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Robert Adams, topographe nostalgique

Publié le 16 février 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

En 1983, le cinéaste Wim Wenders entreprend un voyage de deux à trois mois aux Etats-Unis, voyage au cours duquel il parcourt de long en large l'Ouest américain, en préparation de son film "Paris, Texas". S'étant équipé de son appareil photo pour son plaisir personnel, très vite, en photographiant ces paysages, cette lumière, il prend conscience  que c'est une autre manière de préparer son film, une autre forme de recherche qui s'offre à lui, non seulement pour trouver les sites de tournage mais également pour saisir la lumière de l'Ouest .

Robert Adams, topographe nostalgique

"Outdoor Theater, Colorado Springs" 1968 Robert Adams

" L'Endroit où nous vivons"

C'est cette sensibilité que l'on retrouve, me semble-t-il, dans "L'Endroit où nous vivons", l'exposition des photographies de Robert Adams au Jeu de Paume à Paris. Avec l'apparente neutralité d'un repérage cinématographique, le photographe américain établit un état des lieux dans une Amérique  qui, des années soixante à nos jours, voit son cadre changer sans peut-être l'avoir vraiment décidé. Robert Adams, depuis quarante ans, photographie les paysages de l'Ouest américain. C'est le paradoxe de ces petits formats exposés aujourd'hui. On pourrait s'attendre à des tirages photographiques à l'échelle de cette démesure. Il faut plonger dans ces petits formats pour appréhender l'espace capté par le photographe. Dans cet Ouest américain, ce n'est pas le photographe qui saisit le paysage, c'est le paysage lui-même qui happe le regard du photographe dans le vertige de son immensité.
Robert Adams n'est pas à l'affut d'un cadrage sophistiqué. Il s'en tient à une forme d'objectivité dont on sait bien, pourtant, qu'elle n'existe pas. Le photographe n'est pas objectif. Il a un objectif. Souvent, il s'attache à une géométrie des formes qui n'est pas sans rappeler les photos d' Eva Besnyö que le Jeu de Paume présentait en 2012.

"Paris,Texas"

Robert Adams, topographe nostalgique

"Pikes Peak, Colorado Springs" 1969 Robert Adams

Même immobile, la photographie d'Adams  rappelle cette atmosphère des films de  Wim Wanders, ces jours de lenteur, peut-être accablés par une chaleur écrasante. Il suffit de poser les modulations de la sublime guitare de Re-Coorder extraite de "Paris,Texas"  sur les photographies de Robert Adams pour vérifier  combien ce mariage image-musique colore avec la même nostalgie les paysages et les lieux captés tout au long de ces années de pérégrinations. Mais, au-delà de ces concordances avec les images de  Wim Wanders, Robert Adams souhaite donner à sa démarche une fonction sociale.

Les « Nouveaux topographes »

Associé à ceux qui furent dénommés dans le années soixante dix, les « Nouveaux topographes » Robert Adams entend prendre en compte l'impact des hommes sur cet Ouest dont il fait le reconquête :
"À travers son travail, Adams se livre à un plaidoyer saisissant en faveur d’une approche humaniste de la photographie tout en exhortant ses concitoyens à ouvrir les yeux sur les dégâts infligés à notre habitat collectif."
C' est peut-être dans cette double dimension que le travail du photographe trouve toutes ses qualités : la distante investigation documentaire sur un paysage parfois agressé par les hommes et, simultanément, les  poétiques et nostalgiques repérages dans cet  Ouest américain dont il veut préserver la mémoire.

Robert Adams
"L'endroit où  nous vivons"
11 février- 18 mai 2014
Jeu de Paume
1 place de la Concorde
75008 Paris


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