du coin, s’appuyant sur son physique plutôt androgyne à la base.

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En un peu moins de deux heures, DBC réussit à créer émotion, compassion mais surtout un sentiment d’empathie pour tout ces rejetés de la société de l’époque qui ont plus souvent servi de cobayes pour des labos et médecins qui n’avaient pas encore toutes les cartes en main pour apprivoiser le virus. Il y a forcément un parti pris, on peut même parler d’un élan de communautarisme mais qui sert ici à la bonne cause.
Parfois un bon film n’a besoin ni de technique, ni d’esthétique, ni de grands moyens (budget de 5 millions de dollars pour 25 jours de tournage). Il suffit de croire en son histoire et de savoir la vendre à son public grâce à des acteurs convaincants. C’est aussi ça le cinéma.

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