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Immigration, entre démocratie directe et fédéralisme

Publié le 16 février 2014 par Chroom

ImmigrationComme beaucoup, j’ai été surpris par le résultat de la votation sur la limitation de l’immigration massive. Certes la libre circulation des personnes a des effets bien réels sur nous tous et j’en ai déjà très souvent parlé sur ce blog : pression sur les salariés, sur leurs salaires, course au profit coûte-que-coûte, congestion des infrastructures de transports, etc. Depuis l’ouverture des frontières notre vie à tous a changé, avec un stress de plus en plus important à supporter dans le cadre de notre vie professionnelle, des journées de travail qui s’allongent, suivies d’interminables heures à passer cloisonné dans sa voiture en plein embouteillage. Le temps passé à domicile avec sa famille est de plus en plus court et même durant ces instants, les soirées, le week-end, on est encore dérangé sur son smartphone. Oui, c’est vrai, la vie a changé, et pas forcément en mieux. En tout cas pas pour la classe moyenne, c’est certain.

Je comprends donc ceux qui ont voté en faveur de cette initiative, car contrairement à ce qu’affirment les gardiens des dogmes européens à Bruxelles, la libre circulation n’a pas que des effets positifs pour la population, même si d’un strict point de vue économique elle a tout son sens. Ma volonté de sortir de la Rat Race, de briser les chaînes, figure d’ailleurs comme une réponse individuelle aux effets néfastes de cette liberté de circuler. Néanmoins, je suis un libéral dans l’âme et j’ai toujours considéré les contraintes étatiques comme néfastes. Certes, la libre circulation a des effets pervers, mais donner des pouvoirs supplémentaires à l’Etat (et donc en enlever à la liberté d’entreprendre) est pire encore. Il s’agit donc d’une mauvaise solution donnée à un réel problème.

Il y a eu déjà suffisamment de points de vue échangés entre partisans et opposants à cette initiative et je ne vais donc pas en rajouter une couche. Par contre il y a deux éléments, qui n’ont pas encore été relevés et qui m’interpellent. Le premier a trait à la démocratie directe, le deuxième au fédéralisme.

La démocratie directe

Que l’on soit satisfait ou déçu par le résultat de cette votation, il faut bien avouer une chose : la démocratie directe dont bénéficie le peuple suisse est un cadeau unique et fantastique. N’importe quel autre peuple au monde devrait défiler, protester, faire la grève, commettre des attentats ou même se lancer dans une guerre civile pour obtenir des changements aussi fondamentaux dans la gestion de leur pays. En Suisse les révolutions se passent en silence, dans les urnes. On a même quelques fois l’impression de ne rien voir venir, comme c’est le cas aujourd’hui.

Bien entendu, la majorité n’a pas toujours raison. C’est d’ailleurs ce que beaucoup se disent en ce moment, notamment parmi les élites politiques et économiques. C’est ce dont j’essaie de me convaincre aussi quelque part. Mais en décembre 1992, lors du refus du peuple suisse d’intégrer l’Espace Economique Européen, toutes les personnes favorables à la votation avaient déjà pensé la même chose, moi le premier. Et l’histoire a quand même finalement donné raison à la majorité.

Tout est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Ceux qui ont voté en faveur d’une limitation de l’immigration massive ne sont pas des demeurés qui ne comprennent la portée de leurs actes. La démocratie directe suisse possède une longue histoire et les gens votent au plus près de leur conscience, en prenant le temps de s’informer, de discuter et de réfléchir aux conséquences de leur choix. La preuve, ils sont capables de dire non à des vacances supplémentaires… Certaines élites à Bruxelles affirment que laisser le peuple s’exprimer à ce sujet est une erreur, car les gens n’ont pas assez de maturité, de recul et de connaissances pour le faire. Je pense au contraire que les citoyens peuvent prendre ce genre de décisions de manière bien plus réfléchie que les dirigeants européens qui siègent dans leur tour d’ivoire. Donc, si on est pas d’accord avec le peuple, plutôt que de le critiquer, on ferait mieux de réfléchir aux raisons qui l’ont amené à voter ainsi.

Le Fédéralisme

En plus de la démocratie directe, la Suisse est gérée selon une structure fédéraliste, avec des Cantons qui bénéficient d’une autonomie relativement importante. Beaucoup d’élus suisses romands, opposés à l’initiative sur l’immigration massive, s’insurgent en ce moment à propos de cette votation qui va imposer des restrictions dans tout le pays et pour tous les cantons, alors même qu’une bonne partie d’entre eux y étaient opposés. Certains conseillers nationaux réclament une application distincte de l’initiative en fonction des votes des cantons. On pourrait ainsi attribuer des quotas plus élevés aux cantons favorables à l’immigration. Paradoxalement certaines régions, favorables à l’initiative, sont les premières à réclamer des quotas généreux…

On peut comprendre le point de vue des élus qui réclament une application distincte du vote. Comment expliquer qu’une initiative lancée par un seul parti et soutenue seulement par une partie du pays s’applique à l’ensemble des cantons ? C’est une attaque en bonne et due forme aux valeurs fédéralistes de la Suisse.

Mais alors, pourquoi ces mêmes élus ont considéré comme tout à fait normal le résultat du vote sur l’initiative Weber ou sur la Loi sur l’aménagement du territoire ? Si on veut préserver le fédéralisme, on doit le faire pas seulement quand ça nous arrange, mais dans tous les cas. Il est triste de constater que les élus et les médias romands ne montent aux barricades que lorsqu’ils sont personnellement concernés…


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