Attention au choc : un film sur une femme qui bat son mari ! Attention aux raccourcis, surtout, car L'un contre l'autre traite avant tout de l'usure d'un couple qui n'arrive plus à trouver des raisons de faire semblant. Ensuite, certes, madame fiche quelques peignées à monsieur, mais cette violence physique n'est finalement pas le point névralgique du film. Point de film-choc à se mettre sous la dent, juste un drame bien poisseux et désespéré. Et un film typiquement allemand, dans le sens le plus cliché du terme. La mise en scène est inexistante, les couleurs moches et baveuses, les intérieurs des appartements plus laids que partout ailleurs. Pour faire encore plus dans la facilité, on dira que L'un contre l'autre partage une certaine idée de l'esthétisme avec la série Derrick. Au moins, on est sûr que la forme ne prendra pas le pas sur le fond.
Oui, mais le fond, justement, n'est lui non plus pas extraordinaire. Les personnages sont horripilants et relativement prévisibles : la femme ultra-dépressive et insupportable pour ses proches, les enfants ingrats, les grands-parents garants de l'ordre moral et de la réussite financière... et, surtout, Georg, sorte de gigantesque chiffe molle sans réaction ni intérêt, tellement insipide et agaçant qu'on en viendrait presque (j'ai bien dit presque) à comprendre que sa femme le cogne. Refusant toute compassion ou empathie, le réalisateur Jan Bonny nous laisse à l'extérieur de son film, si bien qu'on se contrefiche vite de ce qui va arriver à ce couple en crise. D'autant que la destinée de ces deux pauvres âmes n'est pas bien difficile à deviner : évidemment non, les choses ne vont pas s'arranger, et oui, en effet, la violence engendrera la violence. Devant cette tiédeur et cette absence criante d'audace, on regrette amèrement de ne pas avoir eu droit à un film sordide mais engagé, dans la lignée par exemple de l'irrespirable (mais captivant) Seul contre tous de Gaspar Noé.
3/10