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Tuer

Publié le 20 février 2014 par Olivier Walmacq

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l'histoire : Un homme solitaire se met au service d'un maître afin de lui servir de garde du corps. Lors de la mort de ce dernier, il se fait hara-kiri.

la critique d'hdef :

Kenki Misumi est surtout connu pour ses Baby Cart, au nombre de 6 (le n°2 étant souvent considéré comme le meilleur). Mais comme souvent, réduire le cinéaste à cette saga culte qui intervient de surcroit en fin de carrière, est extrêmement réducteur, car Misumi possède un style incomparable (enfin si, quand même) qui s'est exprimé bien plus de fois que dans 6 Baby Cart. Un art du silence, du non-dit, un art de la lenteur, et de la conception de l'écran comme d'un espace à exploiter par des couleurs vives sidérantes qui captent l'attention du spectateur avec une audace plutôt rare. Vous l'aurez compris, pour moi, Kenji Misumi est un des plus grands cinéastes japonais des années 60.

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Et vu que j'aime beaucoup le cinéma
japonais et la poésie nippone (mais sur ce plan je ne suis qu'un vulgaire amateur), j'ai très envie de parler de Tuer ! qui est pour moi le meilleur film de Misumi, le must du must ! Tout d'abord, ce qui frappe dans Tuer !, c'est déjà l'introduction : un combat sauvage entre deux femmes (sorte de From Russia with Love au pays des samouraïs !!), dont l'une finit par tuer l'autre. On apprend qu'il y a une affaire de rivalité entre gangs liée à ce meurtre (qui ouvre le film, quand même !). Et parlons-en de cette scène de meurtre !

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Filmée en gros plans sur les visages des deux femmes, visages par lesquelles une haine mutuelle semble transpirer, Misumi adopte une réalisation posée à contrario avec la sauvagerie de la scène qu'il filme. En un certain sens, tout comme la distance que prenait Oshima pour les scènes de sexes dans L'Empire des Sens, la plupart des scènes étant de ce fait filmée d'un point de vue objectif, c'est à dire du point de vue d'un personnage qui n'est pas en train de... enfin vous m'avez compris !
Passé cette scène d'introduction impressionnante, Misumi reprend un de ses thèmes fétiches : l'enfance traumatisée ! Car la jeune femme qui vient de commettre le meurtre a été mise à mort par son mari... avec qui la femme en question a eu un gosse !! Forcé de tuer sa femme, l'homme abandonne le garçon. Le thème de l'enfance troublée revient très souvent chez Misumi : il y a l'enfant permettant de commettre des carnages dans Baby Cart (dont le titre français n'est autre que L'Enfant Massacre) ou avec le personnage principal de La Lame Diabolique, personnage faisant l'objet de moqueries car la rumeur court que sa mère l'aurait fait avec... un chien ! Mais restons sur Tuer !. Tout de même un sacré bon film ! Et revenons-en précisément à la scène d'introduction, et à la mort de la mère. Probablement une des plus belles scènes du genre : l'homme se prépare à trancher la tête de sa femme et fait couler de l'eau sur sa lame, qu'il tient de telle sorte qu'elle coupe l'écran en diagonale. Et l'eau déborde des deux côtés, sur le fond de ciel bleu, avec cette lame sur le côté, en diagonale. On se demande alors si c'est la lame qui est penchée et l'écran qui est droit ou si la lame est droite et l'écran penché ! Quand je vous dis que Misumi a une vision dingue de la mise en scène !

Tuer 3

Et s'il n'y avait que ça de merveilleux dans Tuer !! Bien sûr que non ! En 1h10 de métrage, Misumi fait une synthèse quasiment Antonionienne du film de sabre, en se référant à Kurosawa pour les scènes de combat anti-spectaculaire (parfois l'adversaire renonce avant même que les lames se soient touchées car il sait à la position de son adversaire qu'il va se faire Tuer !) et plus précisément au final prodigieux de Sanjuro, que je retiens personnellement comme le meilleur film de sabre de Kurosawa derrière Les Sept Samouraïs et Rashomon. Et puis il serait dommage de critiquer un film comme Tuer sans évoquer ses personnages féminins extrêmements importants. Et c'est sur ce point là que Misumi se détache de Kurosawa, où les femmes (surtout celles de Sanjuro, d'ailleurs, qui sont complètement gagas !!) apparaissent le plus souvent comme des potiches (à part dans Rashomon et dans Ran éventuellement...). Ici, au contraire, elles tiennent le rôle principal, leur présence se fait sentir et elles ont le beau rôle des meilleurs passages du film (notamment la mort d'une fugitive nue face aux gardes du shogun. La pauvre femme se fait planter un sabre dans le coeur, mais Misumi laisse tout cela hors-champs, limitant tout à un plan sur le mince filet de sang qui coule long de la poitrine de la protagoniste.). Et d'ailleurs, le personnage de femme est omniprésent puisqu'il hante le personnage principal, qui n'a jamais connu sa mère.

Mais une chronique de Tuer ! n'est pas une chronique de Tuer ! si l'on évoque pas la conclusion magistrale du métrage : courant dans des salles construites en poupées russes (vous connaissez le principe ?!), le héros est à la recherche de son maître qui s'est fait agresser. Il ouvre une salle dans laquelle il trouve une porte avec une autre salle dans laquelle il y a une porte qui débouche sur une autre salle dans laquelle il y a une porte qui découche sur une autre salle etc.)

note: 19/20


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