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Gem Club – In Roses

Publié le 20 février 2014 par Hartzine

Did I listen to pop music because I was miserable? Or was I miserable because I listened to pop music” s’interroge Rob Gordon, héros malgré lui de High Fidelity, délicieux premier roman de Nick Hornby subtilement porté à l’écran par Stephen Frears. Autant être clair d’emblée, ça n’est certainement pas l’écoute d’In Roses, second album de Gem Club, sorti chez Hardly Art Records, qui apportera une réponse à ce questionnement existentiel. Car accepter de vous plonger dans les méandres de cette nouvelle merveille du duo (devenu trio) originaire du Massachusetts ne viendra que confirmer ce constat commun à tout amoureux d’une certaine élégance artistique : une  forme de masochisme motive bien nos pauvres âmes égarées à chercher dans toute forme de beauté musicale une accointance envers la souffrance émotionnelle qu’elle est susceptible d’engendrer.

Pour nous plonger dans un nouvel état contemplatif et introspectif prolongé de plus de cinquante minutes, le (génial) tour de force de Christopher Barnes et Kristen Drymala est d’être parvenu à densifier le propos tenu sur Breakers sorti il y a maintenant deux ans tout en gardant son caractère simple et épuré. Point de révolution, donc, mais de subtils arrangements et évolutions disséminés au gré des onze compositions formant ce disque d’une rare cohérence. In Roses enchaîne avec une virtuosité déconcertante ses ritournelles enchantées faites d’instrumentation aussi légères que précieuses dévoilant les unes après les autres au fil des écoutes leurs propres ingrédients les rendant si uniques au sein de cet ensemble bien plus varié qu’il n’y paraît de prime abord. Des cordes montant crescendo sur le poignant instrumental QY2 en passant par les très subtiles percussions d‘Hypericum, rien n’est laissé au hasard, chaque élément trouvant sa place au sein de cette musique d’une incommensurable richesse. Mais cet ensemble est également fait de respirations. L’utilisation des silences est tout aussi primordiale dans ce jeu de construction et le groupe de Somerville rappelle de ce fait à bien des égards un certain Mark Hollis passé en son temps expert dans l’art d’offrir au soupir sa propre musicalité.

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Devant ce constat, la principale difficulté à surmonter pour Gem Club résidait assurément dans le fait de ne pas jouer la carte de la surenchère en matière de déversements lacrymaux, faire en sorte que la mélodie, si touchante soit-elle, parvienne à prendre le pas sur le mélodrame. Pour y parvenir, le combo joue la carte de la rupture dans la continuité autour d’un instrument fédérateur, le piano. On pense souvent à Perfume Genius à l’écoute de ces morceaux organisés autour de thèmes simples au sens le plus noble du terme. Mais là où le petit génie de Seattle confère à sa musique une dimension intimiste, les thèmes sont souvent ici projetés dans une autre dimension faite d’onirisme et de grandeur. Des arpèges de Marathon (In Roses) et de First Weeks  soutenues pour ce dernier par une orchestration d’un classicisme renversant aux accords de Michael et Speech Of Foxes, justes et espacés, autant de variations offertes à la mélancolie. Au sein de cette symphonie des sentiments, les nappes synthétiques de l’inaugural et instrumental [Somewhere] dont la simplicité n’a pour égale que la puissance qu’elles génèrent trouvent aisément leur place tandis que le temps suspend son vol au travers de Soft Season, chanté à deux voix, rappelant les élans crépusculaires et spectraux d’Evening Hymns. La carte de la féminité est également bien présente sur Idea For Strings où les douces vocalises de Kristen évoquent un Memoryhouse en quête de grands espaces. Et lorsque l’instrumentation classique atteint ses limites, le son synthétique prend le relais afin de conclure majestueusement cette œuvre au travers du déchirant et lumineux Polly  passant lentement et progressivement de l’ombre à la lumière.

Album susceptible d’engendrer une profonde obsession chez celui acceptant de s’y soumettre, In Roses s’effeuille lentement et avec délicatesse, pétale après pétale, laissant apparaître chaque fois un peu plus les épines auxquelles il serait vain d’essayer de ne pas se piquer. Entre grandeur et minimalisme, horizons lointains et espaces reclus, cet album d’une rare intelligence bouleverse, nous plongeant tantôt dans la plus profonde détresse, nous laissant souvent entrevoir la lueur mais toujours avec le souci de magnifier les émotions, quelles qu’elles soient. Indéniablement, Gem Club manie avec brio l’art de jouer avec nos sentiments… forcément à fleur de peau.

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