photo issue du carnet de présentation de l’œuvre fait par le th'N
Léonte, roi de Sicile, a tout pour être heureux : Hermione, sa femme splendide qu'il aime et qui partage ses sentiments, un fils Mamillius et un bébé qui s'annonce sous les meilleurs auspices. Enfin, cela, c'est vite dit car à l'occasion d'un séjour sicilien de Polixène, roi de Bohème et frère de sang de Léonte, ce dernier doute de la fidélité d'Hermione et par conséquent de sa propre paternité vis-à-vis de l'enfant qu'elle porte. Malgré l'assurance de tous (Hermione et Polixène outragés, la cour qui défend le comportement exemplaire de la reine, les Dieux et en particulier Apollon par l'intermédiaire de l'oracle de Delphes), Léonte s'enfonce dans une jalousie furieuse qui bien sûr détruit l'équilibre familial sur son passage. Mais parfois des miracles arrivent (mais ne règlent pas toutes les morts).Scindée en deux étapes, cette pièce montre une grande modernité de la part de William Shakespeare : critique d'une royauté despotique (ici, Léonte "bousculé" et retranché dans ses convictions par ses courtisans), dérapage du début tragique en fin comique (avec retournement de situation digne de Feydeau), union d'un héritier royal avec une pseudo-roturière, intervention du Temps qui montre et résume son action en seize ans, humour et légèreté dans ce texte à début sombre etc. Il n'empêche que j'adhère moins à la fin qui m'a paru invraisemblable : c'est vrai qu'on vit dans un conte mystique, philosophique aussi. Dire que l'histoire s'achève dans le bonheur le plus total oublierait bien vite le deuil d'un petit garçon.
Quant à la mise en scène de Patrick Pineau, il y a plusieurs éléments notables :
- des décors sobres et des costumes élégants, un jeu d'acteurs inégal ( avec parfois des aboiements qui rappellent le théâtre d'antan : il me semble qu'on peut jouer la menace sans hurler. Une très bonne Paulina- Aline Le Berre sauf lorsqu'elle incarne le Temps )
- un usage abusif du micro-Temps très sonore (soit Patrick Pineau considère son audience composée de personnes à l’ouïe endommagée, soit il entend mal), idem pour la partie Voici-Closer (oui, oui, la presse people s'invite aux retrouvailles) : la vidéo m'a semblé surexploitée. Passée la surprise (qui a le don de réveiller l'auditoire et de le faire rire), les témoignages filmés appesantissent le récit.
- des intermèdes rock sympas mais là encore inaudibles (sauf avec des boules quiès : pensez à vos oreilles !)
- l'écran central n'a d'intérêt qu'au moment des interventions de Mamillius, lors de la promenade de Hermione en compagnie de Polixène ou la revue de presse. Le reste du temps, il me semble inutile et inapproprié (l'image télévisée détourne l'attention sur la scène), sauf pour montrer au public que le metteur en scène connaît d'autres vecteurs de communication, comme s'il voulait concentrer toutes les techniques en une seule pièce : un
- un choix audacieux de burlesque et de bouffonnerie en seconde partie, qui a pu plaire au public : je suis restée insensible. Non pas que rire m'indispose (au contraire : j'ai aimé cette façon de Shakespeare d'avoir su détourner le rythme de la tragédie), mais la prestation proposée m'a paru too much (exceptée l'apparition de la famille ourse bien venue) : les acteurs surjouent lors de l'anniversaire de Perdita ou la découverte du mausolée d'Hermione.
En résumé : du très bon, du moins bon, des éléments intéressants dans la mise en scène et d'autres dont on pourrait se passer sans rien enlever au rythme, ni à la fantaisie.
Le conte d'hiver deWilliam Shakespeare metteur en scène :Patrick Pineau
durée du spectacle (au moins trois heures ) : 1h25 + 15-20 m d'entracte + 1h25
et un de plus pour le challenge d'Eimelle